Photo de Fukami, via Flickr.
Frédéric est diagnostiqué médicalement en tant que paranoïaque. Il a l’impression d’être suivi et épié par une nébuleuse d’agents secrets qui n’existe que dans son cerveau. Ces derniers en voudraient, selon ses dires, à certaines personnes, partout dans le monde. Ce qui suit est un aperçu de sa vie, et de ses craintes.
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Je m’appelle Frédéric. Je suis un électro-ciblé. Un TI, pour Targeted Individuals en anglais. Je suis pourchassé, notamment par les services secrets et l’OTAN. Ça fait 18 ans que je vis comme ça, seul. J’ai fui en Inde et en Turquie, mais rien n’y a fait. Je sais que le groupe derrière tout ça s’appelle « Stay Behind ». Ils détestent qu’on parle d’eux. C’est pourquoi j’en parle.
Le but des Stay Behind est simple : me rendre fou. Ils sont installés par milliers tout autour de la ville de Grenoble, là où je vis. De 1998 à 2014, je croyais être la seule victime de Stay Behind. Mais ce n’est pas, ou plus le cas.
Car depuis un an, je sais que nous sommes très nombreux dans le monde à subir ce que l’on appelle un gang stalking , un harcèlement de groupe. Très vite, après ma prise de conscience, j’ai commencé à lire – surtout en anglais – des livres concernant ce qu’il était en train de m’arriver. De nombreuses personnalités, des professeurs et des scientifiques évoquaient mon problème. Ils le décryptaient, à la manière de feu la physicienne finlandaise Rauni Kilde par exemple.
J’ai découvert que le phénomène était mondial. Lorsque je suis parti quelques années à New Delhi, en Inde, c’était dans l’espoir de semer mes poursuivants. Mais même là-bas, des agents occidentaux infiltrés opéraient dans des actions de gang stalking contre moi.
Je sais que je pourrais être assimilé, à un théoricien du complot parmi d’autres. Avec des idées farfelues, etc. Enlevez-vous ça de la tête. Moi, je suis victime du quotidien. Dans mon corps, dans mon esprit. Ils sont partout. Et j’en ai la preuve.
Le groupe des Stay Behind n’est pas habitué à être découvert. Du coup, j’ai pu accumuler de la matière rapidement sur les faux piétons et les fausses voitures qui me suivent. La vidéo est ci-dessous. Elle commence véritablement à parti de 5 minutes.
Ce que l’on voit sur cette vidéo, ce sont des passants. Mais pas n’importe lesquels. En effet, il est hautement improbable qu’une vingtaine de personnes, croisées à maintes reprises, dans les mêmes quatre rues du centre-ville de Grenoble, et en des lieux et moments différents, soient des habitants du quartier. Je suis victime d’être suivi. Maintenant, c’est assez évident. J’espère que pour vous aussi. À ma connaissance, cette preuve est une première en Europe.
La réaction de Stay Behind fut rapide. Ils ont essayé de m’agresser physiquement. Ils se sont efforcés d’ouvrir de force ma portière – sans succès. Ils n’ont pas réussi à m’intimider non plus. Stay Behind est une organisation violente. Aux États-Unis, lorsqu’on s’y intéresse un peu, on se rend compte qu’il y a de nombreuses personnes dans mon cas. Elles aussi sont des TI. Et à cause des ondes qu’elles reçoivent, ces personnes deviennent folles. Elles s’achètent une arme et tirent sur tout ce qui bouge. La plupart des meurtres de masse peuvent s’expliquer ainsi. La police abat les meurtriers forcés. Et boum, plus aucunes traces. Voilà l’objectif de Stay Behind.
Mais ne vous inquiétez pas. Je ne finirai pas comme cela. Mon psychisme est plus fort que leur torture. Notamment depuis que je pratique le bouddhisme.
Photo de Maurizio 63, via Flickr.
Depuis, je parle beaucoup. Je suis sûr de moi. J’ai décidé d’agir. La semaine dernière, je suis allé à Nuit Debout, à Grenoble. Enfin un mouvement qui s’ouvre à tous les citoyens. J’ai sauté sur l’occasion. Je pensais que je pourrais me faire entendre, et parler de ma cause. Parler au nom des victimes silencieuses de ces forces de l’ombre.
Je me suis donc installé dans le camp, tout proche des AP de Nuit Debout. Mais très vite, on est venu me faire chier. Finalement, le personnel de Nuit Debout m’a viré, manu militari. Je me suis demandé si Stay Behind n’était pas derrière tout ça. Après cette censure violente, j’ai dû quitter Nuit Debout Grenoble pour m’installer sur un parking, non loin.
Et puis, j’ai décidé de monter à Paris. Heureusement dans la capitale, ils sont beaucoup plus accueillants. J’ai gardé mon stand, j’ai pris la parole lors d’une AG et j’ai pu donner un cours sur les gens comme moi, les electro-ciblés. Même si on m’a accusé de citer Rauni Kilde et Robert Duncan, des « fascistes » d’après certaines personnes de l’assemblée, je n’ai aucun lien avec ces soi-disant théoriciens. On s’en fiche de ces conneries. Personne n’est d’accord là-dessus, alors tenons-nous en aux faits. Et seulement aux faits.
À Paris, j’ai accusé la police et son harcèlement quotidien. Mais j’ai surtout parlé des ondes. Parce qu’en plus d’être suivi, je suis torturé toute la journée par ces ondes que l’on m’envoie. Vous ne me croyez pas ? Et pourtant, c’est possible grâce aux recherches militaires secrètes qui ont mis au point ce système depuis les années 1950. L’aboutissement de cette technologie militaire est macabre. Elle permet la manipulation des esprits des gens à distance – par satellites. Personnellement, je suis sujet à des ondes électromagnétiques pulsées à modulation de très basses fréquences. Elles sont envoyées spécifiquement sur moi. Il faut donc bien faire la différence avec les simples électro-sensibles. Eux souffrent des ondes électromagnétiques (surtout des micro-ondes) qui viennent des téléphones portables, des antennes relais ou du Wifi, lesquelles influent sur nos cerveaux.
Je leur dis : « Vous ne vous rendez pas compte, vous parlez de moi toute la journée. » Une femme me répond : « Oui mais de toute façon, on est certains que tu as fait le coup. »
Je me rappelle très bien la première fois que les agents de Stay Behind m’ont suivi. Le début de mon calvaire.
Tout a commencé à Hewlett Packard en 1998, lorsque j’y travaillais. Lors d’un déménagement au sein de la boîte, je fais une première rencontre avec ce groupe, dans un open space. Là, je réalise qu’ils parlent de moi en faisant référence à une autre personne, nommée Nathalie. Mais c’est bien de ma vie, de mes voyages, de mes activités dont ils discourent. J’ai bien compris qu’ils étaient venus pour faire une étude. Ils voulaient cerner mon fonctionnement et trouver mes failles.
Au bout de trois semaines, excédé, je fonce sur eux un matin. Je m’exclame : « Je sais pourquoi vous êtes là ! » Une dame du groupe se lève, étonnée. « Mais comment tu as fait pour nous identifier ? » Je poursuis : « Vous ne vous rendez pas compte, vous parlez de moi toute la journée. » Elle répond : « Oui, mais de toute façon, on est certains que tu as fait le coup. »
Quel coup ? Je ne comprends rien, je suis impuissant. Alors, je demande une confrontation avec leur chef. Elle négocie et me l’accorde. Je me dis qu’on va parler franchement, entre nous. Mais la discussion n’a jamais eu lieu. Et les 15 années suivantes, ils ont continué.
Image d’Antony Mayfield, via Flickr.
J’ai essayé de m’en sortir. De rencontrer les gens qui subissaient le même calvaire que moi. Je suis même allé à une conférence organisée à Berlin au mois d’octobre 2015 intitulée « Covert Harassement Conference ». J’ai et la chance de faire la rencontre d’autres victimes. Malheureusement, je me suis rendu compte que c’était des leurres, voire des pièges. J’ai voulu faire partie d’une communauté. Aujourd’hui, je suis revenu de mes illusions et suis de nouveau seul.
Depuis que je sais, j’ai beaucoup lutté. Je me suis équipé de brouilleurs d’ondes au cours de l’année 2014. Ils étaient très efficaces ; ils diminuaient en effet les douleurs dans mon abdomen. Mais bon, ce genre d’appareil est tout à fait illégal.
Du coup, l’Agence nationale des fréquences et de la direction du contrôle du spectre, l’ANFR, m’a envoyé une lettre. Cette organisation souhaitait fouiller ma maison afin de trouver ce qui provoquait la « très forte perturbation des réseaux de télécommunication » sur toute la commune de Villard Bonnot. J’ai été contraint de planquer mon matériel – et j’ai arrêté de l’utiliser pendant un certain moment.
Une fois, j’ai parlé à ma sœur de mes souffrances quotidiennes. Elle m’a conseillé de dormir là où tout bouge. J’ai tout de suite pensé au train. J’ai foncé à la gare. Cette nuit-là, les quais étaient déserts. Les wagons aussi. Je me suis installé, un poil plus serein quand tout à coup, j’ai remarqué un groupe de vingtaine de personnes. Ils sont arrivés en courant, comme s’il avait perdu quelque chose. J’ai essayé de dormir dans le train. Mais les douleurs sont revenues, lancinantes.
Au fil du trajet en direction de Chambéry, les douleurs furent de plus en plus fortes. Au moment où je suis arrivé devant une cabine, elles sont devenues insupportables. Je suis entré et m’y suis assis. Huit personnes y étaient déjà, elles aussi assises.
La seule femme présente parmi le groupe a alors murmuré à son voisin : « J’ai poussé à fond. Comment fait-il pour tenir ? »
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