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Des cristaux de l’espace contre les armes chimiques

Les composés organophosphorés sont parmi les poisons les plus violents et répandus du monde. Absorbés par un humain, ils se fraient un chemin jusqu’au cerveau et bloquent une enzyme chargée de relaxer les muscles. La paralysie et la mort peuvent survenir en quelques minutes.

Les organophosphorés entrent dans la composition de nombreux agents innervants comme le sarin, un gaz de combat qui a été utilisé au cours de la guerre civile syrienne. Ils servent aussi de base à des pesticides qui sont suspectés de causer des dégâts neurologiques chez les enfants. L’un d’entre eux, le chlorpyriphos, était en passe d’être interdit aux États-Unis avant que l’administration Trump n’en autorise l’utilisation pour de bon.

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Ces événements rappellent que le sarin, le VX et tous leurs amis existent vraiment – et qu’ils sont d’actualité. Heureusement, tout n’est pas encore perdu. Des scientifiques développent actuellement de nouveaux antidotes contre l’empoisonnement aux organophosphorés. Leur meilleur atout : des cristaux venus de la Station spatiale internationale (ISS).

A bord de l’ISS, la gravité terrestre n’a quasiment pas de prise. L’apesanteur permet aux structures cristallines de croître avec plus de régularité qu’au sol. Les cristaux venus de l’espace sont d’une pureté telle qu’ils ont des propriétés impossibles à obtenir sur terre. Les astronautes qui occupent la station se sont déjà servis de cet avantage pour effectuer des recherches sur la maladie de Huntington et les détecteurs de radioactivité.

L’environnement de la station spatiale internationale permet de faire pousser des cristaux d’acétylcholinestérase, l’enzyme à laquelle s’attaquent les organophosphorés lorsqu’ils entrent dans le corps des humains et de certains animaux. Ces cristaux sont étudiés dans le cadre du Countermeasures against chemical threats (CounterACT), une initiative du National Institute of Health américain qui vise à améliorer la prise en charge médicale des victimes d’attaques chimiques.

L’expérience a été livrée à l’équipage de l’ISS grâce à une capsule SpaceX Dragon en juin dernier. Les cristaux poussent en orbite en ce moment même. Leur croissance achevée, ils seront envoyés sur terre avec l’équipement qui a permis de les faire grandir et remis aux chercheurs du CounterACT. Ces scientifiques, et notamment le cristallographe Andrey Kovalesky du laboratoire national d’Oak Ridge, étudieront leur structure jusqu’au niveau atomique. Leurs observations permettront peut-être de découvrir le meilleur moyen de briser les molécules des composés organophosphorés à l’aide d’un antidote artificiel.

“Chaque année, des centaines de milliers de personnes meurent d’empoisonnement aux organophosphorés, explique Kovalesky dans une vidéo qui décrit l’expérience. Une fois que nous aurons saisi leur structure, nous pourrons créer des antidotes plus rapides et efficaces qui pourront être utilisés contre les pesticides et les agents innervants.”

Cette expérience est une nécessité humanitaire : les effets dévastateurs des organophosphorés et leur place toujours plus importante dans l’agriculture et la guerre ne nous laissent pas le choix. Le fait qu’elle se déroule au sein d’un engin orbital lancé à 27 000 km/h et qu’elle implique de faire pousser des cristaux est juste un bonus.