Comment Hochelaga habite Dopethrone

Aveuglé par la fumée et dégorgé au whiskey, Dopethrone rugit de son Hochelaga natif pour réclamer son dû. Depuis 2008, le trio frappe fort et lourd avec un stoner-sludge qui a tôt fait de séduire la sphère métal et ses déclinaisons aux quatre coins du globe. Mais dans ce qui tient d’une désolante tradition à ce stade-ci, comme plusieurs de ses prédécesseurs (Voivod, Gorguts, etc.), le groupe jouit d’un succès proportionnellement confidentiel à la maison. Rencontre avec Vince et Vyk, à la base de la fougueuse décharge amplifiée.

Exode outremer

C’est chez Vince, chanteur, guitariste, parolier et principal compositeur du groupe que le rendez-vous est fixé. « T’sais la maison dans House of 1000 Corpses de Rob Zombie… ben, ça un peu l’air de ça, ici », m’avertit-il. Ajoutons d’ailleurs que l’homme concocte de façon ponctuelle des hordes de dumplings maison, qu’il distribue de chez lui dans une initiative judicieusement baptisée « House of 1000 Dumplings ». De la suite dans les idées, il va sans dire.

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De 2008 à 2012, Dopethrone s’évertue dans le circuit DIY de Montréal et ses environs, jouant dans les quelques salles qui se « risquent » au genre. Puis, surgit une invitation inattendue au Roadburn Festival, aux Pays-Bas. « Au début, on pensait que c’était un prank, se rappelle Vik. On jouait dans les squats, on s’est dit : “Comment ils ont mis la main sur nous autres?!” » Vince explique : « C’est Voivod [invité à titre de curateur de la programmation cette année-là] qui a soumis notre nom aux organisateurs. »

Et le choc de la grande scène? « On a mangé une esti d’claque. Moi, j’ai presque fait un nervous breakdown… En plus le airline a perdu ma guitare baryton […] et jusqu’à dix minutes avant le show, j’étais dans la loge, à boire du Jack et me dire que la vie, c’est d’la marde. Les gars de Huata, avec qui on partageait la loge, m’ont vu, et le guitariste qui avait une baryton m’a prêté la sienne. » À quelques minutes d’entrer en scène, Vince accorde l’instrument et pose son straplock. The rest is history.

Hochelaga mon amour

Au moment de notre rencontre, Vince et Vyk arrivent tout juste de leur dernière fugue de 46 concerts dans 21 pays. Le quartier Hochelaga – par ailleurs le titre dudernier long-jeu en liste, paru en 2015 –, semble être une grande constante : « Ça fait 15 ans que j’y habite, me dit Vince. Avant c’étaient des batailles de putes à coups de talons et des piaules de crack […]. C’était dangereux de s’y promener le soir. Aujourd’hui, tu peux y manger autre chose que des burgers et des pogos. Et Dopethrone a commencé ici, le jam space est à côté de la cuisine dans l’appart. »

Lorsque Dopethrone débarque à l’étranger et enfonce bien creux son Hochelag’ dans la gorge du public, comme ça réagit? « Ils capotent, ils pensent qu’on est des sauvages », rigole Vince. Vyk renchérit : « Ils pensent qu’on chasse le caribou entre deux shows! »

DIY jusqu’aux os

« On ne joue pas pour le public, on joue avec le public », tranche Vince. Suffit de visionner quelques extraits du groupe en concert – en quantité industrielle sur YouTube – pour le comprendre. « On ne chill pas backstage, pour ensuite faire un show et retourner backstage… On fait le party avec le monde, c’est pour ça que je dis qu’on fait du sludge-punk : on a beaucoup l’attitude punk, l’attitude fuck you. »

Et le côté « sombre » de la proposition? « Les affaires négatives sont souvent une bonne muse », dit Vyk. Vince n’y voit pas tant un côté sombre qu’honnête : « Pour moi, ce n’est pas nécessairement négatif. C’est un exutoire : quand c’est trop joyeux, j’ai surtout l’impression que c’est hypocrite. »

Décidément, la lucidité prend ici des allures de bête qui hurle.

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