Il faut se rendre à l'évidence. La plupart d'entre vous n'êtes pas spéciaux, n'avez aucun talent particulier. C'est comme ça : vous n'êtes pas des gens dont l'Histoire se souviendra. Si vous n'étiez pas là, ça ne changerait rien. Ce n'est pas de votre faute, du tout, c'est juste que votre patrimoine génétique allié à votre patrimoine social l'ont décidé à votre place. La qualité médiocre de votre vie n'est qu'un concours de circonstances dont les conséquences, malheureusement, vous tombent intégralement dessus. Comme nombre de gens sur Terre, vous êtes nul en tout.

On trouve des dizaines d'appels à l'aide ici et là sur Internet, où de jeunes Français ne comprennent pas pourquoi ils sont globalement bons à rien. « Je pratique les sports de combat, et je ne suis même pas bon là non plus », nous déclare, terrifié, l'utilisateur okay58 sur le site Jeuxvideo.com. Que lui répondre ? Que tout le monde a le droit de vivre sans forcément inventer un système antigravité ? Car oui, c'est le cas.

Pourtant, il est clair que ne rien savoir faire dans une société qui vient tôt ou tard frapper à votre porte peut finir par poser un problème. Être incompétent dans tous les domaines revient à ne servir à rien aux yeux d'une société moderne ultra-connectée, où la paresse est réservée aux dealers mexicains et où chacun se doit d'être producteur de contenus. Dès lors, comment trouver votre place dans la société lorsque vous ne pouvez – a priori – rien ne lui apporter ?

Encore une fois, ce n'est pas de votre faute. C'est la société qui veut ça, et vous n'y pouvez rien, si ce n'est écrire à ce sujet un billet de blog sur Medium. Jetez par exemple un œil aux nouvelles admissions post-bac . Au lieu d'avoir un système qui s'adapte aux individus, nous avons créé un système auquel les individus doivent s'adapter. Ce qui est relativement terrifiant et stupide à la fois.

Car, que demande-t-on aujourd'hui aux gens ? De choisir une spécialité le plus tôt possible et de s'y tenir jusqu'à la retraite où les pauvres bougres deviendront, à leur tour, un boulet pour l'économie. Notre société est régie socialement et économiquement par la loi de l'offre et de la demande. On ne vous demande pas d'avoir des idées, on vous demande de combler un trou. Cool. Mais que vous reste-t-il ensuite ? J'ai essayé d'y répondre.

Photo d'Ali Emonov, via Flickr.

En plus d'être facilement accessible, c'est aussi à peu près bien vu. Être un off the grid consiste à vivre en dehors du système et de ses infrastructures. C'est un rejet complet de la société. Les adeptes de cette façon de vivre ne se reconnaissent plus dans notre société moderne et préfèrent vivre par leur propre moyen au milieu de la nature, là où personne ne viendra leur demander de remplir un avis d'imposition. Concrètement, cela revient à vivre dans la forêt, à chier sur des feuilles et à chasser de pauvres écureuils qui jusque-là, étaient en paix. Le reste de la journée, vous ferez les poubelles des supermarchés qui chaque jour jettent des centaines de kilos de nourritures invendues. Le soir, vous chanterez autour d'un feu de camp tout votre désespoir lumineux, en attendant votre tour pour « faire l'amour » à Magalie, nouvellement arrivée sur le campement. Ensuite, vous vous endormirez dans votre hutte. Vous pourriez vivre en harmonie avec votre ignorance et votre incompétence.

S'il y a bien un métier que vous pouvez exercer sans aucune compétence particulière, autant talent et surtout aucune motivation, c'est contre toute attente celui de conseiller d'orientation. Vous aurez tous les avantages des profs – les vacances, principalement – sans les inconvénients – les cours à préparer et les copies à corriger rédigées par des ados abrutis –, mais quand même avec un salaire minable. Vous n'aurez globalement rien à faire de vos journées de septembre à avril. On vous demandera de créer des ateliers de groupe ou des projets pédagogiques que vous ne ferez jamais, car tout le monde s'en fout. À partir d'avril, tous les lycéens débarqueront dans votre bureau pour vous demander ce qu'ils peuvent faire de leur vie. Le seul outil à votre disposition sera – en plus de votre cerveau – un abécédaire des formations universitaires datant de 1992 avec les débouchés pour chacune d'entre elles. Alors que le lycéen attendra la lumière, il recevra comme réponse « Inscrivez-vous en Droit ».

La plupart des conseillers d'orientations sont d'anciens étudiants en psychologie qui, n'ayant pas eu le courage ou les capacités de devenir psychologue, se sont tournés vers l'unique métier restant à leur disposition. Finalement, un bon moyen de gagner un salaire et de ruiner la vie des jeunes en même temps.

Dans le futur, être nul en tout ne sera plus un problème. Vous pourrez tout faire sans bouger ni même produire le moindre effort. Dans un article publié sur Venture Beat, Dan Clay – un type dont le boulot est de prédire le futur – explique avoir fait le choix de vivre pendant un mois « comme en 2030 ». Il n'a donc utilisé que des services connectés qui pouvaient lui faciliter la vie pour tout ce qu'il avait à faire. En 2030, la vie sera formidable pour les bons à rien. Déjà, vous pourrez vous faire du pognon en promenant les chiens des autres grâce à des trucs comme Wag!, vous pourrez vous déplacer uniquement avec Uber et annuler la commande si elle dépasse les trois minutes – car la patience sera payante –, et demander à des inconnus de faire ce que vous ne voulez pas faire vous-même grâce à TaskRabbit. Enfin, vous pourrez anéantir votre productivité grâce à tous les réseaux sociaux où être à chier n'est pas si grave tant qu'on reçoit quelques likes.

En 2030, vous pourriez être débarrassé de toutes les corvées qui rendent nos journées exaspérantes. Si vous pensez donc que cette époque est faite pour vous, il ne vous manque plus que 162 000 dollars pour faire congeler votre corps.

Photo de l'utilisatrice Kara, via Flickr.

Si vous n'êtes pas capable de faire quoi que ce soit dans le monde réel et trop pauvre pour aller dans le futur, il vous reste une porte de sortie : enfiler un casque de réalité virtuelle et dédier votre vie à des expériences incroyables, mais irréelles. Le but est simple, et pas prétentieux : vivre à la manière de Dieu, en modelant de vos mains un monde à votre image. Vous pourriez faire ce que bon vous semble, comme partouzer, devenir un champion de tennis de table ou encore être dans la peau de Norman fait des vidéos . Votre cerveau pourrait même à terme se croire réellement dans la réalité, oubliant toutes les souffrances que vous subissiez dans la société. Certains le font déjà.

Le problème, c'est que ce mec nommé Elon Musk pense que nous vivons déjà dans un monde virtuel crée par une intelligence supérieure. Donc là, ça se complique un peu pour vous. Désolé. Vous seriez donc dans un monde virtuel créé sur la base de notre monde, virtuel lui aussi. Si c'est le cas, c'est bon signe. Non seulement cela veut dire que tout ce qui vous entoure est irréel – donc que votre incompétence est elle aussi irréelle – et surtout que vous pouvez faire ce que vous voulez puisque ça n'entraînera des conséquences seulement dans le monde irréel, comme, par exemple, vous jeter d'un toit.

J'exagère un peu. Ce métier nécessite quand même d'être bon quelque part : être un bon enfoiré. Mais le point positif est que ça s'apprend très vite. Un tel métier ne nécessite pas de compétences particulières, si ce n'est de vous débarrasser de toute humanité. Votre journée se partagera en deux temps : gueuler sur des ménagères, puis mettre une pression éthiquement discutable sur les travailleurs de votre équipe, dont le titre de séjour arrive bientôt à expiration.

Si votre place n'est pas ici, peut-être que d'autres viendront un jour vous chercher, comme ces plusieurs centaines de Français en proie au sarcasme de leurs collègues et amis depuis qu'ils font l'étalage de leur expérience avec des êtres venus d'une autre planète. Il est donc possible que votre vérité soit ailleurs, parmi le ciel étoilé, avec les humanoïdes qui vous ont un jour malaxé le crâne avant d'y faire pénétrer de longues litanies de mots obscènes par télépathie. La productivité, le respect des autres ou encore la ponctualité étant seulement des faits et non pas des valeurs pour toutes ces créatures stellaires, gageons qu'elles, sauront vous comprendre.

Vous pensez que prendre trois clochards en photo en train de se masturber, raconter votre pénible soirée étudiante à Créteil ou faire un article très drôle sur « ce mec qui ne veut jamais sortir de chez lui » fera de vous le nouveau média à destination des jeunes. Vous avez absolument raison. Sauf que vous avez oublié un point : merde c'est vrai, vous n'avez aucun talent.

Confronté à ce coup du sort, vous réalisez que vous ne savez pas écrire et que – quand bien même ce serait le cas –, vos idées sont nulles. Vous cherchez au fond de votre tête, malheureusement vous constatez que d'autres ont eu la même idée, qu'une forme de concurrence existe déjà, alors au lieu de rentrer dans la bataille, vous préférez choisir votre camp. Vous postulez chez Jooks et Je T'encule Thérèse, qui finalement refusent tous deux votre candidature parce que « vous n'avez pas le profil, vous n'êtes pas assez de droite ».

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