La plupart des grandes compagnies de théâtre partent régulièrement en tournée dans le monde entier. Pourtant, un metteur en scène audacieux a décidé de remplacer les comédiens de chair et de sang par des hologrammes. Cela lui permet de montrer sa pièce dans des petites salles, plus confidentielles, qui n’ont pas les moyens techniques et financiers d’accueillir une troupe majeure.
« Je voulais créer une œuvre épique qui réunit les meilleurs artistes et qui ne se contente pas de faire la tournée des capitales, » explique Adam Donen, metteur en scène de Symphony to a Lost Generation, une pièce faisant intervenir 450 comédiens holographiques.
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Donen a passé trois ans à préparer Symphony to a Lost Generation, actuellement jouée au Royaume-Uni, une pièce qui explore l’influence de la Première Guerre mondiale sur notre présent.
Pour caster ses 450 artistes holographiques, Donen s’est entouré du célèbre duo de danseurs de ballet, Sergei Polunin et Natalia Osipova, du Chœur philharmonique de Vienne, et de l’Orchestre symphonique de l’État lituanien, entre autres. L’équipe de production a mis sur pied un énorme écran vert de studio dans une ancienne salle de banquet au nord de Londres, puis filmé les scènes et les acteurs séparément.
L’écran permet à l’équipe de filmer des personnages sur un fond vert, puis de superposer leur performance sur des décors physiques ou numériques. Ensuite, l’équipe a converti la salle de banquet en théâtre, et édité les hologrammes en 3D sur une toile de 10×5 mètres environ.
« Cette technique ressemble un peu à de l’édition d’image en temps réel. La mise en scène rejoint Photoshop, » explique Donen, expliquant comment l’équipe s’y est pris pour augmenter l’intensité de la couleur d’une robe dans une scène, et celle des flammes dans une autre afin d’ajouter une touche dramatique. « Nous n’avons pas besoin de comédiens en live ; nous avons créé un monde grouillant de personnages, dans lequel il n’y a personne. »
Donen explique que l’utilisation des hologrammes lui a permis de faire des choses impossibles dans le cadre d’une mise en scène classique. La pièce réunit des acteurs de Bollywood, des ballerines ukrainiennes, des orchestres autrichiens, pour notre plus grand plaisir.
Même si la pièce de théâtre holographique permet de transcender les limites du temps et de l’espace, Donen admet que l’équipe a dû faire face à de nombreux problèmes techniques. Par exemple, les effets visuels extrêmement raffinés demandaient une puissance de calcul énorme, que peu d’ordinateurs sont capables de fournir.
« Nous avons dû aménager une pièce remplie de serveurs brûlants occupés à traiter d’énormes quantités d’images, » explique Donen. Il ajoute que la production a également dû prévoir des générateurs de secours en cas de coupure d’électricité.
Même si Donen est le premier à faire intervenir un tel nombre d’hologrammes sur la même scène, les artistes holographiques ne sont pas nouveaux. Depuis que le rappeur Tupac est ressuscité au festival Coachella, des manifestations holographiques ont eu lieu en Espagne, et l’une des plus célèbres stars de la pop japonaise a pris vie sous forme d’hologramme.
Donen est cependant persuadé qu’il vient d’apporter une nouvelle dimension au théâtre.
« Je pense qu’il s’agit là d’un tout nouveau genre dramatique. Ce n’est pas exactement du théâtre, et ce n’est pas du cinéma non plus, » explique-t-il. « J’espère que d’autres me suivront là-dedans, et que le genre développera bientôt ses propres règles, sa propre grammaire. »