Un matin, vous vous réveillez avec une idée fixe, et le sentiment qu’elle pourrait bien changer votre vie : vous voulez réaliser un porno avec vos potes ! Bonne idée, oui – mais comment vous y prendre alors que jusque-là vous vous étiez contenté d’accumuler quelques souvenirs d’enterrements de vie de garçon avec votre téléphone ?
On est allé voir John B. Root, tête pensante du site Explicite-art.com et réalisateur aguerri dans le domaine du X, pour qu’il vous prodigue quelques conseils experts. Caméra, lumière, son, cadre et secrets de mise en scène… voilà tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur un tournage X sans jamais oser le demander.
Salut John. Commençons par le commencement. Je veux tourner un film X avec mes potes. Je prends mon iPhone ou ça vaut le coup de choper une meilleure caméra ?
John B. Root : Alors, un iPhone, c’est pas mal, mais c’est compliqué en postproduction. Avec l’iPhone, tu vas être emmerdé. En plus, le format de l’iPhone n’est pas adapté. L’image risque de trembler beaucoup plus, il n’est pas pratique à manipuler. Il vaut mieux une petite caméra paluche, genre Handycam de Sony que tu glisses sur ta main. À la location, ça coûte 30 euros à la journée, et ce sont de bonnes caméras.
Videos by VICE
Pour la lumière : halogène, tungstène ou lumière naturelle ?
Alors, la vidéo, c’est de la lumière. Si tu as une lumière dégueulasse, tu auras une vidéo dégueulasse, même si ton modèle est beau. Si tu tournes en intérieur, il faudra souvent en rajouter un peu, surtout si tu n’as pas de lumière qui entre de l’extérieur. Tu oublies les projecteurs, qui n’ont plus aucun sens avec les caméras actuelles. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’éclairer, mais de “rendre joli”, donc le mieux, ce sera de tirer le meilleur parti des lumières que tu as chez toi. Halogène, leds de couleur, néon, qu’importe. Tu augmentes le contraste, et tu crées de la couleur. Tu n’as pas forcément besoin de lumière, parce que la caméra s’en charge très bien.
Et en extérieur ?
Attention au soleil ! Il faut s’en méfier comme de la peste. Si tu as un soleil direct qui tape sur ta gonzesse, tu vas avoir des ombres noires. À l’extérieur, tu tournes à l’ombre. Et si tu ne peux pas, tu utilises des grands réflecteurs pour renvoyer la lumière. Et en intérieur ou en extérieur, soigne tes teintes chair. Il faut que la chair soit belle et appétissante, parce qu’après tout, c’est ça qu’on recherche, donc crée une lumière douce et colorée.
Le son : prise direct ou post-synchro comme dans les années 1970 ?
Le son, c’est 50 % de ton film, il faut le savoir. Si l’image est belle et qu’on n’entend rien – une erreur que font tous les débutants – ça ne marchera pas. Sur les caméras vidéo, le micro est monté sur la caméra. Si tu filmes une nana en te mettant à 5 mètres d’elle et que tu zoomes, tu auras une belle image, mais tu n’entendras rien. Alors soit tu fais du gonzo, en POV, et du coup la caméra est proche de ton modèle. Tu n’auras pas de problème de son, si ce n’est les souffles de la fille si tu lui colles trop ta caméra sous le nez. Soit tu filmes un couple, et dans ce cas, en même temps que tu loues la caméra, tu loues un petit micro filaire. Ça te coûtera 10 euros. Puis tu utilises une rallonge pour le planquer près des gens que tu filmes. Ça te permettra de bouger autour d’eux et de te placer où tu veux en ayant toujours un son égal. Mais surtout pas de micro caméra, c’est un faux ami !
Pour le cadre, je filme au pied, à l’épaule, ou je me contente de faire du POV ?
Alors tu filmes vraiment comme tu veux, avec un pied ou avec un stabilisateur de luxe si tu veux faire « cinéma ». Mais à mon avis, les spectateurs ont pris l’habitude du gonzo. 99 % du porno qu’on voit aujourd’hui, c’est du gonzo, donc si tu tournes au pied, ce sera un peu statique, et ça risque de déstabiliser ton spectateur. Si tu veux faire un porno qui va directement parler à tout le monde, tu tournes avec la caméra dans ta main, mais avec beaucoup de délicatesse. Il ne faut pas que ça tremble. Imagine que tu es un conducteur d’autobus. Tu veux que les gens profitent du paysage, donc si tu te mets à faire des zigzags sur un terrain cahoteux, ils n’en profiteront pas. La base du porno, ce sont des plans séquence délicats. Tu bouges doucement, et tu appuies tes coudes sur ta poitrine pour t’éviter de trembler. Tu te calmes, et tu respires par le ventre. Quand tu regardes ton moniteur et que tu vois que ça bouge trop, imagine ce que ça va donner sur une grande télé…
Il paraît que c’est chouette d’écrire un scénario, mais ça a l’air un peu chiant. Je dois le faire ?
Quand je fais un film pour Canal j’écris un scénario mais sinon, quand je fais du gonzo, j’invente une situation. Par exemple, une fille vient m’interviewer, je lui dis qu’elle est jolie, puis je lui touche le nichon, elle me fait “mais non arrêtez” puis elle va se laisser faire. Ce n’est pas un scénario, c’est une situation. Tu répètes une fois, pour caler les mouvements, la mise en scène, un peu les cadres. Mais les dialogues, tu les improvises au tournage. Si chacun joue son rôle, et que la situation est plausible, l’impression de réalité pourra être confondante. Tu peux aussi t’amuser avec les clichés et rejouer la scène du plombier.
Le maquillage, est-ce que c’est vraiment important ?
Oui. Je ne tourne jamais sans maquillage, surtout maintenant que les caméras sont en haute définition. Avant, ça pouvait passer. Maintenant, il y a plein de pixels dans l’image et pour peu que tu te retrouves avec une fille qui n’a pas une peau géniale et qui transpire un peu, ça ne sera pas très aphrodisiaque. D’après moi, il ne faut pas que le maquillage se voie, sauf si la scène le demande. Donc, une base : une peau très propre et du fond de teint pour la lisser et la rendre mate, parce qu’en HD, si la peau brille, c’est dégueulasse. C’est le minimum. Ton rôle de réalisateur, c’est de faire dire à la fille que tu as filmée « oh, je suis jolie » quand elle regardera le film. Il s’agit de l’honorer. Donc, du fond de teint s’il te plaît.
Est-ce que je tourne en musique, ou est-ce que j’en mets après ?
Vaste débat. Encore une fois, tu tournes le film d’auteur que tu veux, mais la musique va induire une distance que tu ne veux pas si tu cherches l’impression de réalité dont je parlais plus tôt. Une fois sur deux, je fais des scènes en musique. Quand j’en fais, c’est plus esthétisant. Ce sera un strip, que je tourne trois fois : une fois en plan large, une fois en rapproché et une fois avec une caméra mobile. Avec ces trois prises, je monte un clip sur la musique. C’est agréable à regarder et c’est pas difficile à faire. Quand ça baise, c’est une autre histoire. Si je fais un film pour Canal Plus, je mets de la musique, parce que je me dis que ce sera mieux pour monsieur et madame qui regardent un porno. Mais dans mon gonzo, je n’en mets pas. Je me contente des souffles et des cris des filles.
Moi, je rêve de tourner dans une salle de bains parce que j’aime bien le carrelage et les douches. Mais les scènes en salle de bains, cela peut être un supplice pour les acteurs. Si tu leur fais subir ça, tu risques d’en avoir un qui se tire en pleine action ?
Un risque : finir comme Claude François. N’approche pas la lumière, les chargeurs de batterie, et les flashes de la baignoire et ne les pose sur le carrelage. S’il est mouillé, c’est un super conducteur électrique. Second risque, non négligeable : la glissade. J’ai plein de souvenirs de bleus et de bosses lors de tournages dans des salles de bains.
Il paraît que c’est dur de bander devant une caméra. Comment je fais pour que ça marche : Viagra, porno, autre chose ?
90 % des débutants vont avoir des problèmes d’érection. Un tournage, ce n’est pas la vie réelle. Dans la vie réelle, la situation est propice, il y a eu la montée du désir, tout ça… Sur un tournage, c’est 3, 2, 1 et tac, on y va. La situation est bizarre, tu n’es pas forcément avec ta copine… Bon, alors là, pas de secret, tu n’as plus qu’à te tirer sur la nouille. Tu te mets dans ta bulle, tu imagines un truc, tu demandes peut-être à la fille de t’aider. La caméra ne tourne pas. Et quand tu sens que ça monte, tu tournes. Sinon, il y a un truc très efficace, c’est le Cialis. C’est un truc plus moderne que le Viagra qui a un défaut, c’est que c’est cher, mais c’est formidable. Tu en prends 5 ou 10 mg, pas plus. Dans le porno, c’est très utilisé, mais surtout, j’ai rien dit ! Le viagra, tu oublies. Ça donne mal à la tête, ça fait la bouche pâteuse, et surtout, comme c’est un vasodilatateur, tu deviens tout rouge. Puis en plus, c’est dangereux. Donc le Cialis, c’est très bien, mais pour les tournages seulement !
Est-ce qu’il y a un truc auquel je n’aurais pas pensé et qui pourrait tout foutre en l’air ?
Faut penser à un milliard de trucs… tout dépend de ce que tu veux mettre dans ta scène. Mais par exemple, si tu veux la vendre, en France en tout cas, il faudra mettre des capotes. C’est obligatoire. Une capote, c’est pas facile. Il y a plein de choses que ça ne permet pas, et c’est pas mal d’y penser avant. Si tu veux faire un cream pie par exemple, ben tu ne pourras pas, avec une capote, ou bien tu le truques. Si tu veux faire une scène anale et vaginale, tu peux faire vaginal-anal, mais pas dans l’autre sens. Alors avant le tournage, à la douche, tu demandes gentiment à ton actrice de se faire un petit lavement… Et puis surtout, on discute bien, avant de tourner. On répète les positions, parce qu’il y en a qui ne marchent pas du tout en vidéo. Le missionnaire, par exemple, c’est nul. On veut voir le visage de la fille, et les organes génitaux sur le même plan, donc faut trouver les bonnes positions et les bons cadres. C’est pour ça que tu trouves souvent les mêmes positions dans le porno : la face cam, la dos cam, la doggy et la spoon. Et un dernier conseil, on réfléchit avant d’appuyer sur le bouton REC. Sinon tu vas te retrouver avec des heures de rush immontables.
Bon c’est bien beau tout ça, mais une fois que j’ai tourné, j’en fais quoi de mon porno ?
Ben ça, c’est le problème de tout le monde. Même moi qui tourne depuis 20 ans, je n’arrive plus à vendre parce que la plupart des sites internet tuent le métier. Je vais prêcher pour ma paroisse, mais il faut le savoir, la plupart des vidéos sur les tubes sont des vidéos volées. En tant que réalisateur, je suis obligé de le dire : payez pour votre porno, les enfants. Payez pour la qualité. Si vous aimez ce que vous voyez, payez.
Maintenant, si tu tournes un porno chez toi, compte plutôt sur les clicks que sur l’argent que ça va te rapporter.
Merci pour tous ces conseils, John !