Des étrangers racontent ce qui les a le plus choqués lors de leur arrivée en France

En France, il y a certaines choses à détester obligatoirement si vous voulez parfaire votre intégration dans le pays : la SNCF, l’entraîneur de l’équipe nationale de football, et travailler – dans le sens large du terme. À l’inverse, et pour je ne sais quelle raison, il est de bon ton d’apprécier les conflits, les tomates cerise, les théories du complot, l’authenticité, Freud, Woody Allen, Xavier Dolan et le pessimisme – et des millions d’autres petites choses que vos potes Erasmus, tout européens soient-ils, ne comprendront jamais.

Contrairement à ce que peuvent affirmer les louangeurs de Renaud Camus, l’Hexagone n’est pas encore submergé par l’afflux d’étrangers. Selon une étude de l’Insee datée de 2012, il y avait à cette date dans le pays 3 170 000 immigrés n’ayant pas acquis la nationalité française et 550 000 étrangers nés en France n’ayant pas non plus opté pour la nationalité française – ce qui fait 3 720 000 personnes. Ce chiffre doit bien sûr être réévalué chaque année – le regroupement familial étant le premier facteur d’immigration, loin devant l’accueil des réfugiés d’Afrique et du Moyen-Orient. On estime à quatre millions le nombre d’étrangers présents aujourd’hui sur le territoire.

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Ça fait donc un paquet de monde incapable de comprendre pourquoi les Français et la queue dans les magasins ne font pas bon ménage. Après, je n’ai jamais dit qu’il n’en allait pas de même dans le sens inverse. Demandez à un Français s’il comprend l’engouement des Américains pour les câlins, le succès des livres de Tao Lin ou l’amour des Mexicains pour Alizée. Il vous répondra simplement : « Non. » Il est donc on ne peut plus logique que la France et sa culture laissent des milliers d’étrangers dans le flou. On a demandé à quelques allochtones ce qui les avait le plus choqués chez nous.

« En France, tout le monde parle de cul. Pendant mon séjour, j’ai bien compris que la réputation des Français n’était pas loin de la réalité. Une balade dans les rues de Paris ou un verre en terrasse se termine inévitablement par l’arrivée d’un jeune homme qui sait comment faire craquer n’importe quelle fille. Et, bien entendu, on ne cache pas les détails croustillants de ses expériences devant ses copains. Quand une soirée se passe mal, « on va choper » juste pour tromper l’ennui – un mot assez mal connoté en Allemagne.

Mais ce qui m’a véritablement surprise, c’est que les Français sont, en même temps, très pudiques. Se changer devant d’autres personnes dans les vestiaires les met mal à l’aise, sauter à poil dans la mer entre potes est impensable, alors que tout cela est normal outre-Rhin. C’est un paradoxe auquel je ne m’attendais pas du tout et qui est un peu étrange ».
Marie Nicolaus, 24 ans, étudiante à Science Po Rennes, Allemande

« Le plus gros choc a été mon installation. Je pensais pouvoir me pointer avec un peu d’argent et trouver un appartement, mais c’était impossible. J’avais besoin d’un compte en banque français et d’un cosignataire français sur mon bail. Sauf que, pour ouvrir un compte en banque, il faut une adresse en France ! C’était très frustrant.

J’ai fini par obtenir un faux justificatif de la part d’un ami qui affirmait que j’habitais chez lui. J’ai utilisé ça pour ouvrir un compte et, par la suite, les parents d’un autre ami français ont accepté de cosigner mon bail. Je ne les ai pourtant jamais rencontrés ! »
Geoffrey Wildanger, 27 ans, étudiant en littérature comparée, Américain

« L’importance accordée par les jeunes français au système des grandes écoles m’a énormément étonné. Mes premières rencontres avec les étudiants locaux étaient toujours les mêmes : ils ne parlaient que de bac + quelque chose, de prépa, d’acronymes étranges. Je ne comprenais pas cette façon de voir les choses.

Même les professeurs introduisaient leur cours en expliquant ce qu’ils avaient fait comme études. Je trouvais ça un peu ridicule qu’un prof de 45 ans souligne qu’il avait été étudiant dans une super école et qu’il avait fait des recherches avec ses collègues – sans expliquer les tenants et les aboutissants des recherches. Moi, je voulais juste qu’il fasse cours ! »
Tiziano Peccia, 25 ans, consultant, Italien

Extrait d’Un crime au paradis, film de Jean Becker

« En arrivant en France, le rapport à l’alcool m’a surprise. En Israël, on n’a pas du tout l’habitude de boire pendant la journée – sauf peut-être une bière à la plage. Je n’avais jamais vu des ouvriers carburer au Ricard dès 10h du matin.

J’ai habité à Thonon-les-Bains en Haute Savoie pendant quelque temps. Là-bas, certaines personnes étaient complètement bourrées à midi. Il y avait l’apéro de 11h du matin, puis de nouveau un apéro à 17h, juste après le boulot… Les gens boivent en mangeant, puis après manger, il y a le digestif ! » Elinor Rafaelli, 29 ans, étudiante en irénologie, Israélienne

« J’ai été très surprise par la propension qu’ont les Français à vouloir argumenter tout le temps. Je viens de Californie. Là-bas, tout le monde est poli – du moins en apparence – et fait semblant d’être d’accord dans le but d’éviter les conflits. En France, j’ai l’impression que les gens cherchent le conflit parce qu’ils adorent les « batailles intellectuelles ». »
Barbara Silverstone, 41 ans, traductrice et cofondatrice de Unseven, marque de tee-shirt, Américaine

« Quand je suis arrivée en France, je me souviens avoir été très étonnée de savoir que mes amies avaient l’habitude de prendre un verre ou un café seule. En Roumanie, je n’avais vu que des grands-pères se comporter de la sorte ! Les « jeunes » circulent en bande ou sortent à deux là-bas.

Je me suis fâchée avec une amie française parce qu’après lui avoir proposé de me retrouver pour aller ensemble à une soirée où je ne connaissais personne, elle m’a répondu : « On se retrouve directement à l’intérieur. » J’ai alors pensé : « Je vais avoir l’air con de l’attendre seule parmi ces inconnus. » Petit à petit, je me suis habituée à cette indépendance, et j’avoue qu’elle n’est pas désagréable, en fait. » Simona Dirvariu, 36 ans, architecte, Roumaine

Extrait de La Grande Bouffe, film de Marco Ferreri

« En France, quand tout va bien, tout fonctionne très bien. Vous demandez une aide au logement à la CAF, et ils vous donnent automatiquement de l’argent tous les mois. Par contre, quand quelque chose se met à déconner, ça devient difficile de le remettre sur les rails !

Chez moi, mon accès à Internet n’a pas fonctionné pendant quatre mois. Pendant tout ce temps, j’ai téléphoné à mon opérateur tous les jours. Les techniciens sont devenus mes invités les plus fréquents. De son côté, la CAF a suspendu mes APL et m’a envoyé une lettre pour réclamer des documents – documents que j’avais envoyés le mois précédent. J’ai téléphoné et quelqu’un m’a dit que c’était réglé. Une semaine plus tard, j’ai reçu la même lettre… Vivre en France, c’est vivre dans un tourbillon infini de procédures administratives. C’est un peu comme la Chine, mais en pire ! » Xiayong Lei, 24 ans, étudiante, Chinoise

« Mon premier choc a eu lieu lors de mon arrivée en France. C’était Noël, et j’étais invitée chez ma future belle-famille. D’abord les présentations. Premier défi : savoir s’il fallait faire une, deux ou trois bises. Chez moi, à Lima, il en suffit d’une, mais il faut qu’elle soit chaleureuse !

Une fois installée à table, j’ai vu défiler devant mes yeux une douzaine de plats, chacun meilleur que le précédent. Ce qui était encore plus étonnant était la durée du repas : cinq à six heures ! Je n’avais jamais vécu cela auparavant. J’ai compris que la gastronomie et la tradition culinaire étaient essentielles ici.

La table est l’autel des Français. L’élément sacré de Noël en France, c’est la gastronomie et pas la religion. Les rituels et les symboles ont moins d’importance qu’au Pérou et attirent la méfiance. Dans mon pays de naissance, il n’y a pas vraiment de séparation entre la religion et la sphère publique. Ainsi, personne ne va contester la mise en place d’une crèche dans une salle communale, par exemple. » Ana Rosa Goudrias Carrillo, 57 ans, professeure d’espagnol, Péruvienne

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