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En 2019, selon l’Institut National de Doigt Humide, tout le monde est tatoué. Maintenant que même votre mère s’est fait un tatouage Ariel la petite sirène dans le bas du dos, on peut légitimement se demander à quel point c’est encore cool de se faire encrer à vie. Si tout le monde crève d’envie d’arborer des dessins bizarres ou des paroles philosophiques sur son corps, c’est peut-être à cause des Diables Rouges ou de joueurs de football comme Jonathan Legear et John Carew – qui ont un peu raté leur coup à cause d’accents et d’erreur de typo. Et c’est peut-être pour cette même raison que les tatoueurs se voient demander des trucs de plus en plus insensés.
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Nous nous sommes donc rendus dans cinq tattoo-shop de Belgique afin savoir quelles étaient les demandes les plus douteuses qu’ils aient jamais reçues.
Raf Pion de Inkursion (Anvers)
Via la page Instagram d’Inkursion
VICE : Salut Raf, as-tu déjà refusé de faire un tatouage ?
Raf : Il y a eu cette fille d’une vingtaine d’années, qui portait déjà plusieurs tatouages. Elle voulait que je lui tatoue « Hell’s Gate » sur son mont de vénus. J’ai trouvé ça super bizarre, alors je lui ai dit de d’abord rentrer chez elle pour y réfléchir. Je ne l’ai plus jamais vue.
On m’a aussi demandé truc fou pendant ma formation. Mais là, je n’ai pas pu choisir si je voulais le faire ou non. Mon boss venait de me dire : ici, tu tatoues ce qu’on te demande, et estime toi heureux de pouvoir t’entraîner. Donc un jour, un client âgé de 75 ans est entré et m’a dit: « J’ai toujours voulu un tatouage, mais mes parents me l’ont toujours interdit. Maintenant qu’ils sont tous les deux décédés, je peux enfin le faire. »
J’ai tout de suite pensé que c’était une entrée en matière assez louche. Quand je lui ai demandé ce qu’il voulait faire, il a commencé comme ceci : « Quand je suis au café et que je vois une nénette bien roulée, je lui dis toujours que j’ai une salamandre dans mon pantalon, et qu’elle peut deviner où est sa queue. » C’était donc son entrée en matière, qui visiblement n’a jamais fonctionné.
Et quel tatouage voulait-il, à ton avis ? Une salamandre, bien sûr, avec la tête légèrement au-dessus de son caleçon et la queue enroulée autour de ses couilles – en réalité sur le morceau de chair entre son cul et ses boules. Pendant quelques heures, j’ai donc soulevé la bite d’un vieil homme. Awkward au possible, et sans doute la situation la plus étrange que j’ai jamais vécue.
À ce moment-là, je trouvais que ça craignait à mort, mais quelque part, je suis heureux de l’avoir fait. Ça m’a aidé à apprendre comment gérer la nudité dans mon métier. Ça arrive de temps en temps, et pour pouvoir facilement se concentrer, il faut en avoir fait l’expérience quelques fois. Donc on va dire que c’était une bonne formation, même si je ne le referais certainement pas maintenant que j’ai mon propre shop.
Marcin Nikiforuk du Paul & Friendz Tattoo Shop (Bruxelles)
Via la page Instagram de Marcin
VICE : Hey Marcin, as-tu déjà refusé un tatouage ?
Marcin : Oui, nous avons une politique dans la boutique qui précise que tout le monde ne peut pas se faire tatouer le visage. Seules les personnes complètement couvertes des tatouages sont éligibles. De même, seules les personnes aux bras tatoués peuvent demander un tatouage sur leurs mains.
Bien sûr que j’ai déjà dû dire non à certains clients. Il y a eu cette fois où une fille voulait se faire tatouer le nom de son père sur le pubis. C’est juste bizarre, mec. Qui voudrait un truc pareil ? No way que je fasse ça.
Aussi, on a pas mal d’illustrations bouddhistes ici et on y trouve parfois des svastika. Ce symbole a une signification différente dans ce contexte, mais certains client m’ont demandé un tatouage white-power car ils pensaient qu’on tatouait des croix gammées. Sortez d’ici, je leur dis alors.
T’est-il arrivé de regretter après avoir tatoué quelqu’un ? Non, bien qu’il y ait un truc qui s’est mal passé quand j’ai commencé ici. J’avais tatoué la mauvaise date en chiffres romains sur un client, parce que lui m’avait donné la mauvaise date. Le lendemain, il est revenu furieux avec sa femme, qui était elle aussi en train de gueuler. Mec, c’était sa faute.
Piotr Polak du Finest Beef Shop (Gand)
Voir via la page Instagram de Piotr
VICE : Salut Piotr, as-tu déjà reçu des demandes étranges ?
Piotr : Avant, il y avait quelques personnes extrêmes qui se faisaient faire des tatouages choquants. Maintenant, tout le monde veut aller de plus en plus loin dans l’extrême. Vous voyez des meufs de dix-huit ans qui veulent des tatous dans la nuque et sur les mains mais qui n’ont pas d’autres tatouages sur le reste du corps.
Avez-vous une politique dans la boutique ? Non, pas vraiment, mais j’ai déjà dû refuser des tatouages. Il y avait un client qui venait d’avoir dix-huit ans et qui voulait une araignée dans le cou comme premier tatouage. Je ne me sentais pas super à l’aise avec ça et du coup je ne l’ai pas fait. Il y avait aussi un type à une convention qui voulait une ligne sur son visage. Vraiment une ligne à travers son visage, sur son nez. J’ai aussi refusé.
Que penses-tu des gens qui recherchent cet extrême ? Je déteste ça, surtout ceux qui se plaignent sur les réseaux sociaux qu’ils sont regardés de travers par tout le monde après s’être fait tatouer les mains et le visage. Je me demande vraiment ce à quoi ils s’attendaient. Vous savez quand même bien que cette grand-mère dans le bus ne pourra pas vous lâcher des yeux, non ? Certaines personnes ne comprennent pas comment fonctionne le monde. Je suis toujours d’avis que chacun fait ce qu’il veut avec son corps, mais bon …
Vincent Dreze du Psychodermo Tattoo Shop (Namur)
Via la page Instagram de Vincent
VICE : Hello Vincent, est-ce que tu refuses certains tatouages?
Vincent : Je refuse direct toutes les personnes qui proposent quelque chose qui a déjà été fait. Je peux faire une exception lorsqu’il s’agit, par exemple, d’une mère et de sa fille ou d’un père et de son fils qui demandent quelque chose qui fait sens. Et si un dessin ne me plaît pas esthétiquement ou que vous demandez un symbole religieux ou fasciste, vous volez dehors.
Que penses-tu des tatouages sur le visage ? Je trouve que se faire tatouer quelque chose de très prononcé sur le visage, c’est s’obliger à l’avoir constamment en vue. Aujourd’hui, les gens le prennent trop à la légère. Aussi, d’après moi certains tatoueurs travaillent un peu trop inconsciemment. Ils manquent parfois de déontologie. Se tatouer le visage, c’est en fait une vieille coutume tribale, il y a toute une signification derrière. Ce n’est donc pas naturel d’en voir partout sur Internet et sur les musiciens actuels.
Denis Larminier de Little Tear Tattoo (Liège)
Image via la page Instagram de Little Tear Tattoo
VICE : Salut Denis, refuses-tu parfois certains tatouages ?
Denis : Oui, plus d’une fois. D’un point de vue déontologique, je ne suis pas enclin à tatouer les mains ou le visage. Si vous en avez déjà plein et que vous y réfléchissez depuis longtemps, là je peux en tenir en compte. Je l’ai donc déjà fait, mais chaque fois, le client a fait preuve d’une grande introspection. C’est une décision qui va inévitablement changer votre vie. Vous devez vraiment être sûr de vous.
Aujourd’hui, il y a beaucoup de tattoo shops où les gens peuvent aller, non ? Il y existe effectivement beaucoup d’autodidactes qui mettent beaucoup de temps à le faire et qui ont encore des défauts techniques. Après, je ne suis pas le seul sur cette terre et chacun est libre de choisir chez qui il va. Si vous trouvez que le prix est un facteur important, demandez-vous plutôt si vous préféreriez conduire une Lada ou une Mercedes. Surtout quand c’est une voiture que vous allez garder toute votre vie.
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