Joseph Finegan est un type sans histoire, un gars qui bosse dans une boîte de nuit et prend des photos pendant son temps libre. Le truc, c’est que ces photos ont pour protagonistes des échangistes qui organisent des orgies secrètes dans des hôtels lugubres de Manchester – orgies organisées sur Craiglist, pour être précis.
Il y a peu, Joseph m’a contacté pour me signaler qu’il publiait un bouquin contenant nombre de ses clichés. Do Not Disturb est aujourd’hui disponible en librairie, et j’ai donc passé un coup de fil à son auteur pour en apprendre plus sur les milieux interlopes de la ville qui a vu naître les frères Gallagher.
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VICE : Salut Joseph. L’année dernière, tu nous avais déjà parlé de ton projet. Pourquoi as-tu décidé d’en faire un bouquin ?
Joseph Finegan : Si je n’avais pas fait ce livre, je pense que j’aurais continué à prendre des photos pendant des années, sans m’arrêter. Do Not Disturb m’a permis de prendre du recul sur mon travail. Aujourd’hui, mes photos ont donné naissance à une œuvre physique, et je peux enfin passer à autre chose.
Tu ne prendras plus jamais de telles photos ?
Je désire changer d’angle d’attaque, en fait. Pour de nombreuses personnes qui ne connaissaient pas mon travail, ce livre est une découverte, une porte d’entrée. Pour moi, c’est avant tout un point final. Après, il est évident que depuis deux ans, je passe tout mon temps libre avec une communauté d’échangistes, que je connais très bien. Il va donc être difficile de leur dire adieu comme ça, aussi soudainement. De plus, ce serait du gâchis : j’ai mis tellement de temps à être accepté.
Que désires-tu prendre en photo aujourd’hui ?
Disons qu’il y a quelques années, je voulais faire ce que les autres ne faisaient pas. Des images inédites, intimes, personnelles. J’ai pris en photo des camgirls, et c’est après ça que j’ai voulu m’attaquer aux échangistes.
Aujourd’hui, je ne sais pas trop quoi faire, mais je suis à peu près sûr que ça tournera encore autour du sexe.
As-tu changé de méthode « d’approche » au cours de ces deux dernières années pour contacter des échangistes ?
Au départ, je me contentais de poster des messages sur Craiglist du genre : « Est-ce que quelqu’un voudrait être pris en photo ? » Je finissais souvent chez des gens. Au fil du temps, je me suis rapproché d’échangistes qui avaient pour habitude de se réunir dans des hôtels assez glauques. Le genre d’endroit où la prostitution règne.
Pourrais-tu me décrire l’atmosphère qui règne dans la chambre pendant une orgie ? Les participants n’avaient-ils pas tendance à être gênés par ta présence ?
Dans le livre, tu fais face à deux années de tentatives réussies et d’échecs multiples. Au fil du temps, tu apprends à te comporter au mieux et à prendre une photo sans déranger personne. L’attitude à adopter est la suivante : les laisser débuter tranquillement pour qu’ils lâchent prise, puis t’approcher peu à peu tout en demeurant invisible pour eux. C’est à ce moment-là que tu peux prendre les meilleures photos. Je passais mon temps dans les recoins de la pièce, pour être précis.
As-tu vécu des situations un peu « difficiles » ?
Parfois, je n’avais plus de pellicule et j’étais obligé d’attendre dans la pièce qu’ils terminent leur affaire. Il m’est également arrivé de réserver une chambre et que les gars ne se pointent jamais. Après, quand tu passes du temps avec les mêmes personnes, tout se déroule sans accroc. Les échangistes me connaissaient, me faisaient confiance, me payaient des bières, etc. Après, j’essayais de ne pas m’en faire des amis, afin de conserver une distance nécessaire.
Ta vision du sexe a-t-elle évolué à force d’être confronté à des orgies ?
Tu sais, je ne m’impliquais jamais dans les actes sexuels, alors ça n’a pas changé grand-chose pour moi. Mes amis sont persuadés qu’il m’arrivait parfois de prendre un peu de bon temps, mais c’est faux. Après, je suis peut-être devenu un peu blasé, vu que j’ai assisté à des actes assez extrêmes.
Tes proches ont-ils connaissance de ce passe-temps ?
J’ai montré mon livre à mes parents, qui n’en ont pas vraiment compris l’objectif. Ils se disent que les jeunes font tous ça aujourd’hui. Je les comprends. Après, j’insiste sur le fait que je suis avant tout un gars normal, qui bosse dans une boîte de nuit. Je ne passe pas mon temps à prendre des photos de gens en train de baiser !
C’est noté. Merci, Joseph.
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