Pour tous les enfants, l’école peut être nulle pour un tas de raisons. Mais pour les jeunes LGBT, il y a d’autres sujets de préoccupation. De l’ignorance polie à l’homophobie en passant par la transphobie, de nombreux millenials appartenant à la communauté LGBT ont passé une scolarité relativement difficile, essayant de comprendre et d’accepter leur sexualité et leur identité sexuelle dans un système homophobe et transphobe qui favorise l’éducation sexuelle cisgenre et hétérosexuelle par-dessus tout.
Ce n’est peut-être qu’un lointain souvenir, mais l’article 28 du Local Government Act de 1988, qui interdisait aux autorités locales de « promouvoir » l’homosexualité ou les « familles prétendument homosexuelles », n’a été supprimé qu’en 2002. A l’époque, renseigner les enfants sur les questions liées à l’homosexualité était littéralement un acte criminel. Par conséquent, l’éducation sexuelle inclusive était rare au cours de leur éducation.
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C’est pourquoi le récent débat sur l’éducation sexuelle dans les écoles a été si alarmant. Pour les hétéros qui n’ont pas suivi l’histoire, le mois dernier, le ministère de l’Éducation britannique a révélé son intention d’introduire des leçons d’éducation sexuelle inclusive avec un contenu LGBTQ. Cependant, cinq écoles de Birmingham ont retiré ces leçons de leur programme après avoir essuyé de vives critiques de la part de parents d’élèves, tandis que d’autres parents de Manchester ont également manifesté leur désaccord vis-à-vis de ce programme
Theresa May a été sévèrement critiquée pour son refus de condamner les protestations en cours, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de ses antécédents de négation des droits des personnes LGBTQ. De son côté, le député conservateur Andrea Leadsom a déclaré la semaine dernière que les parents devraient être en mesure de décider du moment propice pour « exposer leurs enfants à ces connaissances », comme si le fait d’être LGBTQ était un virus qu’ils pouvaient attraper s’ils n’avaient pas eu le temps de développer un système immunitaire performant.
Cela va sans dire, mais je le dis quand même : ne pas parler de l’existence des personnes LGBTQ à vos enfants ne les empêchera pas d’être LGBTQ. Cela leur donnera simplement l’impression qu’il est anormal de l’être. Et cela rendra leur vie beaucoup plus difficile. Au cas où il y aurait un doute à ce sujet, j’ai demandé à des personnes LGBTQ de partager leur expérience en matière d’éducation sexuelle.
Vic, 28 ans
Je ne me souviens pas qu’il y ait eu tant d’éducation sexuelle que ça dans mon école. Mon premier souvenir des cours d’éducation sexuelle, c’est celui de ce garçon catholique qui avait une note spéciale de ses parents le dispensant des cours. Nous avons regardé des vidéos d’accouchements, ce qui était plutôt traumatisant, et une sorte de dessin animé décrivant le sexe hétérosexuel. Je me souviens surtout d’avoir appris à connaître les différentes infections et maladies sexuellement transmissibles, la grossesse, la contraception et les règles, sauf que c’était en cours de biologie, et non d’éducation sexuelle. Bien sûr, c’était à 100% orienté cisgenre et binaire – les filles apprenaient des choses sur les règles, les bébés et les maladies, tandis qu’on enseignait le fonctionnement des érections aux garçons.
Cette éducation sexuelle a, chez moi, renforcé l’idée que le sexe ne consistait qu’en un rapport pénis-vagin, et rien d’autre, ce qui a réellement contribué au fait que je ne me sois pas du tout assumé. À l’école, je savais que je n’étais pas hétérosexuel, et je n’assumais pas ça du tout. J’ai réprimé cette partie de moi-même pendant longtemps. J’ai fait mon coming-out bisexuel à l’âge de 21 ans et en tant que non-binaire à 27 ans, dix ans après avoir fini ma scolarité. Cela m’attriste de penser que les choses auraient pu être bien plus simples, si seulement quelqu’un nous avait dit qu’il y existait plus de deux genres. Je pourrais écrire toute une dissertation sur les commentaires de Theresa May et d’Andrea Leadsom, mais, en bref, qu’elles aillent se faire voir. Je n’ai qu’une hâte : que leurs points de vue dépassés et répugnants soient enfin perçus pour ce qu’ils sont vraiment.
Angad, 24 ans
J’ai fréquenté une école primaire catholique, puis un collège exclusivement masculin de l’Église d’Angleterre. L’éducation sexuelle était pratiquement inexistante à l’école primaire : on nous a juste appris que le sexe, c’était entre un homme et une femme – et Dieu. Et que cela avait lieu après le mariage dans le seul but de fonder une famille. Au collège, les cours étaient plutôt succincts, mais assez libéraux. On nous a enseigné que la masturbation n’était pas quelque chose de mal, et qu’il n’y avait aucun problème à être bisexuel ou gay. On nous a même offerts des préservatifs.
Comme nous étions scolarisés dans une école entièrement masculine, personne ne nous a vraiment parlé du corps féminin, et nous n’avons rien appris à propos de la sexualité ou de l’identité de genre. Tout ce que nous avons appris sur les relations LGBTQ, c’était qu’il « fallait mettre un préservatif sinon on attrape le SIDA » et que « c’est mal d’être homophobe ». J’ai surtout appris le fonctionnement du sexe homosexuel via Wikipédia – vraiment pas idéal.
Je savais avec certitude que je n’étais pas hétérosexuel depuis la primaire. J’ai vécu mon premier amour – un garçon – quand j’avais huit ans, et ça m’a vraiment terrifié. Je me souviens d’avoir ressenti beaucoup de culpabilité et de honte, sans trop vraiment comprendre pourquoi. Je pense que nous avons tellement peu appris sur les identités LGBTQ qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre et désapprendre l’homophobie. Je n’ai aucune confiance en une première ministre qui a voté contre l’abrogation de l’article 28 alors qu’elle était ministre de l’Équité à l’époque. Et je dirais à Shabana Mahmood [la députée travailliste qui a défendu les parents protestant à Birmingham, ndlr] que le traumatisme de l’hétérosexualité compulsive, la culture de la honte justifiée par la religion et le discours médiatique ratifié par les politiciens qui pousse les enfants à s’opprimer eux-mêmes pour plaire à leurs proches ne devraient pas être un choix laissé aux parents.
Maddie, 21 ans
J’ai fréquenté une école publique de merde, où la principale éducation sexuelle que nous avons reçue portait sur la contraception et les MST. L’accent a été mis sur les relations abusives et le sexting, et peut-être un peu sur le consentement, mais très peu sur les relations LGBTQ+. On nous a dit qu’il ne fallait pas intimider les élèves LGBTQ+, mais c’était à peu près tout. Ils n’ont jamais mentionné autre chose que le sexe hétérosexuel.
J’ai pensé que ce n’était qu’une piètre performance de leur part, mais rien que le fait que mon école mentionne l’existence des personnes homosexuelles était déjà remarquable, étant donné le mal qu’avaient les autres écoles à s’en charger. C’était une école libérale et tolérante, mais ce n’était pas suffisant. Personne à l’école n’était réellement « sorti du placard », personne ne vivait ouvertement son homosexualité ou n’avait des relations autres qu’hétérosexuelle. On ne parlait quasiment pas de personnes transgenres.
La première fois que j’ai eu des rapports sexuels avec une fille, je me suis punie, j’ai essayé de le réprimer, je me suis convaincue que c’était non consensuel et je n’en ai parlé à personne pendant toute une année, bien que je sois une personne très ouverte. Je me haïssais. Il n’y avait pourtant rien de mal à cela, et si on me l’avait dit plus tôt, je n’aurais pas passé un an à me torturer.
Emily, 28 ans
J’ai fréquenté une école polyvalente mixte dans le sud-est de Londres, où l’éducation sexuelle était spectaculairement basique. Je me souviens qu’on avait demandé à notre professeure d’études religieuses comment fonctionnait la mécanique du sexe, et elle était devenue si agitée qu’elle s’était contentée de faire ce geste 👉👌.
J’avais 16 ans lors de mon premier cours d’éducation sexuelle. Toute la promotion a été réunie dans le hall principal pour un débat. L’un des garçons a demandé si nous pouvions débattre pour savoir si « oui ou non c’était mal d’être homo ». Les profs ont accepté et demandé à chaque élève de choisir son camp. Pendant environ une demi-heure, ces gens ont permis à des enfants de notre promotion de proclamer haut et fort qu’il était mal d’être homo. Il y avait un garçon ouvertement homosexuel dans notre promotion, et c’était l’un des seuls à oser affronter à ses camarades.
Une anxiété terrible s’abat sur moi dès que j’y pense, même plus d’une décennie plus tard. L’attitude générale au sein de l’école m’a forcée à attendre des années avant d’assumer qui j’étais. J’ai souvent eu des coups de foudre pour des garçons, mais quand j’ai eu quatorze ans, j’ai commencé à fréquenter ma meilleure amie et ça a duré des années. Ça a été une partie non négligeable de mon éducation sexuelle et émotionnelle. Ça a été une époque étrange et confuse ; j’avais l’impression de ne pas avoir le droit d’aimer les deux sexes, alors pendant la grande majorité de mon adolescence, j’ai pensé que je n’étais qu’une hétérosexuelle un peu confuse. J’avais 21 ans quand j’ai commencé à vraiment assumer ma bisexualité.
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