Au lendemain d’une journée d’affrontements entre police et manifestants, qui auraient fait au moins six morts d’après un bilan donné ce lundi par la Croix-Rouge du Burundi, la police antiémeute a dispersé ce lundi les manifestants qui voulaient répondre à l’appel de l’opposition à Bujumbura, capitale du pays. Le pouvoir, qui a interdit les manifestations contre le chef de l’État, a maintenu la pression sur l’opposition et étendu les moyens employés. Dans la même journée, le défenseur des droits de l’homme Pierre-Claver Mbonimpa a été arrêté, et la RPA, la principale radio indépendante du pays, accusée de pousser la population « au soulèvement », a reçu l’ordre d’arrêter d’émettre. Un mandat d’arrêt a été déposé contre l’opposant Vital Nshimirimana, qui a appelé à poursuivre les manifestations, qui sont violemment réprimées par la police.
L’armée fait tampon entre la police et les manifestants
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Ce lundi matin, les forces de la police antiémeute se sont opposées à près d’un millier de jeunes manifestants venus d’un quartier du nord de la capitale, Cibitoke, où les affrontements de dimanche ont été les plus intenses. Pour empêcher ces jeunes manifestants de se rendre dans le centre-ville pour protester contre la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, la police a utilisé des gaz lacrymogènes, et les a traqués dans des ruelles. Les manifestants tenaient des branches d’arbres dans leurs mains pour montrer qu’ils voulaient défiler pacifiquement.
En milieu d’après-midi, de nouveaux affrontements violents entre la police et des manifestants d’un autre quartier de Bujumbura, Musaga, avaient lieu. L’envoyée spéciale de RFI rapporte des « tirs de sommation à balles réelles » de la part de la police face à des manifestants qui les narguent en montrant leurs fesses. Depuis que le président Pierre Nkurunziza a été investi par son parti samedi dernier, comme candidat à la présidentielle du 26 juin 2015, la police antiémeute a été déployée dans la ville. Ce lundi, l’armée était également présente dans les rues de Bujumbura, et plusieurs témoins et journalistes rapportent qu’elle n’a pas participé aux actions antiémeute de la police, et que dans certains cas, elle a même protégé les manifestants.
Contacté ce lundi par VICE News, le porte-parole de l’armée burundaise, le colonel Gaspard Baratuza explique que l’armée, qui est intervenue pour empêcher qu’il y ait des pillages, se veut neutre. « L’armée poursuit sa mission de protection de la population, nous sommes là pour protéger les manifestants, pour qu’ils ne soient pas victimes des conséquences des manifestations, » explique le porte-parole, qui ajoute que la décision d’interdire les manifestations était politique, et que les militaires, sont des « techniciens ».
Thierry Vircoulon, chercheur pour l’organisation International Crisis Group (ICG) explique à VICE News que l’armée est partagée au sujet de son rôle en cas de manifestation violente, une partie de l’armée pense que la neutralité politique signifie suivre les ordres du pouvoir, tandis qu’une autre partie pense que « l’armée ne doit pas se mêler des luttes politiques ». « Les officiers de l’armée burundaise sont partagés entre ces deux interprétations et il n’est donc pas surprenant qu’une partie de l’armée s’oppose à la répression, » conclut le chercheur.
La menace des Imbonerakure
Ce lundi, un habitant du quartier de Cibitoke s’est dit soulagé de voir l’armée se déployer dans les rues, « car la police se mélange avec les jeunes du parti au pouvoir », a-t-il confié à l’AFP. Cet habitant parle des Imbonerakure, les membres de la ligue de la jeunesse du parti au pouvoir, qui sont accusés de meurtres, et qui terrorisent une partie de la population.
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Selon plusieurs sources, des journalistes et un opposant, des jeunes du parti présidentiel, armés, auraient fait des descentes dans le quartier de Cibitoke, dans la nuit de dimanche à lundi, blessant plusieurs personnes par balles et à coups de machettes. Nous n’avons pas pu vérifier ces informations de manière indépendante. Confrontées à une violence de plus en plus importante, 15 000 personnes se sont réfugiées au Rwanda voisin, d’après le dernier bilan du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés.
L’opposition verrouillée
Ce lundi, le défenseur des droits de l’homme Pierre-Claver Mbonimpa, qui faisait partie d’une coalition « Halte à un troisième mandat », a été arrêté à la Maison de la presse, à Bujumbura, sans doute parce qu’il avait appelé à manifester, explique son avocat à l’AFP.
La principale radio indépendante du pays, la RPA, qui couvrait en direct les manifestations a reçu l’ordre des autorités d’arrêter d’émettre ce lundi en milieu de journée. « La radio vient de fermer sur décision des autorités. Il va falloir une nouvelle demande [d’autorisation] pour la réouverture, » a déclaré à l’antenne Gilbert Niyonkuru, le directeur des programmes de la station de radio. Dimanche, des radios avaient déjà cessé d’émettre sur ordre du gouvernement.
L’opposition et une partie de la société civile jugent qu’un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza est inconstitutionnel et qu’il briserait les accords de paix d’Arusha, signés sous l’égide de la communauté internationale, qui avaient permis de mettre fin à la longue guerre civile burundaise, qui prit fin en 2006, au bout de 13 ans.
Les États-Unis ont réagi à l’annonce de l’investiture de Pierre Nkurunziza par la voix de sa porte-parole en déclarant « Nous regrettons cette importante occasion manquée, » et la France a exigé ce lundi après-midi « des élections transparentes et pacifiques »
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Image via Wikimedia Commons / Eric Miller