Un matin clair et lumineux, un groupe de Sherpas préparait l’ascension du plus haut sommet du monde, le mont Everest, pour leurs clients occidentaux. Mais à 6 heures 45 du matin, 16 d’entre eux ont été tués par un énorme morceau de glace qui s’est décroché de la pente abrupte de la montagne.
Cette avalanche a eu lieu il y a un an. C’est l’accident le plus mortel que cette montagne emblématique a jamais connu. La communauté des Sherpas avait alors annulé des ascensions, ce qui a attiré l’attention sur leurs mauvaises conditions de travail et leurs bas salaires.
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Dans l’année qui a suivi l’accident, l’attention s’est ensuite portée sur l’impact humain en termes écologiques sur ce sommet du Mont Everest. Des chercheurs et les alpinistes ont confirmé à VICE News que le nombre d’ascensions augmente chaque année, et avec, la quantité de déchets laissées sur place. Le dérèglement climatique pourrait aussi transformer la montagne d’après eux, ce qui augmente le risque de fonte des glaciers, et rend la surface de la montagne plus instable.
Entre 70 000 et 100 000 personnes s’attaquent au Mont Everest chaque année, nous a raconté Alton Byers, le directeur des sciences et de l’exploration du Mountain Institute. Tous les ans, 5 500 kilos de déchets humains sont produits au camp de base par les visiteurs. Ces déchets finissent souvent dans les cours d’eau dont dépendent des villages environnants.
« C’est en train de devenir quelque chose de connu : les gens tombent malades à cause de l’eau contaminée par des déchets humains, » dit Anlton Byers à VICE News.
Il arrive souvent que les fosses septiques des maisons d’hôtes, situées en bas du camp de base, où dorment les visiteurs avant et après l’ascension fuient, ce qui pollue d’autant plus l’eau, explique Byers. Avec la montée des températures, les modèles de précipitation ont changé et les cours d’eau se sont asséchés. Dans ce contexte, la pollution est un « facteur de stress » du changement climatique, dit-il. La pollution aggrave les effets du réchauffement climatique. Contribuant à la dégradation de l’environnement, les propriétaires de maisons d’hôtes se débarrassent des déchets dans d’immenses fosses à ordure laissées en plein air.
« C’est recouvert de décharges, ce qui crée un risque environnemental pour les humains et les animaux, » déplore Byers.
Les déchets sont un problème tout aussi complexe bien plus haut dans la montagne. Là où les alpinistes fréquentent tous les mêmes routes pour tenter des ascensions en toute sécurité. Ils laissent leurs déchets derrière eux pour ne pas avoir à trimbaler du poids en plus. Des sacs plastiques, des tentes, des masques à oxygène, voire même les cadavres d’anciens alpinistes sont abandonnés sur la route.
Le gouvernement népalais a demandé aux alpinistes de redescendre la même quantité d’ordures que celle qu’ils ont laissé en montant, et Dawa Stevens Sherpa, un guide local, a monté une association à but non lucratif qui rémunère les gens qui redescendent les déchets.
Même ces bonnes intentions ont rencontré des obstacles. Le village voisin de Gork Shep sert de décharge pour les ordures du mont Everest, mais il est déjà plein. Les déchets vont donc devoir être transportés encore plus bas dans la vallée.
« Ça ne se voit pas, mais ils n’ont plus de place à Gork Shep, alors ils les descendent encore, » explique à VICE News Garry Porter, un ingénieur qui travaille dans la région. « C’est une horreur. »
Porter n’accuse pas les alpinistes d’être responsables de cette crise des déchets. Il dit que le terrain et les structures inadéquates font du problème des déchets un véritable défi, que lui et son équipe pensent pouvoir aborder. Ces cinq dernières années, le groupe a développé le Mount Everest Biogas Project, qui a pour but de déployer l’équipement nécessaire sur le Mont Everest pour transformer les excréments humains en méthane. Le gaz peut être utilisé par les locaux pour le chauffage et la nourriture.
« Pour qu’un tel projet fonctionne, il faut que l’on puisse en tirer des bénéfices économiques, » dit Porter à VICE News, soulignant que les habitants du coin tireraient parti d’un combustible qui serait gratuit.
Mais ces transformateurs de déchets misent sur la chaleur humaine pour décomposer les excréments, et Gork Shep est à plus de 5 000 mètres d’altitude. Les températures y sont souvent trop basses pour que le processus de conversion puisse avoir lieu.
« On pense avoir une solution ; on est tous ingénieurs, » a dit Porter à VICE News. « Notre équipe travaille à rendre le transformateur suffisamment chaud dans cet environnement difficile. »
Porter espère que son groupe sera en mesure de déployer les transformateurs d’ici un an.
Alors que les écologistes et la communauté locale travaillent à minimiser l’impact des alpinistes sur le Mont Everest, le changement climatique pourrait avoir un impact sur les vallées, d’après certains scientifiques.
John All est le directeur du American Climber Science Program — et l’une des rares personnes à avoir atteint le sommet du Mont Everest. Il a expliqué à VICE News que pour lui l’impact des alpinistes était relativement faible.
« On est de toutes petites choses sur une masse de glace géante, » détaille-t-il. « L’effet des alpinistes n’a d’impact que sur les alpinistes. »
Ce qui préoccupe All, ce sont les fontes de glace. Son ami, Asman Tamand Sherpa, figure parmi les victimes de l’avalanche de l’an dernier. All lui-même a frôlé la mort un mois plus tard sur une piste pas très loin, en tombant dans une crevasse d’une vingtaine de mètres de profondeur.
« J’avais 15 os et six vertèbres de cassés, j’étais victime d’une hémorragie interne et j’ai dû escalader pour me sortir de la crevasse, » raconte-t-il à VICE News. Il explique que selon lui les crevasses sont plus nombreuses avec le réchauffement climatique, ce qui rend l’escalade de plus en plus dangereuse.
« On observe une réduction importante de la masse de glace et beaucoup d’instabilité, donc la glace qui reste bouge rapidement et n’est pas bien consolidée, » explique All. « Toute la région est devenue moins fiable, et à présent, on sait que tout ce qu’on fait peut créer des situations à problèmes. »
Jeffrey Kargel, professeur du département d’eau et de ressources hydrauliques de l’université d’Arizona a conduit des travaux de recherches sur le mont Everest. Il explique à VICE News que le rôle du changement climatique dans les avalanches du mont Everest reste à définir. Il dit que la corrélation entre la fréquence des avalanches et la fonte des glaces est une « conjecture raisonnable », mais qu’aucune preuve n’a encore été établie.
« On ne peut pas arriver à la conclusion que [l’avalanche de l’an dernier] était due au changement climatique, mais ce genre de catastrophe est de plus en plus prégnant dans l’esprit des compagnies de trekking qui emmènent les alpinistes au sommet, » explique Kargel à VICE News. « Et les gens qui vivent et qui travaillent dans la région sont très touchés par l’idée du changement climatique. Ils sont préoccupés par les risques auxquels ils vont devoir faire face. »
Suivez Meredith Hoffman sur Twitter : @merhoffman