Culture

Edgar Wright nous parle de « Baby Driver » et de sa vision de la course-poursuite parfaite

Cet article a été initialement publié sur VICE Australie.

Certains cinéastes filment des scènes de courses-poursuites avec une violence viscérale. D’autres traitent les voitures comme des mythes, les filmant telles des danseuses de ballet. J’essaie encore de déterminer comment, dans Baby Driver, le réalisateur Edgar Wright parvient d’une manière ou d’une autre à faire les deux.

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Vous connaissez sans doute Wright pour sa trilogie Blood and Ice Cream, à savoir Shaun of the Dead, Hot Fuzz et Le Dernier Pub avant la fin du monde. Après cette série de classiques impérissables, Baby Driver raconte l’histoire d’un jeune conducteur en fuite, contraint d’exercer des activités criminelles en raison de ses compétences naturelles au volant. Comme tous les films de Wright, celui-ci est énergique, imaginatif et extrêmement drôle.

Dès la scène de course-poursuite qui ouvre le film, vos pieds s’enfoncent dans le plancher du cinéma à mesure que le héros du film, Baby (Ansel Elgort), exécute des cascades des plus excitantes afin d’échapper aux autorités. Chaque manœuvre est d’autant plus captivante qu’elle est réelle. Il s’agit de vraies personnes conduisant de vraies voitures – aucune image de synthèse n’est en vue.

Il est impossible de diriger une scène de course-poursuite comme celle-ci sans aimer véritablement les voitures, d’où la première question que je pose à Wright :

VICE : D’où vient votre amour des voitures ?
Edgar Wright : Je pense qu’il vient du cinéma. J’aimais les films de courses-poursuites en voiture avant même d’en conduire une. Je n’ai eu mon permis qu’à l’âge de 17 ans, mais j’étais déjà amoureux de Bullitt, French Connection, Les Blues Brothers et Driver.

Le cinéma de chaque pays a sa propre vision de la culture automobile. Avez-vous remarqué des différences entre, par exemple, les films australiens, britanniques et américains, notamment dans la façon dont sont représentées les voitures et les courses-poursuites en voiture ?
Je suis Britannique, et l’Australie étant un peu plus sauvage, je suppose que la conduite et les trajets en voiture requièrent un peu plus d’esprit pionnier, aventurier.

En effet. Nos trajets en voiture ont un côté « essayons de ne pas percuter un kangourou car cela risque de nous tuer ».
C’est noté.

En comparant les films de James Bond et ceux de Mad Max, on se rend compte que les uns parlent de vitesse, les autres de grosses voitures utilisées comme des instruments destructeurs. Dans Mad Max, mais aussi dans Les Voitures qui ont mangé Paris.
Il s’agit également d’adapter sa voiture, de la faire sienne – c’est une idée fondamentale dans Les Voitures qui ont mangé Paris et dans la série Mad Max. C’est en quelque sorte – je ne sais pas comment décrire cela autrement – Pimp My ride, mais 35 ans avant ! C’est intéressant. James Bond est beaucoup plus axé sur les voitures classeuses – il conduit les voitures les plus demandées. On ne le voit jamais vraiment conduire une voiture de tous les jours, à l’exception de la course-poursuite en Citroën 2CV dans Rien que pour vos yeux. Le plus souvent, il conduit des voitures haut de gamme, tandis que Mad Max et Les Voitures qui ont mangé Paris mettent en scène des « muscle cars ».

Ansel Elgort dans le rôle de Baby

Vous avez récemment déclaré être prêt à réaliser un James Bond. Christopher Nolan et Quentin Tarantino aimeraient le faire également, mais seulement s’ils peuvent donner un nouveau départ à la série. Souhaiteriez-vous faire de même, ou seriez-vous heureux de diriger Daniel Craig ?
Eh bien, je ne sais pas. Le fait est que la franchise appartient [aux producteurs] Broccoli et Wilson, donc la décision leur revient. Je pense qu’aucun scénariste n’aurait le courage d’entrer et dire : « Voilà ce que nous allons faire, nous allons repartir de zéro. » Ces mecs sont à la tête de cette franchise depuis 50 ans et ont une idée de la façon dont cela fonctionne. De toute façon, je suis fan de cette franchise. De toute évidence, certains films sont meilleurs que d’autres, mais il y en a plusieurs que je pourrais citer comme étant mes favoris. Daniel Craig est un bon Bond, l’un des meilleurs selon moi. Donc, je n’ai rien contre son retour, j’aimerais le voir en faire un autre.

Vous avez récemment publié une liste de vos 1 000 films préférés de tous les temps. C’est une excellente liste, et si nous avions une heure, je pourrais ne parler que de ça…
Quels ont été les choix les plus surprenants selon vous ?

J’ai trouvé qu’il y avait très peu de surprises en général, mais quelques-uns se sont démarqués, comme Les Copains d’abord, qui aujourd’hui semble être rejeté par toute une génération de critiques cinématographiques.
J’ai pourtant l’impression que Les Copains d’abord est assez apprécié. Peut-être parce qu’il est daté ? Il faut que les gens arrêtent d’être aussi snobs. Quand ils établissent leur liste de films, ils feraient mieux de choisir ce qu’ils aiment et non ce que les médias désirent. Le plus souvent, quand des réalisateurs rédigent leur top 10, ils se demandent : Qu’est-ce qui me fera paraître intelligent ?

J’ai mis Willow de Ron Howard sur ma propre liste…
Le fait est que j’ai dû changer de liste plusieurs fois. J’en ai fait une pour Empire et une pour Sight & Sound, et sur celle de Sight & Sound, je me suis dit qu’il fallait que je mette des classiques plus reconnus, alors j’en ai littéralement mis cinq comme ça et cinq que j’aimais vraiment. Finalement, je me suis dit : « Eh puis merde, je vais mettre Le Loup-garou de Londres sur ma liste Sight & Sound, peu importe ce que les gens pensent. » C’est une chose très étrange que de demander cela à un cinéaste, parce qu’il est forcément subjectif.

Je pense que vous pouvez toujours demander à un critique : « Quel est le meilleur film de tous les temps ? » Mais lorsque j’écris une liste, il faut toujours qu’elle mentionne mes films préférés. Est-ce que je pense que Citizen Kane est l’un des meilleurs films de tous les temps ? Oui. Est-ce l’un de mes favoris ? Pas vraiment. Je le trouve incroyable, mais je n’éprouve pas le besoin de le regarder encore et encore. Il est brillant, certes, mais il ne figurera probablement jamais sur la liste de mes films préférés.

Vos références cinématographiques influencent-elles directement vos films ?
Disons que je m’inspire surtout de lieux : Shaun of the Dead se déroule dans le quartier où Simon Pegg et moi vivions à l’époque, dans le nord de Londres. Hot Fuzz se déroule là où j’ai grandi, il a été tourné dans ma ville natale. Le Dernier Pub avant la fin du monde est une sorte d’amalgame des expériences de Simon et des miennes. D’un autre côté, Scott Pilgrim a été tourné à Toronto, et pour que le tournage d’un film dans une autre ville soit amusant, il faut investir complètement cette ville. Il faut utiliser des endroits réels, utiliser tout ce qui fait de cette ville ce qu’elle est, et réaliser un film qui permet aux habitants de se dire : « Wow, le film capture vraiment ma ville. »

Baby Driver ne fait pas exception à la règle. Dès que j’ai su que nous allions à Atlanta – je l’avais écrit pour Los Angeles – j’ai fait tout mon possible pour qu’il ressemble à un film d’Atlanta et recréer autant d’emplacements, de noms de routes, de noms de restaurants et de marques locales réels. Beaucoup de choses dans le film, comme la marque de café et le restaurant qu’ils fréquentent, sont réelles. J’aime l’idée et le défi créatif que cela représente.

Baby Driver sort en salles aujourd’hui.

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