L’année 2020 nous a changé de bien des façons. Avec la propagation du coronavirus dans le monde entier, nous avons dû adapter nos routines aux mesures de confinement et de restriction, en développant en cours de route des mécanismes d’adaptation indispensables et, parmi eux, le café.
Pendant le premier confinement de la Colombie, qui a duré de mars à septembre 2020, la consommation de café a fortement augmenté. La Fédération nationale des producteurs de café a rapporté qu’en mars, avril et mai 2020, les Colombiens ont consommé respectivement 30 %, 24 % et 26 % de café en plus par rapport à la même période en 2019.
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Selon l’Échele Cabeza, une organisation de sensibilisation aux substances psychoactives, la caféine était la troisième substance psychoactive la plus utilisée pendant le confinement. De nombreuses personnes qui ne buvaient pas de café avant s’y sont mises. La société de conseil COFFEEBI a indiqué que le marché européen a également connu une augmentation de la consommation de café à domicile, qui s’est traduite par une hausse des ventes de café et de machines à café à usage domestique.
Selon Diana Agudelo, psychologue et professeur à l’université des Andes, la monotonie de l’enfermement nous a obligés à utiliser plus de matière grise pour faire face à la vie quotidienne. Beaucoup de ses patients disent se sentir fatigués et dépassés par le fait de devoir travailler, nettoyer la maison, cuisiner et s’occuper de leur famille en même temps, ce qui entraîne un énorme effort cognitif aussi fatigant que l’exercice physique. Les parents ont eu beaucoup de mal à jongler entre les leçons des enfants et leurs tâches professionnelles. Par conséquent, beaucoup ont compté sur quelques tasses de café supplémentaires pour leur donner un coup de pouce.
À cause de la ligne floue entre le travail et la vie privée, la journaliste María Fernanda Fitzgerald, âgée de 27 ans et originaire de Bogotá, est passée de cinq à dix tasses par jour. « C’est arrivé de manière totalement inconsciente, dit-elle. Quand j’étais fatiguée, je prenais un café. Cela me rendait très anxieuse, mais au début, je pensais que c’était les effets de l’enfermement. »
En plus d’éviter le brouillard cérébral induit par le télétravail, beaucoup de gens se tournent vers la caféine parce qu’ils dorment moins bien. De nombreuses études scientifiques ont montré que la qualité de notre sommeil a diminué pendant la pandémie, entraînant des dysfonctionnements quotidiens. Selon Agudelo, trois facteurs contribuent à nos troubles du sommeil. Tout d’abord, le manque de stimulation, comme les contacts sociaux ou les activités à l’extérieur ; ensuite, le changement de nos habitudes de sommeil en raison du télétravail, les gens faisant la grasse matinée ou une sieste dans la journée ; et enfin, l’augmentation des niveaux d’anxiété.
La pandémie a également déclenché une crise mondiale de la santé mentale. Jamais autant de gens n’avaient souffert d’anxiété, de stress et de dépression. Ces sentiments peuvent nuire à notre sommeil et nous pousser à consommer de la caféine pendant la journée. Il s’agit d’un cercle vicieux, la caféine affectant à son tour notre sommeil pour le pire. « La tolérance au café augmente, il faut donc augmenter la dose pour en ressentir les effets, dit Agudelo. Personne ne vous jugera pour avoir bu quelques cafés de plus par jour, mais Agudelo prévient que la combinaison de l’anxiété, de la consommation de caféine et de la privation de sommeil peut entraîner des problèmes de santé mentale.
Pour Laura Morales, 24 ans, le confinement a commencé alors qu’elle était en plein stage de journalisme intensif dans une chaîne d’infos à Medellín. Le télétravail a rendu ses journées de travail plus longues et plus intenses. Pour tout faire, elle travaillait de 10 heures à 3 heures du matin, buvant de plus en plus de café pour compenser son manque de sommeil. Puis, elle a fait une dépression nerveuse.
« J’étais sous pression. Je tremblais de façon incontrôlable. Je ne pouvais pas m’arrêter de pleurer, je me sentais étouffer, dit-elle. J’ai mis un certain temps à me calmer. » Morales a compris que le café, associé au stress incroyable qu’elle subissait, n’avait pas aidé son état d’esprit : avant sa dépression, elle avait déjà remarqué que ses jambes se mettaient à trembler après sa troisième tasse quotidienne. Elle a donc renoncé à la caféine, s’est mise à boire du déca et a fini par quitter son travail. Maintenant qu’elle a repris son poste, elle a recommencé à boire du café, mais elle dit que la boisson la rend toujours malade.
Valeria Querubín, qui travaille dans la communication à Medellín, a également dû réduire sa consommation de café après une dépression nerveuse. Elle dit que le café l’avait aidée à se remettre sur pied lorsque son humeur s’était dégradée, mais qu’à long terme, cela lui avait aussi fait perdre ses nerfs. « J’ai commencé à avoir des problèmes de sommeil, dit-elle. « Je me réveillais au milieu de la nuit en pensant à mon travail et je me rongeais les ongles jusqu’à ce que je saigne. »
Agudelo explique que lorsque vous êtes anxieux, votre système nerveux sympathique se met en marche. C’est la partie du système nerveux autonome qui est responsable des ajustements localisés, comme la transpiration en réponse à des températures plus élevées, et des ajustements réflexes du système cardiovasculaire. Il est également responsable de votre réaction de combat ou de fuite, c’est-à-dire de la façon dont votre corps réagit au stress sur le plan physiologique.
« C’est la même réponse autonome activée par la caféine », dit Agudelo. En d’autres termes, la consommation de café active les mêmes centres de réaction dans notre corps que ceux déclenchés par le stress. Pour pouvoir s’endormir, le corps doit désactiver le système nerveux sympathique et activer le système parasympathique, qui régule les fonctions de repos. Mais c’est beaucoup plus difficile lorsque vous avez de la caféine dans votre système.
Andrea Yepes, 26 ans, originaire de Medellín, a décidé de boire du café uniquement lorsqu’elle faisait une pause, au lieu de le siroter à son bureau. Elle sort sur le balcon de son appartement de Bogotá et laisse son ordinateur derrière elle, une démarche qui l’aide à associer le café au repos plutôt qu’à la productivité. Santiago Hernández, 27 ans, a commencé à expérimenter différentes techniques d’infusion, prenant son temps pendant la préparation de son café pour réfléchir au rythme de sa journée.
L’autre stratégie pour boire moins de café consiste à maintenir une routine active tout en télétravaillant, comme le recommande Agudelo. Cela implique de se réveiller à une certaine heure et de s’habiller, même si l’on ne va nulle part.
Le café peut être un allié si vous avez du mal à trouver l’énergie nécessaire pour accomplir vos tâches quotidiennes, mais si vous avez l’impression de consommer trop souvent de la caféine, vous devriez peut-être prendre du recul et réfléchir avant de vous en servir une tasse.
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