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Comment des mitrailleuses nord-coréennes se sont retrouvées au Moyen-Orient

De février à mars 2016, des marins australiens et français ont intercepté des boutres (voiliers traditionnels arabes) dans la mer d’Arabie. Ceux-ci transportaient des armes destinées à la Somalie et au Yémen, dont des mitrailleuses Type 73 de Corée du Nord, exceptionnellement rares.

En novembre 2016, un groupe de surveillance indépendant du trafic d’armes à feu, Conflict Armament Research, a publié un rapport détaillant les armes saisies, et précisent leur origine et leur destination probables. Selon l’analyse des chercheurs, la cargaison des bateaux montrerait un lien entre l’Iran et les groupes armés de Téhéran soutenant la région du golfe d’Aden.

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Les mitrailleuses Type 73 saisies par les marins australiens et français. Photos : Conflict Armament Research.

« La présence de cargaisons d’armes à bord des boutres, dont une large proportion a été fabriquée en Iran, suggère que des entités iraniennes ont été impliquées dans le trafic de ces armes », concluent les chercheurs.

« De plus, on trouve au Yémen du matériel militaire dont les numéros de lot et les numéros de série correspondent aux armes saisies. Cela tend à confirmer que cette cargaison était destinée au Yémen, et qu’elle est originaire d’Iran, » poursuivent-ils.

Paradoxalement, ce sont les armes nord-coréennes qui constituent la preuve la plus évidente du lien avec l’Iran. En effet, ces modèles à l’aspect inhabituel sont apparus au Moyen-Orient en 2015, et font désormais partie intégrante des conflits armés, de l’Irak au Yémen.

La mitrailleuse Type 73 possède un design étonnant, caractéristique de la Corée du Nord. Jusqu’à récemment, on ne la voyait jamais en-dehors de ce pays de l’Asie orientale. Peu d’informations sur l’arme ont réussi à quitter cette nation communiste à l’isolement sans pareil, et on ne la connait que par l’intermédiaire d’observateurs indépendants.

« Même lorsque l’on a pénétré le brouillard du secret de l’armée nord-coréenne, la Type 73 reste nimbée de mystère, » expliquent Dan Shea et Heebum Hong dans le Small Arms Defense Journal, en 2013. « Les réfugiés qui se sont échappés de Corée du Nord en passant par la Chine ont parfois des informations à ce sujet, mais celles-ci sont contradictoires. »

« Même lorsque l’on a pénétré le brouillard du secret de l’armée nord-coréenne, la Type 73 reste nimbée de mystère. »

D’après les photos publiées, les armes, qui pèsent environ 10 kg, ressemblent à un mélange de différentes armes soviétiques des armées du Pacte de Varsovie. La Type 73 combine la base de la PKM russe avec le chargeur du Vz 52 tchécoslovaque.

Ce système hybride permet au tireur de recharger son arme en se servant d’une bande de munitions ou d’un magasin de grande capacité. Lorsqu’il sont montés, les chargeurs dépassent largement de l’arme, lui donnant un aspect vintage caractéristique.

Curieusement, la Type 73 possède un canon supplémentaire permettant de tirer des grenades de fusil ; c’est tout à fait inhabituel sur une mitrailleuse. Cette caractéristique épaissit encore le mystère qui plane sur l’usage assigné à l’arme par les nord-coréens.

Un milicien des Brigades de l’imam Ali, avec sa Type 73. Photo via Oryx Blog

À l’heure actuelle, nous savons seulement que les autorités de Pyongyang n’ont pas été convaincues par les résultats de la Type 73. En 1982, les armuriers de Corée du Nord ont donc conçu une nouvelle arme – la Type 82 – beaucoup plus proche d’une PKM standard.

« Il semblerait que les stocks de Type 73 aient ensuite été mis en réserve, ou auraient servi à fournir des milices. Mais il est impossible de vérifier cette information », notent Shea et Hong. « Bien que l’arme apparaisse dans la propagande des années 1970 et à l’occasion de défilés militaires au début des années 1980, elle est toujours restée extrêmement rare. »

Dans ces conditions, comment la Type 73 a-t-elle bien pu se retrouver au Moyen-Orient et en Afrique orientale ? C’est là que l’Iran intervient.

Dans sa quête désespérée pour s’approvisionner en armes, désormais coupée de ses fournisseurs américains, la République islamique naissante a cherché un appui militaire. Puis, en septembre 1980, c’est l’invasion de l’Irak, qui a plongé les deux pays dans une guerre brutale pendant près d’une décennie.

C’est à cette époque que le nouveau gouvernement de Téhéran a acheté de l’équipement militaire en masse auprès de la Corée du Nord, des missiles antichars en passant par des armes d’assaut. Les Types 73 seraient alors passées entre les mains des Iraniens.

Dans les années qui ont suivi, les usines iraniennes ont reproduit et amélioré le modèle. Conflit Armament Research a expliqué à War Is Boring que les premiers exemplaires de Types 73 interceptés ont été étiquetés « non identifiés », d’une part parce qu’ils ne ressemblaient à rien de connu, et d’autre part parce qu’il était impossible de déterminer s’il s’agissait d’authentiques armes nord-coréennes ou des clones iraniens. Après que le conflit sanglant ait pris fin, en 1988, l’armée iranienne a stocké la plus grande partie de ces armes dans des entrepôts. 20 ans plus tard, elles sont de nouveau en usage.

En mai et juillet 2015, des milices chiites d’Irak ont posté sur les réseaux sociaux des photos de combattants tenant des armes à la forme exotique : il s’agissait bien de Type 73. L’Iran soutient activement ces groupes armés, dont beaucoup sont maintenant regroupés sous l’égide des Forces de mobilisation populaire sanctionnées par le gouvernement irakien.

Sans surprises, nombre de mitrailleuses ont échoué au sein d’autres factions armées, dont les Babylon Brigades chrétiennes, selon Armament Research Services, une autre organisation indépendante qui se consacre à l’étude de la circulation des armes dans le monde. Il est fort possible que ces armes aient changé de mains à de multiples reprises lors de la lutte contre les terroristes de l’État Islamique.

En mars 2016, les Type 73 sont arrivées en Syrie et au Yémen. Encore une fois, l’Iran semble se cacher derrière ce trafic.

L’Iran est un allié majeur du régime du président syrien Bashar Al Assad. Depuis le début de la guerre civile en Syrie, en 2011, les forces militaires iraniennes, ainsi que les services de sécurité et les arsenaux gérés par l’Etat ont fourni un soutien important à leurs homologues syriens.

Même si cela n’a jamais été rendu officiel, l’Iran considère les rebelles Houthi du Yémen comme des amis précieux. Depuis mars 2015, les Zaïdites chiites et leurs alliés combattent une coalition bien plus large et mieux équipée qu’eux, dirigée par l’Arabie Saoudite.

Si l’Iran soutient effectivement les Zaïdites du Yémen en leur fournissant des armes, on imagine que le choix de la Type 73 s’explique est justifié par la disponibilité de ce modèle peu usité. Sachant que les Type 73 utilisent les mêmes cartouches et les mêmes bandes de munitions que le PKM, beaucoup plus commun, les rebelles n’ont aucune difficulté à les utiliser.

Nous n’avons pas de preuves que les miliciens ou les rebelles utilisent l’étrange chargeur supplémentaire de la Type 73. Dans tous les cas, ces mitrailleuses ne sont pas un choix très pertinent pour quiconque souhaiterait cacher dissimuler sa position sur le terrain.

En-dehors de l’Iran et de la Corée du Nord, seule l’armée sud-coréenne recèle d’autres exemplaires de cette arme. Il est fort possible que la Corée du nord en ait également envoyé au Zimbabwe dans les années 80.

La Type 73 sera probablement mieux connue des experts militaires et des observateurs indépendants dans un futur proche. Tandis que les conflits en Syrie, en Irak et au Yémen se poursuivent, la mitrailleuse devrait être de plus en plus fréquente au Moyen-Orient et en Afrique de l’est. Peut-être même qu’elle échappera bientôt au contrôle de l’Iran.

Cet article a été publié avec l’aimable autorisation de War is Boring.