Fermés définitivement ou temporairement à cause du Covid, ces légendaires clubs belges et leurs soirées sans fin nous manquent terriblement. La série NIGHTS TO REMEMBER nous en rappelle de bons souvenirs, principalement flous.
Au début, le Fanklub n’était que le nom d’une petite teuf qui se tenait dans un salon anversois, dans lequel une vingtaine de pelés et trois tondus se déchaînaient toutes les deux semaines. Mais grâce au bouche à oreille, ça s’est rapidement transformé en un événement phare qui a finalement pris place dans l’entrepôt EMMA et dans le Café Capital qui a fini en flammes en 2010.
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Il y a eu des soirées légendaires, notamment avec le DJ et créateur Kim Jones. Vous pouviez facilement vous taper une heure de queue avant de vous retrouver avec 700 autres personnes dans leur tenue la plus extravagante. Ces nuits de folie étaient appréciées par beaucoup de ces (wannabe) esprits artistiques. À l’apogée du Fanklub, les gens venaient de Londres, Amsterdam et même de Paris. Quatre ans après sa création, les fêtes ont tellement dégénéré que les organisateurs Pascal et Erwin ten Ham ont décidé de mettre fin au Fanklub pour accueillir un public plus large aux Blast your Ghetto and Scandals.
Les paillettes, les plumes et les accessoires les plus fous traînent encore dans les placards de la plupart des habitué·es du Fanklub. Vous n’en trouverez pas beaucoup de traces sur les réseaux sociaux, mais les souvenirs sont toujours vivants.
VICE a demandé aux habitué·es et au personnel leurs meilleurs souvenirs de ce collectif de fêtard·es qui n’ont pas froid aux yeux.
Isabelle (32 ans), une habituée
« J’avais 15 ans quand je suis allée pour la première fois à une soirée du Fanklub. Dans le Limbourg, où je suis née, je trouvais les gens ennuyeux et ma tante me racontait toujours des histoires sur les grosses teufs d’Anvers. Lors de ma première fois au Fanklub, il y avait Crazy Girl, une Américaine aux boucles blondes et blanches, habillée en mode années 1980 et qui faisait du gros son disco. J’étais déjà sortie dans d’autres clubs, mais je n’avais jamais rien vu de tel. C’était un peu comme une révélation. C’était le lieu de tous les possibles et personne ne jugeait les gens. Tu pouvais mettre la tenue la plus folle de ta garde-robe et ne jamais te taper un regard de travers. Beaucoup des amitiés que j’ai encore sont nées là-bas. Le Fanklub m’a élevée culturellement et a joué un rôle important pendant ma puberté et mon adolescence.
« C’était le lieu de tous les possibles et personne ne jugeait les gens. Tu pouvais mettre la tenue la plus folle de ta garde-robe et ne jamais te taper un regard de travers. »
Un soir, on faisait la fête au EMMA, un entrepôt près du port. À un moment, la police portuaire est arrivée et a stoppé la fête parce que c’était trop bruyant, mais nous, on n’en avait pas envie. Dix minutes plus tard, tout le monde était dehors à danser dans ses tenues les plus folles au son de la musique qui sortait d’une voiture. Les policier·es ont assisté bouche bée à la scène. Des gens avec des plumes, des paillettes, des chapeaux et d’autres accessoires dansaient déchaînés sur les quais à côté de l’entrepôt. Pendant ce temps, les taxis continuaient à déposer des gens déguisés.
Je terminais souvent ces teufs endormie sur le dancefloor à 6 heures du matin, mais ça n’avait pas d’importance. En tant qu’adolescente, c’était tellement rassurant de pouvoir aller à une fête librement et en toute sécurité. Ça devrait être la norme dans la vie nocturne d’aujourd’hui. »
Pascal, organisateur et DJ
« Un soir, j’avais vraiment besoin d’aller pisser pendant que je jouais un set. Il y avait beaucoup de monde, une très longue queue pour aller aux toilettes et je n’avais pas envie de bouger de là où j’étais. J’ai vu un verre vide à côté de mes platines et, vous l’avez deviné, j’ai saisi ma chance. Je me suis discrètement penché et j’ai rempli le verre de pisse.
« Que ce mec puisse être bourre au point de ne pas se rendre compte qu’il buvait un verre de pisse, je risque pas de l’oublier. »
Il n’y avait pas beaucoup de place à côté du dj-booth, alors sans que personne ne le remarque, j’ai remis le verre entre les autres à moitié pleins. J’ai continué à jouer et au bout de 30 minutes, j’ai regardé en direction du verre. J’étais choqué, un gars avait vidé tout le verre de pisse. Que ce mec puisse être bourré au point de ne pas se rendre compte qu’il buvait un verre de pisse, je risque pas de l’oublier. »
Arthur (44 ans), un habitué
« La première fois que je suis allé à une soirée Fanklub, j’avais été attiré par une photo sur internet sur laquelle les gens portaient des tenues extrêmes. Je savais pas à quoi m’attendre, alors j’ai appelé un ami pour m’accompagner.
Je suis arrivé à une heure du matin et il n’y avait que cinq autres personnes. Curieusement, ça ne m’a pas du tout dérangé, et ça ne m’a jamais dérangé les fois suivantes non plus. J’aimais bien le fait que les soirées Fanklub démarraient assez tard. Même si on était qu’une vingtaine aux premières teufs Fanklub, tout le monde était sur le dancefloor.
Personne ne se connaissait, aucune clique ne se formait et t’étais accepté·e en étant toi-même Les tenues que portaient les gens étaient chouettes à regarder. Chaque fois, je me réjouissais de savoir quel genre de création j’allais retrouver. Mais il y avait là une dualité : de nombreuses personnes qui portaient des tenues extrêmes avaient une personnalité très introvertie. Plus tard, j’ai compris que c’était leur façon de s’exprimer et que Fanklub leur permettait d’être naturel·les. Tout le monde était totalement libre et ça se ressentait dans l’atmosphère à chaque fois.
Après cette première soirée, j’ai jamais cessé d’y aller. Je me rendais toujours aux teufs à pied, qu’il neige ou qu’il vente ; je devais les vivre. »
Laur (33 ans), un habitué
« J’ai chez moi un poster de la première fois que je suis allé au Fanklub, en décembre 2004. J’avais 16 ans, c’était la première soirée de ma vie où je pouvais m’épanouir et apprendre à me connaître vraiment. Au bout d’un certain temps, je me suis lié avec les organisateurs et on est devenus amis. J’ai même pu mixer à leurs teufs sous le nom de DJ Lo. Quelle que soit la météo, je traînais des caisses de disques en talons hauts jusqu’au Kaaiman, qui était rempli de disques vinyles.
« Les verres s’enchaînaient. Disons que je ne me souviens pas de grand-chose de mon propre set. »
J’oublierai jamais la première fois que j’ai pu mixer. Ça a duré une heure et demie. Le DJ-booth était juste à côté du bar et j’en ai fait bon usage. Les verres s’enchaînaient. Disons que je ne me souviens pas de grand-chose de mon propre set. Je me souviens juste qu’Erwin et d’autres gens m’ont transporté derrière le DJ-booth.
Le Fanklub a eu un gros impact pendant ma jeunesse. Des icônes comme Lady Gaga n’existaient pas encore et il n’y avait pas d’autre endroit où on pouvait s’habiller de manière aussi spectaculaire sans que personne ne te regarde de travers. De nombreuses personnes sont sorties du placard grâce au Fanklub et ont appris à embrasser leur propre identité ; elles pouvaient y aller en toute liberté et sans tabou, à la recherche d’elles-mêmes. »
Jonah Segers, (34 ans) technicien lumière
« Ma première fois en tant que technicien lumière au Café Capital, c’était pour une soirée Fanklub. À un moment donné, le DJ a accéléré le rythme et juste avant le drop, je suis devenu dingue avec mes lumières. L’organisateur m’a dit après coup que c’était mon premier et dernier shift ; selon lui, j’étais trop sauvage avec mon éclairage, mais le DJ l’a interrompu et m’a dit qu’il m’offrirait le double si je continuais comme ça. C’est comme ça qu’a débuté ma carrière. »
Yannick (35 ans), un habitué
« En tant qu’habitué depuis la toute première édition, j’allais au Fanklub tous les quinze jours. Souvent, avec mes potes, on préparait nos tenues deux semaines à l’avance, je vivais vraiment pour chaque teuf. Le Fanklub, c’était un truc qui n’existait nulle part ailleurs. C’était un endroit où on pouvait se montrer sous sa forme la plus extrême.
« C’est vrai que les gens ramenaient leurs accessoires les plus fous à ces soirées, mais comment cette cuisse de lapin crue avait-elle pu se retrouver dans mon sac à dos ? Personne ne le sait. »
Les quantités d’alcool qu’on consommait, c’est aussi propre à ces soirées. Un matin, j’ai pris le train pour rentrer chez moi, dans le Limbourg. Pendant le trajet, j’ai ouvert mon sac à dos et j’ai été choqué d’y voir une cuisse de lapin crue. J’avais peur d’attraper la salmonelle, donc je l’ai vite jetée. C’est vrai que les gens ramenaient leurs accessoires les plus fous à ces soirées, mais comment cette cuisse avait-elle pu se retrouver dans mon sac à dos ? Personne ne le sait. »
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