Des scientifiques chinois ont utilisé CRISPR pour créer une nouvelle espèce de levure, rapporte un article de recherche publié récemment dans la revue Nature. C’est la première fois que cet outil de génie génétique controversé permet de créer une espèce artificielle avec un génome unique. L’ingénierie génétique « à grande échelle » semble désormais à portée.
Les levures font partie intégrante de notre alimentation quotidienne. On les trouve dans la bière, le pain et le yaourt, entre autres. Le terme « levure » lui-même désigne une large variété d’espèces unicellulaires réparties en deux embranchements, les Basidiomycètes et les Ascomycètes, auquel appartient la plupart des levures présentes dans les aliments. Depuis 20 millions d’années, ces cellules comptent toutes 16 chromosomes.
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La raison pour laquelle certaines espèces ont plus de chromosomes que d’autres est un mystère de la biologie. Les humains ont 46 chromosomes ; l’espèce de fougère Ophioglossum reticulatum, 1 440. Le seul organisme eucaryote (dont les cellules possèdent un noyau) connu qui possède naturellement un seul chromosome est le mâle de l’espèce de fourmi géante Myrmecia pilosula.
En Chine, une équipe de chercheurs dirigée par Zhogjun Qin, un microbiologiste au Laboratoire de biologie synthétique de Shanghai, a cherché à savoir s’il était possible de réduire artificiellement le nombre de chromosomes d’une espèce de levure à un.
« Pour les cellules eucaryotes, les avantages des chromosomes multiples sur un chromosome unique ne sont pas clairs, écrivent les chercheurs dans l’article. Dans cette étude, nous avons réorganisé le génome de Saccharomyces cerevisiae [l’espèce de levure qui sert à la fermentation de la bière, ndlr] dans un seul chromosome géant, de façon à découvrir si une cellule de levure dotée d’un seul chromosome fusionné pouvait survivre à un cycle sexuel complet. »
CRISPR utilise une enzyme appelée Cas9 pour découper de petites portions d’ADN et introduire des modifications génétiques à la place. L’élément-clé du dispositif est un bout d’ARN qui fait le lien entre une séquence ADN spécifique et l’enzyme Cas9. Une fois que l’ARN est amarré à la séquence ADN, Cas9 coupe l’ADN à un endroit-cible. Les mécanismes de défense de l’ADN des cellules font le reste en réparant la séquence à l’endroit endommagé par CRISPR.
Pour créer une nouvelle espèce de levure, Qin et ses collègues se sont attaqués au petit morceau d’ADN qui tient les chromosomes ensemble, le centromère. Ensuite, tous les demis-chromosomes de levure ainsi obtenus ont été mis bout-à-bout au hasard grâce à leur mécanisme de recombinaison naturel. Résultat : une longue, longue chaîne de gènes.
« Nos expériences pilote ont montré que huit paires de chromosomes sélectionnés aléatoirement pouvaient être fusionnés avec succès, et que les souches obtenues de la sortie grandissaient aussi bien que les souches sauvages, ce qui indique que les cellules de levure pourraient tolérer une fusion aléatoire de deux chromosomes », écrivent les chercheurs.