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Sports

A la rencontre du club de foot mongol géré par des fans à travers la planète

Le Bayangol FC est plus qu'un club de foot : c'est une communauté gérée par des étrangers qui tente d'aider les jeunes de Mongolie.

« Olawale avait été contacté par quelqu'un qui prétendait être agent et qui lui avait dit qu'il pourrait jouer en Russie. Il lui a répondu et a pris l'avion avec ce mec. Mais ensuite cet "agent" l'a lâché au Tadjikistan et l'a remis à ce qu'ils appellent un "handler". Olawale jouait là-bas sous la surveillance de ce mec. Il avait pris le passeport d'Olawale et gardait pour lui tout l'argent qu'Olawale gagnait grâce au foot. »

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Je discute avec Jimmy Kroeger, un des trois dirigeants du Bayangol FC, une équipe de Premier League mongole basée dans la capitale du pays, Oulan-Bator. « Olawale a alors dérobé son propre passeport et s'est enfui seul jusqu'à la frontière du Kirghizistan, où il a rencontré le journaliste écossais David McArdle, qui a, lui, contacté Paul [Watson, un autre dirigeant du Bayangol FC]. On a décidé de prendre Olawale avec nous. On l'a fait venir en Mongolie, on l'a logé, nourri, et fait jouer dans l'équipe. »

Bayangol ne se positionne pas seulement comme une équipe de football : c'est une communauté gérée par un groupe international - des Italiens, des Américains, des Britanniques - qui essaient d'aider les jeunes de Mongolie. « On ne fait pas ça pour l'argent, on fait ça pour démocratiser le football là-bas, explique Jimmy. On essaie d'ouvrir les yeux des gens en leur disant que, si c'est leur rêve de réussir grâce au football, on peut leur donner l'opportunité d'y arriver. »

On peut dire sans trop se tromper que le Bayangol FC a amélioré la vie d'Olawale, et comme me l'a dit Jimmy, il ne s'agit pas du seul jeune homme que le club a été heureux d'aider. « Il y a eu deux joueurs nigérians qui, je pense, jouaient depuis plusieurs années en Mongolie. Ils avaient un club, mais celui-ci a arrêté de les payer. Ils étaient à la rue, et n'avaient pas pu renouveler leurs visas, donc ils étaient clandestins. On a décidé de les aider.

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On les a emmené dans le même appartement. Il y avait aussi un gardien de but américain, Austin Rogers, de Portland, qui jouait en deuxième division albanaise, qu'on a logé là aussi. »

Les joueurs de l'équipe de Bayangol posent dans leurs maillots.

Cependant, Jimmy explique que le gouvernement mongol a « fait passer une loi interdisant les ressortissants nigérians, afghans, iraniens, irakiens et syriens dans le pays », et que certains joueurs, dont Olawale, ont ainsi dû être expulsés. Selon Jimmy, une fois que cette interdiction sera levée, le club sera heureux de les faire revenir.

Bayangol cherche à aider les jeunes gens qui ont connu des expériences difficiles en les logeant, en les nourrissant, et en utilisant le football pour leur donner un sens de communauté. Mais le club ne peut pas toujours aider seul. Ce fut le cas avec un autre adolescent mongol, Ochiroo, qui a reçu l'aide d'étrangers à travers la planète.

« Ochiroo avait été approché par un faux agent, qui lui avait apparemment obtenu un essai ou une place au Los Angeles Galaxy. Il a demandé à Ochiroo une certaine somme d'argent pour couvrir certains frais et lui avait promis de lui rendre une fois arrivé là-bas. »

« Evidemment, il a sauté sur l'opportunité. Qui ne le ferait pas ? Tout le monde est un peu naïf à cet âge-là, et si on vous propose quelque chose comme ça, vous allez vous y jetez la tête la première, malheureusement. »

« La famille d'Ochiroo avait demandé un prêt pour la somme d'argent dont il avait besoin, et, évidemment, l'agent était un arnaqueur. Ochiroo s'est fait escroquer. La famille était à deux doigts d'être à la rue à ce moment-là, le prêt était d'un montant assez conséquent pour eux. »

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Ochiroo lived in a yurt in the poorest area of town, a massive Man U fan and nicknamed himself Wazza after Rooney. pic.twitter.com/gK9PIxTlOc
— Paul Watson (@paul_c_watson) July 12, 2016

« Donc il me semble que Paul est passé dans une radio sportive britannique pour en parler et beaucoup de gens au Royaume-Uni ont fait des dons pour rembourser l'argent que la famille avait perdue. Ils n'ont pas été à la rue finalement. »

L'histoire d'Ochiroo montre bien à quel point le football peut être une force positive. Il y a un bon esprit indéniable qui ressort de cela quand les fans s'unissent ansi - pourquoi donc des gens aux origines si différentes se rassembleraient pour s'entraider via un club de foot mongol ? Pourquoi des étrangers donneraient leur argent pour aider ce club qui œuvre pour des jeunes qu'ils ne rencontreront probablement jamais ? Grâce à la générosité des fans, la famille d'Ochiroo a pu garder sa maison. C'est une histoire formidable, et Jimmy en avait une de plus pour moi.

« Paul a beaucoup de réseaux en dehors de la Mongolie. Ils ont commencé à discuter avec le club de Barnet, et ils étaient très intéressés à l'idée d'amener des joueurs mongols en Grande-Bretagne pour qu'ils gagnent un peu d'expérience, poursuit Jimmy. Donc Ganbaa (un adolescent mongol, ndlr) est allé jouer deux matches pour la réserve de Barnet, et il y a marqué trois buts, dont deux contre le fils de Jose Mourinho. Ganbaa a commencé à intéresser du monde et Barnet voulait l'intégrer définitivement et a demandé comment il serait possible de faire cela. Mais le problème des visas est assez compliqué en Angleterre, encore plus maintenant (avec le Brexit, ndlr). Ils n'ont rien pu faire, mais cela ne veut pas dire que cela ne pourra pas survenir dans le futur. »

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And so Ganbaa, a kid from a border town near Russia, wore the shirt of Barnet U-16s for a month. pic.twitter.com/ebloKrDxI1
— Paul Watson (@paul_c_watson) July 19, 2016

Vous devez peut-être vous demander à quoi ressemble la Premier League mongol : « Il n'y a pas d'équipes de jeunes ici, il n'y a que quelques stades. L'équipe nationale souffre car il n'y a pas vraiment d'équipement indoor, donc il n'y a pas vraiment d'endroit pour eux où s'entraîner durant l'hiver - et la température peut aller jusqu'à -30°C en Mongolie en hiver, voire -40. »

Jimmy explique que la corruption est endémique dans le championnat mongol, et que c'est donc un sacré challenge d'être en charge d'un club de jeunes joueurs, et de le faire de manière éthique avec un budget restreint.

Comment Bayangol a donc pu arriver jusqu'en Premier League sans apport financier conséquent ? C'est une histoire qui semble être à des années-lumières de la Premier League anglaise.

« L'an dernier, on a terminé troisième de deuxième division, et on a perdu en play-offs contre le huitième de première division, à cause d'un but à l'extérieur. Le plus absurde c'est que les deux matches se sont joués dans le même stade ! »

« Une des équipes promues, le Continental FC - qui je pense est la propriété de l'entreprise de pneus Continental - a refusé sa promotion, pour raisons financières je pense. Vu qu'on était troisième, on nous a proposé la promotion dix jours avant le début de la saison. On nous a dit que si on refusait, on allait être dissout. »

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Accepte la promotion ou on supprime ton club, bienvenue dans le football mongol.

Bayangol s'entraîne sur le terrain de son équipe rivale – où la qualité de l'air est tout sauf optimale.

« On ne rentrait déjà pas dans nos frais quand on était en deuxième division. Les entraîneurs qu'on avait à l'époque jouaient en même temps pour d'autres équipes rivales de Premier League. Je ne pense pas que ce soit possible ailleurs qu'ici, dit-il en riant. Mais quand on a dû accepter la promotion, il y a cette règle qui veut que votre entraîneur ne peut pas avoir une licence d'entraîneur inférieure au grade UEFA B ou équivalent. Et nos entraîneurs n'avaient pas ce niveau. Et puis il ne pouvaient pas être entraîneurs chez nous puisqu'ils préféraient évidemment jouer dans une autre équipe de Premier League plutôt qu'entraîner chez nous ! Donc on est à dix jours du début de la saison : vous êtes promus ou vous êtes morts. Et on a perdu tous nos entraîneurs… »

Comment on trouve rapidement un entraîneur disponible en Mongolie ? Paul et Jimmy se sont tournés, plein d'espoir, vers Twitter.

« Paul, Enki [Batsumber, le propriétaire du club mongol] et moi avons tweeté "Est-ce que quelqu'un cherche un poste de manager en Premier League mongole ? Envoyez-nous vos CV." »

« Etonnamment, on a vraiment reçu une tonne de CV, beaucoup d'entre eux venant de jeunes gens qui voulaient réaliser leur rêve, ou des joueurs de Football Manager ou autres. Mais l'un de ces CV, celui d'un mec nommé Shadab Iftikhar, sortait du lot. Il avait pas mal entraîné en amateur, il avait aidé une équipe appelée Hesketh Bank AFC à éviter la relégation. Il avait même fait un peu de scouting pour Roberto Martinez, avec Wigan et Everton, et ils étaient devenus amis. Il le contacte de temps en temps pour savoir comment ça va. Et Shadab avait une licence UEFA A. On était choqués que quelqu'un comme lui postule pour un job comme celui qu'on proposait. »

We unveiled him. He didn't pull an unveiling face. This was a true pro. And the most qualified coach in Mongolia. pic.twitter.com/1Nj5qMiOdR
— Paul Watson (@paul_c_watson) July 19, 2016

Grâce à Twitter, Bayangol a eu un entraîneur qualifié et pouvait prendre place en Premier League.

Tout cela, c'était en août dernier. Malheureusement, depuis, les dix-huit matches du championnat se sont déroulés et le Bayangol FC a terminé à l'avant-dernière place avec deux victoires, trois nuls et treize défaites. Mais quand on voit le travail accompli, on imagine que le Bayangol FC va se relever dès la saison prochaine, et ce, grâce à ses supporters à travers la planète.