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Dans les coulisses de la fête du cassoulet la plus punk de Chicago

Cassoulet Chicago

Sur le flyer, un squelette avec un mohawk fait les cornes du diable. Il est vêtu d’un tablier, porte une manique, une cocotte et invite les curieux à passer cinq nuits la tête dans le cassoulet entre la boucherie Publican Quality Meats et le restaurant Anker à Chicago.

Depuis six ans, l’événement Five Nights of Cassoulet réunit chaque année la crème des chefs, des gourmets et tout ce que la ville des vents compte de fans que ce soit de punk rock ou de la fameuse spécialité du Languedoc à base de haricots, de saucisse de porc et de canard.

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À l’origine de ces soirées, Mike Miller, propriétaire du Delilah’s, un bar de Chicago connu pour avoir la meilleure sélection de whisky et un goût prononcé pour la musique forte.

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En 1996, lors de son premier voyage en Europe, il passe par la France et tombe totalement flagada du plat. Lors de son séjour suivant, Miller, accompagné par sa femme, part à la recherche du meilleur cassoulet de l’Hexagone. Direction Chez David, restau de Castelnaudary.

Plutôt logique si l’on s’en tient à la version de l’Histoire qui voudrait que le cassoulet soit né pendant la guerre de Cent Ans lors du siège de cette petite ville de l’Aude en Occitanie – avec les seuls ingrédients que les assiégés avaient sous la main.

Sur place, Miller se régale et entend de la musique monter dans le fond de la salle. « Je me souviens que je me suis demandé ‘Mais c’est qui ce mec’ », raconte Miller au sujet du chef et proprio des lieux, David Campigotto. « Il était en train de passer du Gun Club dans le restau d’une toute petite ville française », se rappelle Mike en rigolant avec David. « Avant même le cassoulet, il y avait de la musique. »

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David Campigotto prépare le cassoulet. Photo de Chris Costoso.

Tous les deux passionnés de post-punk, Miller et Campigotto promettent de se revoir – le premier invitant le second à passer le voir à Chicago. La plupart des idylles s’arrêtent là mais, quelques mois plus tard, Campigotto est bien accoudé au bar du Delilah’s. Il y mûrit une idée assez saugrenue : importer son cassoulet dans le Midwest.

« Je le connaissais depuis une heure et je savais déjà qu’il faisait le meilleur cassoulet. Et je savais qu’il allait être capable de le faire à Chicago, mais pas avec moi. Cela devait se dérouler dans les meilleures conditions possibles. Avec Paul Kahan », raconte Miller.

À Chicago, Kahan est un chef multi-récompensé constamment sollicité. Il n’a pas été facile à convaincre mais six coups de fil de Miller ont finalement débouché sur une rencontre. Kahan et Campigotto se sont immédiatement entendus que ce soit en bouffe ou en musique. Le premier a donc décidé de prêter son restaurant au second pour qu’il puisse faire son cassoulet – à condition d’importer les bonnes cassoles et les haricots blancs fraîchement cueillis de Castelnaudary.

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Faire traverser l’Atlantique aux plats typiques en terre cuite a un coût. Celui du premier colis s’élève à 1 000 dollars (870 euros) – les cassoles arrivant toutes pétées. Le second a plus de succès. Six ans plus tard, les plats sont rangés avec soin et jalousement gardés dans la réserve de Publican Quality Meats en attendant la venue annuelle de Campigotto.

Quand Campigotto débarque, le trio se réunit chez Delilah’s pour planifier les événements et à quoi ressembleront les dîners – réunion comparée à un camp de vacances. Deux jours avant le coup d’envoi de la soirée, Campigotto et Kahan dépècent quatre cochons, font cuire les haricots puis commencent à assembler les cassoulets.

Les cassoles sont alors successivement remplies de couches de cuisse de canard, de bouillon, de haricots, de saucisses, de côtes de porc avec les os puis d’une dernière couche de haricots. Une fois assemblés, les cassoulets sont cuits pendant des heures et régulièrement arrosés de bouillon jusqu’à ce que les haricots prennent une couleur marron foncé ainsi qu’une texture croquante. L’ensemble doit ressembler à une sorte de pecan pie.

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Photo de l’auteur.

Chaque soirée débute avec une variation autour de la genèse du plat, puis Campigotto et Kahan vont bosser en cuisine. Quand ils refont surface, c’est pour servir les invités. Les lumières sont allumées histoire que tout le monde ait la même part de saucisse, de canard et de haricots dans l’assiette.

Le cassoulet n’a pas une gueule de mannequin mais son charme réside dans sa complexité. Des ingrédients simples transformés en un plat savoureux qui réunit une communauté grandissante autour de lui.

Comme le cassoulet, Campigotto la joue modeste malgré son succès à l’international. « Je ne sais pas si je fais le meilleur cassoulet mais je le fais en suivant les règles », dit-il. Et tout ça sur du punk.


Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES US

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