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Société

J'ai voulu devenir catholique, et j'ai échoué

Trouver un sens à ma vie, m'éloigner du matérialisme, apprendre la modestie – comment j'ai merdé sur tous les plans.

J'ai toujours eu du mal avec les religions. Pour moi, il ne s'agit que de sectes qui ont été institutionnalisées. Je n'ai jamais cru en l'existence d'un Seigneur, et ai toujours refusé de me conformer aux différents dogmes. L'épisode du sacrifice sur le Golgotha ne m'a jamais vraiment ému non plus. Pour moi, Dieu était mort, et l'Homme avait succombé au Diable il y a des lustres.

Lors de mes années collège et lycée, je skatais régulièrement dans l'église de mon quartier. Je voyais plus ça comme un amusement banal dans un lieu désacralisé que comme une transgression. En plus, l'endroit était hyper adapté : le sol était lisse, les bancs étaient assez bas pour pouvoir slider dessus et des cierges étaient à disposition pour favoriser la glisse lors de mes grinds.

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Mon rapport à la religion n'a pas vraiment évolué quand je me suis tiré en Californie pour étudier à la fac. Sur le campus, quelques groupes d'évangélistes prêchaient la parole de Dieu lors de la pause déjeuner, des hippies chrétiens chantaient du gospel sur des fausses notes de guitare, des tatouages « Only God Can Judge Me » étaient visibles sur l'épiderme des croyants et certaines nanas voyaient la sodomie comme le moyen le plus approprié de « rester vierge, mais cool ». C'était cyniquement érotique, et complètement débile.

C'est lors mon retour en France que j'ai commencé à me poser des questions d'ordre métaphysique. Après avoir lu le Moine – version Antonin Artaud – les Pensées de Blaise Pascal et, assez bizarrement, le Livre des Morts des Anciens Égyptiens, je ressentais le besoin de trouver un sens à l'ordre des choses. Je me rendais compte qu'entre l'irrationalité de l'existence et mon inévitable mort, j'évoluais dans le néant.

Notre époque est celle de l'athéisme triste. La dimension consumériste de nos sociétés capitalistes n'a clairement pas comblé le vide laissé par le retrait – relatif – du religieux dans la sphère privée. Après six années passées aux États-Unis – où la religion et la consommation sont les deux mamelles fédératrices – j'avais l'impression que l'athéisme en France devenait de plus en plus agressif pour se prouver à lui-même qu'il existait encore. Quant à moi, j'avais l'agnosticisme douloureux. Le monde me dérangeait et, surtout, je m'emmerdais. Plus jeune, dans des circonstances à peu près similaires, j'avais essayé le punk. Je me disais qu'aujourd'hui la religion était la nouvelle forme de protestation.

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Mon intérêt s'est donc rapidement porté sur la religion catholique, et ce pour deux raisons : c'était la religion la plus « abordable », et c'était la religion familiale – je possédais déjà quelques bases. Le but de ma démarche était avant tout d'aborder le caractère positif de la mort. Je me disais que la contemplation du Cadavre sur la Croix me préparerait au passage vers l'au-delà tout en donnant une signification à ma vie.

Je ne sortais quasiment plus de ma piaule. Je lisais, lisais encore, et m'informais sur différents forums – en somme, je me mettais à niveau.

J'ai donc débuté mes recherches. Et, dès le départ, il a fallu faire un tri. J'ai rejeté tout ce qui relevait de l'absurde : la Genèse, avec son idée de la création du monde en sept jours, l'aspect contes pour enfants de nombreux passages du Nouveau Testament, ou encore l'opposition frontale entre la Bible et le darwinisme.

J'ai abordé et accepté la complexité, la beauté et l'ésotérisme de la religion en découvrant les écrits de Saint-Jean. Ses Lettres sont l'une des choses les plus lucides que j'ai lues de ma vie – avec des idées objectives et justes. J'ai fini par passer deux semaines chez moi à lire ses textes sur l'écran de mon ordinateur. Je ne sortais quasiment plus de ma piaule. Je lisais, lisais encore, et m'informais sur différents forums – en somme, je me mettais à niveau.

Plus j'acquérais de connaissances et plus je réalisais que l'Église catholique avait compris deux choses simples et pourtant fondamentales afin de fidéliser ses adeptes. Tout d'abord, personne n'est naturellement heureux. En acceptant le Christ, on finit par s'oublier et se détacher du monde dans lequel on évolue. Ensuite, le triomphe de la Mort par Jésus – à travers son sacrifice et sa résurrection – permet à tout un chacun de prétendre à la vie éternelle – ce qui est toujours réconfortant. En jouant avec la dynamique de l'espoir et de l'éternité, la religion permet de s'affranchir de problèmes insolubles.

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Au bout de six mois, je ne me posais plus de questions. J'étais entré dans une routine – dans la spirale de l'engagement religieux.

Pendant des mois, ma semaine type se résumait à lire des passages de la Bible, prier, expulser ma haine grâce à des scansions, assister à quelques messes et passer des heures assis sur un banc de l'église Saint-Eustache. Tout ça aboutissait à une purification de mon être, à une sensation de bien-être comparable à celle que l'on ressent quand on médite.

Peu à peu, la religion contredisait mes habitudes de pensées. La question de l'existence de Dieu détruisait progressivement mon ego. J'étais de plus en plus fasciné par la morale humaine, le Requiem, l'architecture des églises, les reliques, l'iconographie et, surtout, l'image du Christ – ce cadavre charismatique dressé sur la Croix.

Au bout de six mois, je ne me posais plus de questions. J'étais entré dans une routine – dans la spirale de l'engagement religieux, en fait. Malgré tout, celui-ci restait incompatible avec mon mode de vie. Si j'avais abandonné ma vision matérialiste du monde environnant, je consommais toujours certaines drogues et avais des rapports sexuels interdits. Ça passait au début mais, petit à petit, ces contradictions sont devenues un poids.

De voyage au Pérou, je participais à des festivités organisées en l'honneur de Notre Dame du Mont-Carmel. Ça se passait dans le petit bled de Paucartambo. J'avais fait une dizaine d'heures de bus pour me joindre à la procession. Cette fête était à la fois une beuverie collective, un bal masqué, une méditation à ciel ouvert et un recueillement à l'église. Pour la messe en espagnol, je me contentais d'écouter les requiem et de mater l'attitude des locaux à l'église. Une fois l'office terminé, tout le monde sortait pour bouffer des grillades et boire des bières. Ces Péruviens ont compris le caractère sacré et positif de la religion. La dimension dionysiaque de leur croyance m'apparaissait comme un plus non négligeable – dimension inexistante en France.

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Photo de l'auteur lors de son voyage au Pérou

De retour dans l'Hexagone, je me consacrais toujours au Christ – sauf que plus le temps passait, plus je trouvais difficile de m'investir à fond dans la religion. En fait, j'accumulais les frustrations. Je n'avais plus assez de temps pour me consacrer à ce que j'aime – la musique, le plaisir, le cinéma, l'art. J'avais l'impression d'avoir un taf supplémentaire.

Et puis, sur le fond, je me demandais si cette quête de sens ne m'avait pas écarté de ce que je recherchais au départ. La religion prenait finalement plus de place que l'ésotérisme. Je vivais dans un monde de rédemption continuelle, ce que je supportais difficilement – j'avais l'impression de devoir constamment m'excuser d'être là. J'étais écrasé par le poids du catholicisme. Je m'étais trop enfermé dans ce monde-là. Les prières ne parlaient plus à mon esprit. Pire, elles commençaient à le détruire.

J'avais passé sept mois à « essayer » de devenir catholique. Au fil du temps, je m'en distançais de nouveau. Je priais de moins en moins. Malgré tout, j'ai conservé quelques tableaux de la Vierge et un crucifix mural dans mon salon.

Ce n'était peut-être qu'une phase d'initiation, en fait. La religion ne disparaîtra jamais vraiment de ma vie. Après cette expérience, une chose est devenue évidente : si le poids de mon existence s'avérait, un jour, trop lourd à porter, je me rapprocherais de nouveau de l'Église. À choisir, je préfère l'adoration irrationnelle plutôt que le narcissisme déprimé.

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