Musique

Le rêve américain de Kay Bandz

Le rappeur vient de sortir une mixtape avec la crème du rap de Montréal. On l’a rencontré chez lui.
Le rêve américain de Kay Bandz
Photos fournies par Kay Bandz

Après plusieurs échanges de textos, j’obtiens finalement un rendez-vous avec Kay Bandz, chez lui, sur la Rive-Nord. Je sonne, et une femme d’un certain âge ouvre la porte. « Je ne connais aucune personne du nom de Kay », me dit-elle, visiblement vexée d’être dérangée.

Je vérifie les coordonnées et appelle le rappeur. « Retourne-toi, je suis dans la fenêtre, juste en face, me dit-il en riant. Je ne donne jamais ma vraie adresse par téléphone. »

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Le jeune rappeur d’origine haïtienne m’invite alors dans sa grande maison d’un nouveau développement de banlieue. Il s’installe confortablement dans son large sofa, un verre de lean, une boisson au sirop codéiné, à la main. Ses chaînes, ses bagues et sa montre, incrustées de diamants, reflètent le soleil qui entre par la fenêtre. Une grosse pile de billets de 20 $, un money phone d’une valeur de plusieurs milliers de dollars traîne sur la table. « J’ai toujours ça avec moi, lance-t-il. J’ai le droit. »

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Kay Bandz vient tout juste de lancer une mixtape qui rassemble certaines des meilleures voix du rap local. Tizzo, Shreez, White-B, Lost, Demon DOA, Lk Tha Goon et Obia le Chef, notamment, se retrouvent sur le projet intitulé MTL, Vol. 1.

« J’ai décidé de faire appel à ces gens parce que je voulais donner la chance à toute la scène montréalaise, explique-t-il. Je voulais mettre la ville au complet sur la mixtape. Je veux aussi montrer que je ne suis pas en compétition avec eux, parce que je travaille exclusivement en anglais. »

Le rappeur, qui a grandi dans l’arrondissement d’Anjou, estime d’ailleurs qu’il est boudé par la scène locale depuis plusieurs années. « Je travaille vraiment fort, mais personne ne me remarque parce qu’ici, tout se passe en français. J’ai toujours travaillé en anglais et c’est devenu mon image. Mon but n’est pas de rester à Montréal. Je rêve de percer à l’international. D’ailleurs, dans quelques mois, je bouge aux États-Unis. »

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Kay Bandz multiplie les approches chez nos voisins du Sud. Il est d’ailleurs très fier de me montrer qu’il est sur une playlist de la radio par satellite Shade 45, fondée par Eminem. Il s’est aussi payé des collaborations avec les rappeurs américains Gunna, Zoey Dollaz et Lil Baby sur sa mixtape précédente, TNTS, paru au mois de mai.

Boulimique de studio, il veut inonder le marché de sa musique au courant de la prochaine année. Au moins une mixtape par mois. « J’ai 100 chansons qui dorment dans mon ordinateur. Mais je ne vais pas me brûler, t’inquiètes. Pour moi, c’est une éthique de travail. Lil Wayne et Gucci Mane ont sorti combien de mixtapes avant que ça fonctionne? »

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Il ne prend même plus la peine d’écrire des textes avant d’enregistrer. Il rappe comme ça vient, une fois au studio. « Je fais systématiquement du freestyle. J’écoute le beat et je me laisse aller. Je parle de ce que je vis et de ce que je vois autour de moi. C’est clair que c’est dur, mais je ne connais rien d’autre. Ce dont je parle c’est vrai à 100%. C’est peut-être pour ça que j’ai de la difficulté au Québec. Les gens ici, ils n’aiment pas le gangstérisme et la controverse. »

Kay Bandz est néanmoins conscient de la difficulté de percer le marché américain, où des milliers de rappeurs rêvent de devenir la prochaine sensation. En attendant, avec ses chaînes, sa grosse voiture et son lean, il a déjà adopté le mode de vie de ses artistes préférés. « C’est certain qu’on va se revoir, dit-il. Ça se peut que ce soit dans cinq ans, mais je ne vais juste pas abandonner. »

Simon Coutu est sur Twitter .