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santé mentale

À trop chercher le bonheur, on peut finir par se sentir comme de la merde

C’est comme le sommeil : plus vous le cherchez, plus il s’éloigne.
Photo : Ezra Bailey, Getty Images

C’est difficile à imaginer aujourd’hui. Il y a une vingtaine d’années, le domaine de la psychologie positive avait beaucoup plus d’importance. Plus de chercheurs et de médecins se consacraient à la santé mentale pour déterminer les comportements négatifs qui nourrissaient les troubles.

Tout a changé en 1998 quand le réputé professeur de psychologie de l’Université de la Pennsylvanie Martin Seligman a fait de la psychologie positive le thème de son mandat de président de l’American Psychological Association. Depuis, des milliers de thèses, livres de croissance personnelle et conférences TED ont porté sur le bonheur et les façons d’y parvenir. Depuis 2012, le Rapport mondial sur le bonheur lancé par l’ONU présente chaque année l’indice de bonheur dans tous les pays du monde.

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La quête du bonheur semble naturelle. Il n’y a qu’un problème : nous n’avons pas de preuve sérieuse que la recherche du bonheur mène au bonheur. En fait, les études montrent qu’elle peut vous conduire à une existence misérable.

Dans une étude publiée en 2011, des chercheurs ont observé que la recherche du bonheur a le potentiel de démoraliser et que motiver les gens à chercher le bonheur est un bon moyen pour faire en sorte qu’ils se sentent comme de la merde. Après avoir divisé les participants en deux groupes, les chercheurs ont dit à un seul des deux groupes que, « plus les gens se rapprochent du bonheur en tout temps, plus ils sont susceptibles d’avoir du succès, d’être en santé et de devenir populaires ». Ensuite, par rapport à l’autre, le groupe motivé à parvenir au bonheur a réagi moins positivement à une activité ludique et s’est senti moins bien après une activité légèrement stressante.

Une étude semblable, celle-là publiée en 2014, a révélé que le recherche du bonheur pouvait accroître le risque de dépression. « Quand les gens cherchent le bonheur, ils surveillent la réalisation de cet objectif, et cette surveillance peut les empêcher de trouver le bonheur », explique Brett Ford, auteur principal de cette étude et professeur agrégé de psychologie à l’Université de Toronto.

En d’autres mots, le problème n’est pas la recherche du bonheur. C’est évaluer si on y est parvenu qui fait piquer du nez le moral. Toutes les observations donnent à penser que plus on réfléchit à notre bonheur, moins on le trouve. Dans le chapitre d’un livre qu’elle a coécrit, Mme Ford cite le philosophe américain Eric Hoffer, selon qui « la recherche du bonheur est la principale source de malheur ».

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Même notre définition du bonheur serait à revoir. La plupart d’entre nous pensent qu’une personne qui a trouvé le bonheur déborde de positivisme et d’optimisme. Mais une étude publiée plus tôt cette année a montré que l’acceptation des émotions appropriées au contexte, même négatives comme la peur ou la tristesse, rapproche davantage du bonheur qu’essayer de vivre des émotions plaisantes tout le temps.

« On se sent tous tristes, inquiets ou en colère des fois », dit l’auteur de l’étude, Maya Tamir, professeure agrégée de psychologie à l'Université hébraïque de Jérusalem. « Si l’on apprend à accepter ces émotions et à voir leur valeur, on a plus de chances d’être heureux. »

« Il y a beaucoup de définitions acceptables du bonheur », ajoute Lahnna Catalino, professeure agrégée de psychologie au Scripps College en Californie. Elle convient qu’essayer de maximiser le bonheur en tout temps se retourner contre soi. Mais elle aussi publié des résultats de recherche qui montrent que « prioriser la positivité », c’est-à-dire remplir sa journée de ce qui rend heureux, peut accroître le sentiment de bien-être.

Oui, on est de retour au précepte de la croissance personnelle voulant qu’on puisse faire des choses pour trouver le bonheur. Et tous les experts cités précédemment disent que c’est possible. Tout compte fait, il est peut-être utile de voir le bonheur comme le sommeil : il y a des gestes à poser pour les améliorer tous les deux, mais passer beaucoup de temps à y réfléchir n’en est pas un.

« Accepter ses émotions et ne pas chercher à atteindre un objectif émotionnel, même le bonheur, conclut Mme Ford, peut-être une bonne voie vers un plus grand bien-être. »

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