À Berlin, deux sans-abri ont trouvé un appartement sur eBay

Cet article a été initialement publié sur VICE Allemagne.

En novembre 2017, Dirk et Stephan, deux amis originaires de Berlin, ont publié une annonce sur eBay afin de trouver un « propriétaire au grand cœur » qui les aiderait à sortir de la rue.

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« Nous sommes deux sans-abri gentils et raisonnables, qui cherchent à reprendre leur vie en main », disait l’annonce. « Nous sommes tous deux âgés de la cinquantaine, et nous ne sommes ni toxicomanes, ni alcooliques. »

Le problème pour eux n’était pas de payer le loyer, puisqu’ils ont chacun plusieurs petits boulots – comme livrer des fûts de bière, aider les gens à faire leurs courses et emmener des animaux chez le vétérinaire. « Chaque mois, nous gagnons entre 1 800 et 2 000 euros, déclare Dirk. Ça suffit à payer un loyer. »

Pourtant, aucun propriétaire n’était prêt à leur faire confiance – ils n’étaient pas en mesure de fournir des bulletins de salaire ou de prouver qu’ils n’avaient pas de dettes impayées, sans parler du fait qu’ils n’avaient pas les moyens de régler la caution.

Après que leur recherche d’appartement est devenue publique, ils ont passé des heures à répondre aux invitations des chaînes de télévision allemandes, qu’ils ont toutes déclinées. Ils ne voulaient pas de toute cette attention – ils voulaient juste un appartement. Et ils l’ont trouvé.

J’ai discuté avec Dirk de leur recherche, de leur nouvelle maison, et de la raison pour laquelle ils n’ont pas saisi l’occasion de devenir célèbres.

Le panneau de Dirk, sur lequel on peut lure : « Sans-abri, Allemand, ne touche pas de prestations de chômage/Mariage, adoption, donation – décidez maintenant ! »

VICE : Salut, Dirk. Comment avez-vous réussi à trouver un appartement ?
Dirk : Un homme d’affaires italien nous a contactés. Il a vu notre annonce et avait un appartement de libre à louer. Je n’y croyais pas avant de signer le bail la semaine dernière. C’est incroyable.

L’appartement se trouve dans un immeuble ancien et dispose de deux chambres, d’une cuisine et d’une salle de bains – le tout pour 630 euros charges comprises. C’est à Moabit, un quartier très bien situé dans le centre de Berlin.

Savez-vous pourquoi il a accepté de vous le louer ?
Il nous a expliqué que lorsqu’il a mis l’appartement sur le marché, il a reçu plus d’une centaine de demandes. Mais il est profondément religieux et une voix intérieure – Dieu ? – lui a intimé d’attendre un peu avant de prendre une décision.

Il a vu notre annonce quelques jours plus tard et m’a aussitôt contacté. Je lui ai expliqué que nous ne pouvions pas justifier de nos revenus, ce qui ne l’a pas découragé. Nous avons fini par apprendre qu’il y a vingt ans, il a été viré de chez lui par son ex et a passé une semaine dans la rue – il comprenait donc notre situation.

Les gens ont-ils été nombreux à vous contacter après que votre annonce est devenue virale ?
Nous avons reçu beaucoup de demandes de la part des journalistes, et un nombre incroyable de personnes sur Facebook nous ont proposé des meubles en tout genre. Au-delà de ça, nous avons collecté près de 2 000 euros grâce à une campagne de crowdfunding, ce qui nous a permis de payer la caution.

En revanche, nous avons toujours besoin d’un lave-linge à ouverture sur le dessus. Pouvez-vous en parler dans votre article ? Avec une ouverture sur le dessus, s’il vous plaît, pas avec un hublot.

On vous a également proposé du travail, n’est-ce pas ?
Nous avons passé deux semaines à traiter toutes les demandes, mais nous travaillons déjà tous les deux à temps partiel. À l’avenir, j’aimerais lancer mon propre business en ligne.

Les gens vous reconnaissent-ils quand ils vous voient désormais ?
Mes amis savent que notre histoire a fait le tour des médias, mais heureusement, aucun inconnu ne m’en a parlé – personne ne nous reconnaît à partir de la photo publiée dans l’annonce. Notre but n’était pas de devenir célèbres, c’est pour ça que nous avons refusé de passer à la télé, alors même qu’on nous a proposé de l’argent – jusqu’à 500 euros par émission. Nous voulions juste avoir un toit au-dessus de la tête. Et puis, je n’étais pas à l’aise à l’idée de passer à la télé un jour et dormir dans la rue le jour suivant. Tout le monde se serait moqué de moi.