Ash Thayer est une photographe et « artiste multimédia » basée à Los Angeles. Diplômée de l’université de Columbia à New York, elle a exposé son travail à Londres, Berlin, Chicago et bien évidemment à New York. A côté de ça, elle joue, produit, et réalise des mini-films, au sein d’un projet intitulé Love Letter. Mais si nous l’avons contacté pour Noisey, ce n’est pas pour son CV, c’est pour une seule et unique raison : sa présence dans les rues du Lower East Side durant toute la décennie 90. Ses photos regroupées sous le nom This Land, sont un témoignage vivant et vécu, de la vie des squatteurs de Manhattan avant que la Grosse Pomme ne finisse par se transformer en musée. Inspirée par la photo-réalité de Robert Frank, Helen Levitt ou Nan Goldin, et après avoir suivi tous ces gens aux cheveux douteux à travers les rues et les concerts punks, Ash finira fatalement par s’installer avec eux.
Et plutôt que d’insister sur la dépravation et l’insalubrité des lieux squatés, elle documente alors ce mode de vie alternatif au fil de leurs actions, en gardant toujours une attitude mentale positive. Vingt ans plus tard, on lui a demandé de recomposer la bande-son de cette époque, où se bousculent aussi bien Nirvana, Minor Threat que Judas Priest. Allez voir ses autres photos de NY, de Memphis, et son nouveau projet « douleurs chroniques » directement sur son site : ashthayer.net
Fly assise sur son échelle (Squat de la 7ème Rue, 1993)
Bande-son: The Modern Lovers – « Roadrunner »
Fly est une des squatteuse et artiste les plus dévouées avec qui j’ai eu le plaisir d’être amie. C’est grâce à elle que mes photos ont été publiées pour la première fois. C’est une activiste forcenée, elle documente la communauté punk-squat depuis plus de vingt ans. Pour moi, c’est un peu la Mère Teresa des squatteurs !
Videos by VICE
Beer Olympics I (Williamsburg, 1994)
Bande-son: Minor Threat – « Salad Days »
C’est une photo du terrain vague où ont eu lieu les premiers Jeux Olympiques de la Bière en 1994.
Minor Threat était un de mes groupes préférés, ils reflétaient exactement l’image de la culture punk que j’aimais. Ils ont résumé la volonté des jeunes d’être respectés en tant qu’individus indépendants, avec leur propre politique et leurs propres valeurs.
Par dessus la clôture (9ème Rue & Avenue C, 1994)
Bande-son: Dead Kennedys – « Holiday in Cambodia »
Celle-ci a été prise après les Beer Olympics. On s’était retrouvé enfermé à l’extérieur du parc… La police s’est ramenée et a arrêté quelques kids pour trouble à l’ordre public.
Les lyrics de cette chanson de Jello Biafra sont remplies d’une rage de justice et critiquent ouvertement la politique étrangère des Etats-Unis. Cette attitude de défiance envers le gouvernement, qui ne reflétait ni les valeurs ni les besoins des citoyens, s’est transposée en actions subversives, comme le pranksterism ou le détournement culturel.
Jen (Squat de la 5ème Rue, 1994)
Bande-son: Crass – « Bata Motel »
J’ai toujours adoré le look androgyne (sur les filles) qu’on arborait à la fin des 80’s et dans les années 90. Il y avait cette sorte d’accord tacite avec les autres filles : on ne prenait pas en compte les critères de « beau » et de « féminin » définis par la culture dominante. Seuls ton caractère et ton comportement te définissaient, bien plus que ton look. Cette fille s’appelait Jen, une meuf forte et belle à la fois, elle portait tout le temps un uniforme de travail et des bottes.
« Bata Motel » était mon hymne féministe de l’époque, les paroles résumaient parfaitement ce que je pensais sur ce sujet.
La chambre bleue (Squat de la 5ème Rue, 1994)
Bande-son: Gang Of Four – « Ether »
Les murs de la chambre de Jason étaient couverts de strates successives de vert et bleu saturés, ça rappelait certaines peintures vénitiennes de la Renaissance. Les murs eux-mêmes étaient des personnages à eux-seuls, avec une histoire personelle. Chaque immeuble avait des caractéristiques et des atmosphères uniques, qui définissait leurs résidents.
J’aimais beaucoup le punk anglais et le ska, Jason était celui d’entre nous qui avait le look le plus britannique.
Meggin & Jill (5ème Rue, 1994)
Bande-son: Judas Priest – « Living After Midnight »
On aimait les hommes hein, mais toutes les filles étaient hyper soudées ensemble.
Judas Priest faisait partie des groupes rock les plus masculins qu’on écoutait, et certaines comme Meggin portaient même leur t-shirt !
Balle au prisonnier & borne à incendie (Squat de la 5ème Rue, 1995)
Bande-son: Bad Brains – « Fearless Vampire Killers »
On avait un style de vie sensationnel, mais à la fin de la journée, on se chargeait des corvées, et on jouait aussi à four square. Se mettre le moins de règles possibles était une manière de vivre en dissidence avec la culture capitaliste et darwiniste. « FVK » de Bad Brains exprimait complètement cet esprit.
Le coussin de prière de la Serenity House (C Squat, 1995)
Bande-son: Fugazi – « Waiting Room »
April habitait dans un appartement du C Squat. Elle traversait une période compliquée (c’est un tatouage et non du crayon sur son visage), une de ses jambes était restée engourdie après un accident. Elle était tellement gentille, toujours partante pour tout. Le C Squat (qui porte le nom de l’Avenue C où il se situait) existe toujours aujourd’hui, il a résisté aux explusions et est maintenant inclus au sein d’une coopérative avec dix autres squats du Lower East Side.
Fugazi faisait aussi partie de mes groupes préférés dans les années 90. Ils étaient à la fois durs et poétiques, avec un côté masculin très nerveux. Je les adorais.
Une teuf avec Neil Diamond (C Squat, 1996)
Bande-son: Motorhead – « Ace of Spades »
Les fêtes qu’on organisait étaient tarées, on finissait souvent dans la rue à jammer en tapant sur des poubelles en métal. Et dès que nos potent s’endormaient complètement bourrés, on leur gribouillait des trucs sur la face, on appelait ça le « beer elf-ing».
Je ne me rappelle plus trop de ce qu’on écoutait à ce point culminant de la fête, mais « Ace of Spades » est un choix plutôt logique.
Laura et son chien (Terrain vague de la 9ème Rue, 1996)
Bande-son: Heart – « Barracuda »
C’est une photo de Laura prise de l’autre côté de la rue, en face de la Serenity House. Plusieurs squatteurs avaient fait des scupltures bizarres à partir des ordures récupérées.
Je culpabilise un peu parce que je ne cite quasiment aucun groupe féminin de cette époque, mais je suis honnête et je mentionne ce que j’écoutais vraiment, ainsi que les chansons auxquelles me renvoient ces photos.
Heart était un groupe épique, avec Pat Benatar et Joan Jett, elles arrivent dans le trio de tête des musiciennes qui bottaient des culs.
Le poster methadone (Serenity House, 1997)
Bande-son: Die Kreuzen – « This Hope »
Voici Skwert, en train de chiller dans son appartement qu’il avait vraiment bien retapé. C’était un coloc très cool. Il jouait dans Choking Victim et The Dregs, un super musicien en plus.
Les deux tours (Serenity House, 1998)
Bande-son: Nirvana – « Dumb »
Mattie lors d’une pause clope durant une journée de travail. Le panaroma sur le toit de la Serenity House donnait directement sur Downtown Manhattan. A cette époque, il y avait encore des immeubles abandonnés et des terrains vagues partout dans le Lower East Side.
J’avais vu Nirvana à Memphis dans une toute petite salle, The Daisy, à l’époque où ils ouvraient pour Sonic Youth. C’était mon premier vrai concert. Je suis tombé amoureuse de ces deux groupes ce soir là.
Rod Glacial ne fait partie d’aucun collectif pluridisciplinaire. Il est sur Twitter @FluoGlacial