« C’est une drôle de coïncidence quand même », expliquent Sophie et Mélanie, 22 ans toutes les deux et catholiques pratiquantes. Alors qu’elles me racontent ne jamais louper une messe le dimanche, elles ne peuvent s’empêcher de penser à cette mystérieuse concordance des dates : Notre-Dame de Paris a brûlé le soir du premier jour de la Semaine sainte. Comment ne pas y voir un signe ?
Vingt-quatre heures après le départ du feu, les catholiques de Paris ont organisé une veillée d’hommage et une procession de la place Saint-Sulpice à la place Saint-Michel pour prier celle qu’ils appellent Notre-Dame, la Vierge Marie. Quand je commence à discuter avec Sophie et Mélanie, la foule est très éparse et la pluie fine dérange. « On attendait une nouvelle résurrection et la voilà. C’est une façon de nous dire : réveillez vos consciences, explique Sophie. Il faut remettre la foi au centre », renchérit Mélanie.
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Puis elles me parlent de la photo. Celle qui a apparemment fait le tour de toutes les conversations Whatsapp de la communauté catholique et qui a été partagée en masse sur les réseaux. Prise par un photographe de Reuters alors que les flammes ravagent encore le toit de la cathédrale, on y voit une croix illuminée au milieu des débris à l’intérieur de la nef de Notre-Dame. « Cette croix blanche et lumineuse, c’est un signe de la providence, assure Mélanie. C’est fou : malgré l’incendie, la croix est debout. »
« Certaines photos circulaient et c’est difficile de ne pas y voir quelque chose », raconte Florian, 28 ans. Il me montre une conversation Whatsapp sur son téléphone et une première photo. La flèche de Notre-Dame est en feu et le nuage de fumée qui l’entoure s’apparente à un ange qui la prend dans ses bras. Puis il en affiche une deuxième : un nuage de fumée noire en forme de croix, tout proche de Notre-Dame. « C’est troublant, le calendrier pose forcément question, confie Florian. Mais je ne cherche pas d’explication à tout. »
« La cathédrale qui brûle était sûrement un signe pour que les gens qui ne croient pas reviennent vers Jésus, pour qu’un christianisme nouveau naisse » – Monique 56 ans
À quelques mètres de nous, une centaine de participants s’est mis à entonner des « Je vous salue Marie », autour de la bannière de sainte Clotilde, mère de la foi française. Quatre organisateurs d’une trentaine d’années se passent le micro pour entrecouper les chants de lectures des évangiles. Puis commence la procession pour la place Saint-Michel.
C’est rue Saint-André-des-Arts que je repère Monique, 56 ans. Elle porte un cierge do-it-yourself : une petite bougie sur une canette de Perrier. Elle chante assez fort pour qu’on l’entende plus que les autres. « Marie pleure aujourd’hui parce que beaucoup de cœurs sont vides de Jésus, » commence-t-elle par m’expliquer. Hier, elle a prié toute la nuit dans une église de Boulogne et a beaucoup réfléchi. « La cathédrale qui brûle était sûrement un signe pour que les gens qui ne croient pas reviennent vers Jésus, pour qu’un christianisme nouveau naisse », assure-t-elle.
La foule prend de l’ampleur, les rues Saint-André-des-Arts, de Buci et du Four sont pleines, le cortège a investi toute leur largeur. À l’arrivée sur la place Saint-Michel, près d’un millier de personnes a rejoint la procession.
À l’arrière de la foule, j’ai rencontré Louis, 29 ans, qui voit dans l’incendie de Notre-Dame un appel de Dieu. « Un ami m’a envoyé cette phrase de Jésus dans l’Evangile selon Saint-Luc : S’ils se taisent alors les pierres crieront, me raconte-t-il. Peut-être que c’est un appel pour nous, chrétiens, sûrement parce qu’on se tait, parce qu’on n’évangélise pas assez nos concitoyens. »
Cette phrase de Jésus, le père de Menthière, prêtre du diocèse de Paris, y fait aussi allusion dans un texte qui a fait le tour des réseaux cathos ces derniers jours. « Ces pierres dont le Seigneur nous disait hier encore qu’elles crieraient, ne les entendons-nous pas, encore fumantes, appeler au sursaut et à la foi », écrit-t-il. Dans ce texte, qui a été lu plusieurs fois lors des prières place Saint-Michel, le prêtre confie les espoirs qu’il place dans l’après : « Cette unité qu’un message présidentiel, prévu le même soir, n’aurait probablement pas réussi à renouer, Notre-Dame, la Vierge Sainte, l’accomplissait sous nos yeux éberlués. Et si c’était encore une fois l’intervention surnaturelle de la Mère de Dieu qui redonnait à notre cher et vieux pays l’élan de l’espérance ? »
Et si, pour certains, l’incendie n’est pas un signe de la providence, l’engouement et l’émotion qu’il a suscité sont la preuve d’un attachement des Français aux fameuses racines chrétiennes de leur pays. « Cet événement permet aux Français de comprendre enfin que leur substrat est chrétien et non pas universel, assène Yves, 35 ans. On n’arrête pas de nous parler de multiculturalisme mais les racines de la France sont chrétiennes et les Français le redécouvrent aujourd’hui. »
« Il faut se rappeler les racines chrétiennes de notre pays, » pense également Louis. Mais pour lui, le signe est plus fort, plus spirituel. « Je vois la résonance de cet événement comme un appel à un réveil missionnaire. Beaucoup de gens cherchent un sens à leur vie aujourd’hui et la réponse est dans Jésus. »
Célia peut parfois parler de religion sur Twitter.
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