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Le football letton tente de faire face aux scandales

En 2015, trois clubs ont été exclus du championnat, sur fond d'irrégularités financières et de corruption. Même si l'Etat letton a timidement réajusté la législation, la route est encore longue.

Lors des 15 années qui ont suivi l'éclatement du bloc soviétique, en 1991, la Lettonie a connu quelques beaux moments de football. Le Skonto Riga, qui s'appelle aujourd'hui le FC Skonto, a eu l'honneur de marquer le premier but de l'histoire de la Ligue des champions, en 1992 après le changement de nom de la célèbre Coupe d' Europe, et le club le plus titré de Lettonie a représenté le pays avec fierté sur la scène européenne. En 1996, l'équipe a mené à deux reprises face au FC Barcelone, au Camp Nou, a fait match nul contre l'Inter Milan et a battu les Ecossais d'Aberdeen.

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L'équipe nationale a participé à son premier championnat d'Europe en 2004 et a fait un match nul et vierge contre l'Allemagne. Etant donné que la Lettonie est un jeune pays d'environ deux millions d'habitants, c'est plutôt une belle performance et, peu de temps après l'indépendance, c'est porteur d'espoirs.

Les joueurs lettons après leur match nul contre l'Allemagne en 2004 // PA Image

Mais au cours des dernières années, les histoires entourant le football letton ont été beaucoup plus négatives. En effet, le président de la Ligue de football lettone, Emils Latkovskis est devenu l'un des personnages les plus en difficulté dans le football européen. Quand je lui ai demandé s'il était possible d'arranger une entrevue avec les propriétaires du club récemment liquidé du FK Daugava Riga, sa réponse a été franchement brutale : « Bonne chance, m'a-t-il sèchement répondu. Même la police ne sais pas où ils sont ».

Latkovskis, le boss de la Virsliga, le championnat letton, a dû faire face à une hécatombe, le nombre de clubs évoluant en première division étant passé de 10 à 7.

Les problèmes ont commencé en mars 2015, à la veille du début de la saison (en Lettonie, la saison se déroule de mars à novembre). Le FC Daugava Daugavpils est accusé de matches truqués et de malversation, la Ligue estimant que les livres de comptes ne sont pas assez bien tenus pour pouvoir avoir le droit de disputer le championnat. L'équipe a donc été rétrogradée en troisième division.

Mais le pire était à venir. Le Daugava Riga, le club de la capitale qui joue parfois le tour préliminaire de la Ligue des champions, a connu le même sentence quelques jours plus tard et le club a décidé de mettre la clef sous la porte plutôt que de jouer dans une division inférieure.

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« Nous ne pouvions pas leur donner de licences, explique Latkovskis en s'excusant presque. Nous devons respecter certaines normes et critères financiers pour valider le budget de la saison à venir. Quand on doute de la provenance de l'argent de certains clubs, il faut prendre des mesures ».

« On voit bien que le modèle financier de certaines équipes n'a pas de sens. Certains présidents financent leurs clubs grâce à leurs fonds personnels, et après vous leur demandez pourquoi ils s'impliquent dans le football et d'où vient leur argent ? Pourquoi certains mouvements de joueurs d'un club à l'autre sont-ils suspects ? Quelles sont leurs motivations ? ».

« La Lettonie est un petit pays et généralement on sait qui finance un club, quels sont ses objectifs et qui sont les personnes impliquées. Et vous vous rendez compte que ces personnes aiment le football. Mais avec certains, cet argent provient probablement d'activités qui ne sont pas liées et qui n'ont rien à voir avec le football. Nous parlons de blanchiment d'argent, de drogue, de traite d'êtres humains. Lors de l'attribution des licences, nous avons dû demander aux clubs d'où venait cet argent et comment comptaient-ils l'utiliser. Nous pensons que l'argent, l'argent du crime, a été investi dans les clubs pour pouvoir la cacher et la blanchir ».

Tout ça s'ajoute à l'autre grand fléau du football letton, qui en juin 2015 a connu sa troisième victime dans cette période de troubles. Le FB Gulbene a été exclu du championnat à la suite de soupçons de matches truqués lors de deux lourdes défaites, face au FK Spartaks et au FC Skonto. En 12 semaines, le championnat avait perdu 30 % de ses membres.

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Le FB Gulbene a été exclu après des soupçons de fraude // image Ligue lettone de football.

« Nous avions des soupçons sur Gulbene depuis longtemps et ces deux matches les ont confirmés, justifie Latkovskis. Nous avons toujours su que ce club était lié à de mauvaises personnes, mais, maintenant, nous avons discuté avec des joueurs, nous avons lu des rapports de l'UEFA et nous sommes sûrs à 100% qu'ils ont truqué des matches. »

« Nous avons essayé de parler de ce qu'il se passait avec eux, mais il semble évident que la direction du club est impliquée dans cette histoire de matches truqués. Il n'y avait pas d'autre alternative, pas d'autre solution, pour supprimer les matches truqués dans le football letton, que d'exclure Gulbene du championnat ».

Cette décision a été prise en dernier ressort dans un contexte où deux équipes ont déjà été exclues. Aucun président de ligue ne veut diriger un championnat qui est en train de perdre ses équipes dans un temps record, mais Latkovskis n'avait pas d'autre choix.

Mis à part les clubs qui se font pincer et tombent comme des mouches, l'un des plus tenaces maux de tête du président a été sa bataille contre l'Etat letton pour que les matches truqués soient reconnus comme des infractions pénales.

« Nous devons pénaliser les matches arrangés, me disait-il. On serait plus efficaces si la législation était adaptée. Aujourd'hui, seul le blanchiment d'argent est considéré comme un délit par l'Etat. Mais c'est très difficile à prouver ».

Janis Mezeckis, le président de la Fédération lettone de football partage cet avis.

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« Nous sommes sûrs que ces trois clubs sont impliqués dans des affaires de fraude, mais c'est tout ce que la police peut obtenir à leur sujet, me disait Mezeckis en août 2015. Nous avons fait des propositions au ministère de la Justice pour inclure les matches truqués dans le droit pénal. Je suis sûr que ce changement viendra, c'est juste une question de temps je pense. »

« Mais nous sommes réalistes. Nous savons que, même lorsque les règles changent, ces agissements ne cessent pas immédiatement ».

Un fan durant un match de championnat // Image Ligue lettone de football.

En février 2016, l'Etat letton a finalement cédé et a inscrit dans la loi que toute tentative de trucage de match est punissable par la loi. Cela ne veut pas dire qu'il sera facile de poursuivre les pourris du Daugava Riga, du Daugava Daugavils ou de Gulbene, mais c'est une décision porteuse d'espoirs pour l'avenir du football en Lettonie.

Cette saison, la Virsliga a été moins perturbée par de telles pratiques. Le navire a été stabilisé et délesté de certains éléments qui le pourrissaient. Mais personne n'est assez naïf pour croire qu'il navigue désormais dans des eaux complètement calmes. Pour preuve, le FC Skonto n'a pas été autorisé à jouer en première division et évolue désormais à l'échelon inférieur.

L'ancien capitaine de l'équipe nationale, Vitalijs Astafjevs a démissionné de son poste de président du FK Jelgava en mai, après combattu pendant deux ans contre les vents contraires. Jelgava n'a jamais été accusé de mauvaise conduite, mais l'expérience a été peu concluante pour Astafjevs. « Le football a une existence difficile en Lettonie, indique-t-il sobrement. Il est un à un niveau inférieur à ce qu'il était il y a 10 ans et il n'y a pas d'argent. Les jeunes joueurs sont rattrapés par les matches truqués car il y a tellement peu d'argent dans notre sport. C'est inévitable, vraiment. »

On est bien loin du début des années 2000 durant lesquelles le football letton parvenait à se faire une place sur la scène européenne. Aujourd'hui, le football est entre les mains de quelques criminels qui ont profité de l'inaction des législateurs.

Ces derniers temps, les exploits du football letton n'ont pas lieu sur des terrains, mais dans des salles d'audience. En novembre 2015, une enquête a été ouverte sur la victoire du 7-1 FC Daugava face aux Suédois d'Elfsborg en 2013. C'est le seul match concerné par une enquête car il a eu lieu sur la scène continentale, et non lettone. C'était la meilleure performance d'un club letton depuis un certains temps, les quatre clubs en lice cette année coupe d'Europe ayant été sortis dès le début du mois d'août.

Aujourd'hui, après les exclusions et les différents scandales, seulement huit équipes jouent en Virsliga. Latkovskis estime que c'est un bon nombre pour un pays comme la Lettonie, qui a ainsi un championnat plus équilibré et plus compétitif. « C'est beaucoup mieux pour nous d'avoir huit équipes qui sont toutes propres. C'est mieux que d'avoir dix équipes artificielles dont on ignore d'où vient leur argent ».

« Nous ne voulons pas d'un championnat où la meilleure équipe bat la dixième 7-0 comme ce fut le cas par le passé. Nous pensons à la qualité et non à la quantité et nous sommes satisfaits avec huit équipes, a-t-il indiqué avant de se reprendre : Satisfait n'est pas le bon mot, mais les choses sont mieux qu'avant ».