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Djadja & Dinaz font leurs affaires

Djadja & Dinaz ont 1h30 de retard. Venu directement de la Pierre-Collinet, célèbre cité de Meaux, le jeune duo de rap est pris dans les embouteillages parisiens. En survet, mains dans les poches, la banane, les gars déboulent accompagnés de leurs deux managers d’un ou deux ans leur ainés, eux aussi tout droit venus de la Pierre Collinet. Un de leur gars décide d’assister à l’interview. Nouvelle vague du rap, armes lourdes, perquisitions, cité chaude : Djadja & Dinaz ont parlé librement. Seul détail important mentionné par un de leur manager : « Tu dis pas leur age. On veut pas laisser penser qu’on fait du rap de petit, tu vois ? »

Noisey : Vous vivez à la Pierre-Collinet, réputé pour être un coin très chaud. Ca inspire forcément votre rap qui parle beaucoup de drogues, d’armes et de flics…
Djadja & Dinaz : C’est pas pour tout le monde comme ça dans les cités. T’as pas que de la drogue et des armes ou des réglements de compte. Il y a des gens qui travaillent, d’autres plus jeunes qui charbonnent pour devenir médecins… Mais d’autres peuvent finir mal comme tu sais. Et effectivement, c’est davantage dans nos cités que t’auras des faits d’armes, de drogues et de réglements de compte. C’est plus récurrent.

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Du coup votre premier gros souvenir de rap parle de ça j’imagine ?
Ouais c’était « Pour ceux » de Mafia K’1 Fry. Il était nerveux ce son. Les paroles, c’étaient de la frappe. Si t’habites une cité, t’es obligé de comprendre et de ressentir ce son.

La Pierre-Collinet représente quoi pour vous ? Vous y avez vécu des choses dures ?
[Ils hésitent, gênés] Ouais, on va pas tout te dire mais des moralités et des bons coups durs y’en a eu. Comme tout le monde, mais on n’a pas fait la guerre. Puis en bas de chez nous ça tire pas tout le temps. On y habite toujours. On y habite tous les deux. On y a frappé des étés là-bas, dans notre cité.

Vous êtes sa voix ?
Franchement oui. Au fond, tout les gars du quartier se ressentent dans nos sons. On soulève cette cité. Pierre-Collinet était connu pour être un quartier dur, et il n’y avait pas de rappeurs avant nous. Donc c’est de la frappe.

Quand tu dis dans « On s’est fait seul » : « L’argent propre m’appelle, je lui raccroche à sa gueule », c’est une phrase qui illustre beaucoup de jeunes à la Pierre-Collinet ?
Le rap c’est une chance, après on comptait pas percer dans le rap. Cette phase est sortie comme ça et traduit le fait que là, tout de suite, on n’a pas envie de taffer, on n’en a pas la motivation. Après c’est bien de taffer, mais se casser le dos pour que dalle, tu comprends… Peut-être qu’un jour on réalisera et j’écrirais : « L’argent propre m’appelle et j’ai décroché ».

C’est difficile pour un rappeur de votre milieu de parler d’autre chose que ces thèmes là ?
Chacun son style, selon ce que tu as vécu. Nos sons ne parlent pas seulement de ce qu’on a vécu mais de ce que les gens aussi autour de nous ont vécu aussi. Les gens qu’on connaît, les choses qu’on a vues…

C’est quoi l’identité de Djadja & Dinaz ?
Djadja : C’est la mélodie.

Dinaz : C’est la solidarité, la force, le collectif, les sauces. On est ensemble, ça bouge pas, on se promet, on est dur. C’est tout un quartier qui est derrière nous. Une grande famille qui met la pression.

Le vocodeur a toujours été omniprésent dans votre rap ?
On l’a utilisé dès le premier son. Mais on l’utilisait pas entièrement, on faisait des petites mesures seulement. Après on a capté que c’était dans l’air du temps et qu’il fallait maintenant qu’on s’en serve tout le temps. Les gens ont envie d’une mélodie vocodée. C’est comme ça. On s’est dit la première fois que nous aussi on pourrait essayer. On a demandé à notre ingé son de balancer du vocodeur et on a trouvé ça cool. Le rap français suit beaucoup les States en vrai.

Qui est ce qui l’utilise le mieux selon vous ?
J’ai envie de te dire nous. [Rires] Après chacun l’utilise à sa manière mais nous on se sent bien avec. Si t’as une voix grave, ça va ressortir différemment que si t’as une voix plus aigue. C’est limite de la chimie le délire. On est dans la nouvelle vague du rap français, celle qui marche le mieux. Chacun doit manger son pain. Il y a des caps en rap. Il y a eu le cap du « trap ». Après, suffit juste de faire son trou sans se soucier ce que font les autres.

Il faut une belle voix à la base ?
Ca aide, mais si un mec a une vieille voix ça va ressortir différemment. Mais je pense que le vocodeur faut le jouer. Dans le sens où faut se définir avant d’entrer dans le studio comme un chanteur. Un chanteur classique sans vocodage. Nous on chante comme si on n’avait pas ce filtre avec nous. Après on écoute le résultat et on valide ou pas. Le vocodeur c’est un détail en plus. C’est ta voix avec un +1.

Vous êtes d’origine algérienne et tunisienne. C’est comment le rap au Maghreb ?
Il y a des rappeurs, mais c’est pas super développé en vrai. Après le bled c’est la force. Quand t’as le Maghreb derrière toi mec… C’est le public. Bon, t’as la génération Faudel, mais tout ça c’est passé quoi…

Vous alternez les trucs hardcore et des sons plus doux comme « Maman ne dort pas ». L’un n’empêche pas l’autre ?
On fait les deux, on fait de tout, pas que pour la street. Mais même dans une cité, l’amour pour la mère ne change pas, même si à côté tu fais des trucs pas clean. C’est d’ailleurs pour ça que le thème de la daronne revient souvent chez nous les rappeurs.

Dans le clip « Laisse nous faire notre biff », on vous voit tirer avec des armes lourdes et aussi faire tirer des gosses… La police s’est intéressée à vous suite à ça.
Ouais, des petites broutilles. C’était un mal pour un bien. On peut pas regretter. C’est un clip du quartier et ca représente bien ce qu’est notre quartier. Tu vois quand on l’a fait, on savait vraiment pas que ça allait faire autant de bruit. On croyait que ce clip allait à peine sortir de notre quartier. Quand on a lâché la pépite sur YouTube, on ne pensait pas à ça.

Des fusils à pompe, ce n’est pas anondin…
[Rires jaunes] Les flics nous ont perquis’ et trois potes à nous. Mais ils n’ont rien trouvé. Les flics, à Pierre-Collinet ne restent jamais très longtemps. Comme dans toutes les autres cités, ils ne sont pas les bienvenus.

Plein de jeunes s’identifient à vous. Vous ne vous dites pas que vous allez trop loin parfois ?
Ca, malheureusement, on se le dit après la sortie du son. On se dit parfois qu’on est allés un peu loin et que les petits du quartier vont faire des conneries. Sur le coup, c’est comme quand tu fais une bourde, tu te rends compte seulement à la fin de ta galère. C’est un peu pour ça qu’on lâche des sons comme « Maman ne dort pas ». [Rires]