Il y a un peu plus de trois ans, Christopher Herwig nous parlait de son obsession pour les abribus. Et en particulier ceux des anciennes républiques soviétiques qui, à la différence de la plupart des autres pays, témoignent de trésors de créativité. Le photographe canadien les traque compulsivement depuis des années – il a aujourd’hui parcouru plus de 15 000 km et ramené des milliers d’images de ses pérégrinations. Il vient de sortir un deuxième tome de ce projet au long cours, aux éditions Fuel Publishing. L’occasion de republier des extraits de notre interview, à une époque où Herwig cherchait encore des fonds pour publier ses photos.
VICE : Pourquoi êtes-vous obsédé par les arrêts de bus soviétiques ?
Christopher Herwig : Je les ai toujours trouvés superbes. D’habitude, toutes les stations de bus se ressemblent, mais ce n’était pas du tout le cas là-bas. J’ai un pote qui vit en Lettonie et qui m’a expliqué qu’à l’époque, on pouvait aller dans n’importe quelle cantine de l’URSS et commander un poulet à la Kiev qui aurait exactement le même goût qu’à Riga ou à Vladivostok. C’était un peu comme s’il n’existait qu’un seul poulet à la Kiev, partout dans le pays.
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Un peu comme avec McDonald’s.
Oui. Quitte à faire de la merde, autant refourguer la même merde à tout le monde. Mais pour une raison que j’ignore, les arrêts de bus faisaient exception à la règle. Pour les artistes, c’était une bonne opportunité de se faire de l’argent – et c’était aussi une des rares options dont ils disposaient. Ils ont rassemblé toutes les idées possibles et tout misé sur les arrêts de bus.
Les gens ne s’en servent même plus. Certains arrêts sont vraiment moches, tristes et peu accueillants. Les arrêts de bus les plus intéressants sont souvent très proches les uns des autres : ils montrent vraiment le désir des artistes locaux d’égayer un peu leur ville.
Sur certaines autoroutes, il y a de superbes arrêts de bus tous les 500 mètres, sans maison ni village aux alentours. On croise aussi des arrêts de bus situés à côté d’un champ de maïs – ils ne servent absolument à rien. C’est difficile de comprendre pourquoi ils les ont construits, surtout à l’époque où tout le monde faisait attention à son argent et où tout devait avoir une fonction bien précise. Dans ce livre, j’essaye de montrer les meilleurs arrêts de bus. Mais je pourrais faire un autre livre rien qu’en compilant les plus tristes.
Certains pourraient trouver ça bizarre de voir un type prendre des vieux arrêts de bus en photo. Vous avez déjà eu des problèmes ?
Quand j’étais en Lituanie, un minibus s’est arrêté devant moi et le chauffeur est sorti parce qu’il ne voulait pas que je prenne l’arrêt de bus en photo. C’est dommage, il était vachement beau, même s’il y avait un océan de déchets autour.
Des Kazakhs m’ont crié dessus, parce qu’ils avaient l’impression que je prenais des photos de ces arrêts abandonnés pour renvoyer une mauvaise image de leur pays. Je leur répondais qu’au contraire, je trouvais ces arrêts de bus magnifiques. Ils n’avaient pas l’air de réaliser à quel point je trouvais ça remarquable.
Retrouvez l’interview de Christopher Herwig par Carly Learson en intégralité ici.
Vous pouvez vous procurer Soviet Bus Stops Volume II aux éditions Fuel Publishing.
Retrouvez le travail de Christopher Herwig sur son site.