La mort reste encore largement taboue dans nos sociétés occidentales modernes. Pour ouvrir une discussion et aider à mieux l’appréhender, le collectif Dream Logic et la plateforme d’innovations OpenIdeo ont fait appel au potentiel d’empathie de la réalité virtuelle (VR) et augmentée (AR) en tant que médiums. Sous la houlette de Lindsay Saunders et Kelly Vicars, une dizaine d’artistes a investi les 6000 mètres carrés du Laundry de San Francisco.
Stations VR et AR, projections, sculptures, installations et œuvres mixes composent cette exposition sobrement intitulée « The Art of Dying ». « Nous nous intéressons de près à comment les gens peuvent s’immerger dans une nouvelle expérience et appréhender différemment la mort, repenser comment sera la leur », dit Saunders à The Creators Project.
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Pour l’artiste John Benton, son œuvre Bardo Thogul — qui s’inspire, comme son nom l’indique, du Livre tibétain de la vie et de la mort — qui explique les différentes étapes séparant la vie de la mort, est parfaitement approprié pour la VR car le bouddhisme tibétain implique une compréhension viscérale, expérimentale. Le prototype en question, pas encore interactif, propulse le spectateur dans une chute lente à travers des pièces ou des espaces ouverts minimalistes, avec une voix douce en fond sonore.
Benton prévoit de le développer avec l’aide de bouddhistes, comme Khandro Rinpoche. « Beaucoup de Tibétains, dont le Dalaï Lama, sont très ouverts aux nouvelles technologies », dit Benton, qui enseigne le design et l’art numérique à NYU. « C’est un moyen très intéressant d’apprendre d’eux et d’être leur intermédiaire. »
En regardant les gens interagir avec les œuvres, on voit vite qu’ils sont parfois déroutés par ces nouvelles technologies : ils ne savent pas quoi faire de leurs mains, essayant d’agripper des murs invisibles ou les remuant devant leurs casques VR. « C’est très drôle de regarder les gens », dit Chelley Sherman. L’œuvre de cette artiste utilise des sons binauraux pour guider l’utilisateur dans l’expérience, qui les perçoit comme des murmures. « Vous êtes immédiatement poussé dans cet espace complètement fou. Je veux que les gens se sentent mal à l’aise quand ils y jouent. Il n’y a pas beaucoup d’expériences flippantes en VR. »
Les paysages monochromes éclatés de Das It sont peuplés de pierres étranges, de têtes, de mains et de formes géométriques évoluant dans l’obscurité qui enveloppe le spectateur. « Plutôt que de mettre des fleurs sur la tombe, on met des pierres car elles sont plus durables », explique Sherman, faisant référence à une tradition juive qui a inspiré son concept.
Les artistes ont fait preuve d’imagination pour proposer une grande diversité d’approches de la mort. L’artiste Kent Bye, dont la mère et le beau-père se sont suicidés ensemble, pense que « notre culture n’a pas énormément de bons rituels autour de la mort et du deuil », comme il le rapporte à The Creators Project. « Je cherchais un rituel pour mon deuil, donc j’ai créé celui que je voulais, qui consistait à dire toutes les choses que je n’avais pas dites. » Ce rituel se matérialise sous la forme d’une œuvre en réalité virtuelle intitulée Crossover, et avec à elle, Bye dit avoir trouvé une forme de catharsis.
« Il y a quelque chose qui se passe avec l’incarnation, quand vous êtes réellement immergé dans une expérience. Vous pouvez explorer des sujets difficiles que vous n’avez pas vraiment osé aborder avant. Je pense que la mort fait partie de l’un d’eux. »
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