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Ce qui se produit quand les étudiants en gynécologie doivent écouter des femmes pour réussir

L’article original a été publié sur Broadly.

Une feuille de papier bleue sur le pubis, une femme de 30 ans nue de la taille aux pieds est étendue jambes écartées sur un divan d’examen. Un étudiant en médecine ouvre son vagin à l’aide d’un spéculum et cherche le col de l’utérus.

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Il ne s’agit pas d’un test Pap ordinaire. La patiente donne une formation à des étudiants en gynécologie et leur montre comment effectuer un examen sans occasionner de stress ou de douleur à la patiente. Surtout, elle permet aux étudiants de s’exercer sur son propre corps.

Beaucoup de femmes ont en horreur les tests de dépistage du cancer du col utérin et les autres examens après des expériences physiques ou psychologiques plus ou moins mauvaises. Évidemment, le toucher vaginal est particulièrement difficile, parfois traumatisant, pour celles qui ont été victimes d’une agression sexuelle. Une Britannique sur trois entre 25 et 29 ans refuse de subir le test Pap, souvent parce qu’elle craint que ce soit gênant ou douloureux. En parallèle, on a remarqué une hausse du nombre de cancers du col de l’utérus. Il est urgent que la médecine rende ces examens moins déplaisants.

L’école de médecine de l’Université Oxford est l’une de celles qui ont imaginé une façon féministe novatrice d’enseigner la gynécologie : on forme des femmes lambda volontaires pour qu’elles donnent ensuite une formation aux étudiants en gynécologie.

Traditionnellement, les étudiants en médecine pratiquaient les examens gynécologiques sur des mannequins de plastique. C’est un problème. Ils sont différents des corps réels et n’ont aucune réaction physique ou émotionnelle. Un étudiant en médecine qui se sert d’un spéculum avec un mannequin n’apprend rien sur l’inconfort et les douleurs qu’il peut causer ni sur la façon d’interagir avec une patiente réelle.

L’histoire de l’enseignement de la gynécologie a des pans sombres : dans les années 90, des femmes sous anesthésie pour une opération ont été utilisées comme cobayes pour que des étudiants pratiquent le toucher vaginal, et ce, sans leur consentement ni même qu’elles le sachent. « Une honteuse exploitation », dit Jane Moore, consultante en gynécologie et chef du programme de formation des participantes à l’école de médecine. Par contre, note-t-elle, « on ne peut pas apprendre à effectuer un examen avec compétence sur un mannequin de plastique qui ne ressent rien ».

Voulant l’amélioration de la formation des étudiants en médecine et du confort pour les patientes, et conscient de la réticence qu’ont des femmes à visiter leur gynécologue, l’école médicale d’Oxford a donc commencé à recruter des femmes lambda pour former des étudiants : des participantes qui sont à la fois professeures et patientes.

Bien que des volontaires se sont désistées au cours de leur formation, au cours de laquelle on aborde des questions de gynécologie, on observe d’autres participantes et on fait un essai mais sans étudiant, beaucoup de femmes ont répondu à l’appel de l’école de médecine.

Deux par deux, les professeures donnent six cours de deux heures en soirée sur une période de trois semaines et sont libres pendant les cinq semaines suivantes, avant d’entreprendre une nouvelle période de trois semaines. On leur verse un salaire équivalent à celui des chargés de cours, pour leurs heures de cours, mais aussi pour leurs heures de formation intensive en vue de ce défi.

Depuis maintenant une décennie au Royaume-Uni, des participantes enseignent ainsi aux étudiants en gynécologie. Oxford, qui a mis sur pied ce programme il y a dix ans, est la seule école de médecine où les participantes non seulement forment les étudiants, mais les évaluent aussi aux examens de fin d’études. Les étudiants obtiennent d’ailleurs leur diplôme à la condition d’obtenir l’approbation de la participante qui l’a évalué.

Dans la période actuelle, les six participantes ont de 20 à 50 ans, elles travaillent dans divers domaines, des arts au travail social, la plupart ont un diplôme universitaire et certaines sont mères. Sally*, une femme de 30 ans qui travaille dans l’édition d’ouvrages universitaires, et Benny*, 31 ans, qui étudie en psychologie, enseignent aujourd’hui à deux étudiants en médecine, Dan* et Tom*, tous deux âgés de 23 ans, qui paraissent plutôt nerveux.

Pendant la plus grande partie du cours, on procède par jeu de rôle. D’abord, Benny joue celui du médecin, et Sally celui de la patiente, alors que les étudiants observent. Benny montre comment aborder avec délicatesse des sujets comme le test Pap et l’examen vaginal; présenter le spéculum; parler des mauvaises expériences si la patiente en évoque; obtenir son accord avant de commencer l’examen; mentionner à la patiente qu’elle peut demander de l’interrompre à tout moment. Benny leur explique « qu’une patiente peut avoir l’air brave, mais en vérité se sentir terrifiée ».

Ensuite, Benny examine Sally à l’aide du spéculum et effectue des examens vaginaux et abdominaux, et ce, toujours sous le regard attentif des étudiants. Ils apprennent les règles d’or du respect de la patiente : verrouiller la porte pour que personne d’autre n’entre, utiliser le spéculum avec beaucoup de lubrifiant de façon experte, ne pas donner de coup au col de l’utérus, s’arrêter au moindre inconfort.

Ils apprennent aussi à ne jamais laisser la patiente se sentir « nue » — à découvert avec les jambes écartées — pendant que le gynécologue se prépare; à positionner le divan d’examen de sorte que le gynécologue n’a pas une position dominante au-dessus de la patiente; à ne jamais déplacer la feuille de papier bleu, laisser plutôt la patiente le faire; à la prévenir chaque fois avant de la toucher; à constamment s’assurer qu’elle ne ressent pas trop d’inconfort; à utiliser un petit spéculum, en particulier si la patiente le demande, car ils fonctionnent aussi bien que ceux de taille moyenne qu’utilisent pourtant par défaut les gynécologues.

Après, c’est au tour des étudiants : Dan examine Sally, et Tom, Benny. Ils semblent hésitants — après tout, ils ne voient pas souvent les organes génitaux de leurs professeurs, encore moins pour un examen minutieux une heure seulement après avoir fait leur connaissance. Grâce à la gentillesse et aux blagues de Benny et de Sally, les jeunes hommes se détendent.

Est-ce que c’est étrange d’être examinée par un pur inconnu? « Pas vraiment », dit Benny. Elle n’a pas de complexe et elle est « impossible à embarrasser ».

« C’est un peu étrange au début, mais, extraordinairement vite, ça devient normal », répond Sally, qui a toujours eu de l’intérêt pour les soins de santé pour femmes. La première fois qu’elle a observé une participante donnant une formation, elle est restée à l’écart, se rappelle-t-elle. « Je ne voulais pas inutilement déranger et rendre la patiente mal à l’aise. J’étais incertaine de ce qu’on attendait de moi ou de ce qui était approprié dans ces circonstances. » La femme l’a invitée à s’approcher pour observer, et elle s’est alors rendu compte combien elle était à l’aise.

Sally et Benny se sont jusqu’à maintenant toujours senties en sécurité avec les étudiants, mais, en cas de problème, elles pourraient arrêter le cours en tout temps. Elles se sont habituées à demander une pause quand l’examen devient déplaisant, avec une assurance qu’elles montrent aussi au cours d’examens gynécologiques dans la vraie vie.

« Ce qui est crucial, c’est que cette formation place la patiente en position d’autorité dès le début de la formation, estime Jane Moore. Si la patiente est votre professeure depuis le début, vous aurez plus de mal à désapprendre. »

Oxford mettra sur pied d’autres formations dans lesquelles des volontaires donneront des formations : des femmes ayant subi une fausse-couche pour enseigner aux étudiants sur ce sujet, une personne transgenre qui racontera ses expériences, ainsi de suite.

« Les patientes sont maîtres de leur corps et, aux examens, ce sont elles les professeures, dit Benny. C’est un changement de dynamique très puissant. Quand je sors d’ici, je sens que j’ai contribué à rendre le monde meilleur, plus féministe. »

* Les noms ont été changés pour protéger l’anonymat des personnes citées.