Comment les prisonniers s’évadent de prison ?

John Podmore est un ancien directeur de prison.


Dure semaine pour le système carcéral britannique. Alors que Londres avait annoncé jeudi dernier le recrutement de 2 500 employés pour lutter contre les niveaux « inacceptables » de violence dans les prisons, une émeute a éclaté dans la prison de Bedford dimanche. Puis le ministère de la Justice a confirmé lundi que deux détenus ont réussi à s’évader de la prison de Pentonville, à Londres — là où un autre détenu avait été tué il y a deux semaines.

Videos by VICE

Le pénitencier de Pentonville a été critiqué par l’ancien ministre de la Justice Michael Gove et l’inspecteur en chef des prisons dans plusieurs rapports — la prison ayant cumulé en trois semaines un meurtre et l’évasion de deux détenus.

Il est rare qu’un détenu arrive à s’évader d’un établissement de “moyenne-haute sécurité”. Mais c’est la deuxième fois qu’un détenu s’échappe de Pentonville, d’où John Massey — condamné pour meurtre — s’est échappé en juin 2012. Les deux derniers à s’être évadés ont encore un long chemin à parcourir avant de faire leur entrée dans les livres d’histoire, comme George Blake (un ancien espion britannique qui travaillait en réalité pour le KGB russe). Il avait été démasqué et envoyé à la célèbre prison de Wormwood Scrubs, où il a concocté un plan de génie pour fuir. À l’aide de codétenus et d’une échelle faite d’aiguilles de tricotage, il avait réussi à fuir en Russie, où il vit encore.

En revanche, les fuites lors des transferts sont bien plus fréquentes — lorsque les criminels disparaissent du véhicule qui les emmène au tribunal ou d’une prison à une autre. Plutôt que d’escalader un mur et d’esquiver des barbelés, il suffit qu’un complice pointe une arme sur la tempe d’un employé mal-payé d’une compagnie privée de sécurité. Et l’affaire est dans le sac — sans avoir pris beaucoup de risques.

Les derniers à s’évader (James Whitlock et Matthew Baker) auraient utilisé des mannequins de vitrine pour faire croire au personnel qu’ils étaient dans leur cellule et ont eu accès à des outils sophistiqués pour s’échapper. Mais il est peu probable qu’on découvre les détails de leur évasion, sauf s’ils sont arrêtés et que leur stratagème est révélé lors de leur procès.

Toute fuite demande beaucoup de détermination et de méthode. John Massey a été motivé par la frustration. Il a vu deux membres de sa famille mourir alors qu’il était dans un système pénitentiaire dépourvu d’empathie. Puis il a été durement puni après avoir essayé de s’évader lors d’une visite à l’hôpital. Sa méthode a été de gagner la confiance de tous. Il a conditionné et manipulé tous ceux qui lui faisaient confiance, puis il a su faire bon usage de l’équipement sportif de la prison. Il a escaladé le mur de la prison avec des filets de sports.

Désormais, les prisonniers devront répondre à un appel jusqu’à quatre fois par jour, notamment pour s’assurer qu’une personne vivante est dans la cellule — et pas un mannequin de vitrine. Mais les employés de la prison sont humains et peuvent se tromper. Surtout s’ils manquent d’expérience, de soutien et s’ils se sentent intimidés.

Lorsqu’une évasion inclut des objets qu’on ne trouve pas facilement dans une prison, les enquêtes vont se tourner vers les employés de l’établissement. Il y a de la corruption dans le système carcéral comme dans n’importe quel autre système. Mais ce n’est pas toujours dans une démarche criminelle volontaire — les détenus peuvent y parvenir par biais de la peur et de l’intimidation.

Un autre élément à étudier, c’est la relation entre les détenus et le personnel. Beaucoup de failles de sécurité sont découvertes lorsque les prisonniers informent le personnel pénitentiaire — comme cela s’est passé dans la prison Whitemoor : un membre du personnel a été surpris en train de faire entrer des téléphones pour les détenus contre des informations. Une bonne relation entre le staff et les détenus est essentielle pour un système pénitentiaire sécurisé et sain. Sans une ambiance paisible, surviennent la violence et le désordre.

Une fois dehors, le plus dur reste à accomplir : ne pas se faire attraper. Certains ont les moyens de s’enfuir dans un pays où toute extradition est compliquée. Mais dans le monde actuel, il est désormais difficile de ne pas laisser une trace électronique. Pour la plupart de ceux qui disparaissent, tout ce qu’ils ont à gagner c’est de se faire attraper et d’être condamnées à dix ans de plus.


Suivez VICE News sur Twitter : @vicenewsFR

Likez la page de VICE News sur Facebook : VICE News FR