Comme toutes les hardeuses, Nikita Bellucci a appris à encaisser insultes, blagues salaces et commentaires graveleux sur les réseaux sociaux. Mais depuis quelques mois, ce sont des gamins d’à peine 13 ans qui lui écrivent pour lui demander, au mieux, d’envoyer des photos d’elles en tenue d’Eve ou au pire, la traiter de tous les noms. Un harcèlement quotidien qu’elle a choisi de rendre public. Avec un sacré courage car depuis son coup de gueule, c’est une déferlante d’injures plus grande encore qui s’est abattue sur elle. Interview avec une ex-hardeuse inquiète des dérives du porno en libre accès sur internet.
VICE : Qu’est-ce qui vous a poussée à publier ces messages envoyés par des collégiens ?Nikita Bellucci : C’était la fois de trop. Recevoir des messages sexualisés de la part de jeunes pré-pubères est extrêmement choquant. Ne rien dire revient à être complice. Comme si j’acceptais qu’on montre du porno à un enfant : or, pour moi, comme pour toute personne normalement constituée, c’est inconcevable ! Plus généralement, j’ai été saoulée par le discours d’Emmanuel Macron sur l’industrie du X : il diabolisait le milieu. J’ai voulu faire comprendre que nous, acteurs, avions aussi une conscience et une morale.
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Ce qui est nouveau, c’est l’âge de ceux qui vous envoient ce genre de messages ?
Oui parce que, soyons clairs, je reçois des messages à longueur de journée : des photos de pénis où on me demande si ça me dirait de le prendre en bouche, des messages insultants, injurieux… C’est un harcèlement quotidien. Cela fait partie du quotidien d’une actrice de X. Je dis « actrices » car les femmes y sont beaucoup plus confrontés que les acteurs qui, eux, sont considérés comme des Apollons. C’est évidemment une souffrance, mais j’ai appris à le gérer.
En revanche, les messages sexuels de préados, c’est assez récent. Et ça, je ne le supporte pas. La nouvelle mode, c’est d’envoyer des « nudes » – des photos de nus. C’est devenu banal, chez les ados, de se prendre photo à poil, et de se les faire tourner. Mais ça peut dégénérer et virer au drame. Je pense à des cas de d’adolescentes qui n’ont pas fait attention et qui se retrouvent humiliées, harcelées, lynchées. Ca peut conduire au suicide.
Qu’est-ce que vous répondez aux auteurs de ces messages ?
Plusieurs fois, j’ai pris des captures d’écran et je les ai envoyées à leurs parents, retrouvés sur Facebook. J’ai précisé qui j’étais pour qu’ils comprennent à qui leurs enfants envoyaient ce genre de messages. Aucune des familles ne m’a répondu mais j’espère que le message est passé, et qu’elles ont pris les choses aux sérieux.
Justement, que conseillez-vous aux parents qui découvrent que leur enfant de 12 ans regarde du porno ?
Je n’ai pas d’enfant donc ce serait prétentieux de donner des conseils. Mais je pense que la communication est primordiale. Ne pas diaboliser le X, sans minimiser ce qu’il a pu voir, car ces images ont pu le perturber. Surtout, je suis convaincue qu’il faut expliquer à son enfant que le porno ne reflète pas la sexualité : c’est du cinéma, fait par des acteurs ! Evidemment, il ne voudra peut-être pas en parler à ses parents alors, mieux vaut l’orienter vers une personne de confiance pour qu’il puisse extérioriser.
Que s’est-il passé depuis que vous avez rendu ces messages publics ?
Le harcèlement s’est aggravé. Je reçois encore plus de messages violents. J’ai un fort caractère mais là, ça a été trop loin. À force, ça abîme de lire des choses aussi horribles sur soi… Depuis, je suis suivie par un psychologue. Avant d’être une actrice porno, je suis un être humain : n’importe qui aurait craqué. Mais au-delà de mon cas personnel, je suis choquée de voir le manque de réaction de l’opinion publique. Des articles relayent mon « coup de gueule » mais on peut toujours accéder aussi facilement à n’importe quel site porno…
Plus précisément, quelle a été la réaction du milieu du X ?
Le problème, c’est que j’ai l’impression d’être la seule à tirer la sonnette d’alarme. Je dénonce le harcèlement dont sont victimes les actrices de X depuis des années, mais à chaque fois, on me répond : « Mais Nikita, arrêter de te préoccuper de ce que disent les gens ». Ca n’est pas la question ! Que l’on m’aime ou pas n’est pas mon problème. Moi, je parle du respect auquel nous avons le droit en tant qu’être humain. Quand j’ai dénoncé ces messages envoyés par des gamins de 12 ans et que le harcèlement dont je suis victime a redoublé, je n’ai eu aucun soutien de l’industrie du X. Pas un appel, pas un SMS. Il suffirait de contacter n’importe quel webmaster pour que les sites X soient interdits aux ados, mais le manque à gagner serait tellement important pour le milieu que chacun préfère faire comme s’il n’y avait pas de problème.
Votre parole est-elle plus libre depuis que vous avez arrêté le X ?
J’ai toujours dit les choses franchement. Même quand j’étais encore actrice, l’industrie du X ne me faisait pas taire. Une chose est sure : je ne ferai pas partie de ceux qui ferment les yeux sur les dérives du milieu.
Captures d’écran Twitter publiées avec l’aimable autorisation de Nikita Bellucci