VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog «Migrants »
Deux campements de fortune de migrants installés à Paris ont été simultanément évacués par les forces de l’ordre, dans le calme, ce jeudi matin. Ils sont situés près de la gare d’Austerlitz (est de Paris) et devant la mairie du XVIIIe (nord de paris). Les deux évacuations ont concerné 801 personnes en tout, d’après les autorités.
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C’est à 6 heures du matin que cette opération d’évacuation a commencé. Les migrants étaient regroupés avant de prendre des bus les menant vers des centres d’hébergement. VICE News se trouvait ce jeudi matin au camp du quai d’Austerlitz, installé depuis plusieurs mois sous le pont Charles de Gaulle, et sous une boîte de nuit parisienne huppée. Plusieurs centaines de migrants, 400 personnes d’après les associations sur place, pour la plupart des Soudanais et des Érythréens, ont été évacués via une vingtaine de bus devant les conduire vers des centres d’hébergement à Paris et en banlieue proche.
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Un collectif de soutien aux migrants du quai d’Austerlitz était présent, et avait préparé l’évacuation depuis plusieurs mois. Au moins depuis juin, lorsque le camp de fortune des migrants de la Chapelle — considéré comme le plus grand de Paris à l’époque — avait été évacué.
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« Nous fournissons des explications aux personnes présentes ici depuis juin dernier, » explique à VICE News Valérie Thomas, membre du collectif de soutien depuis quatre mois. « Ils sont contents de partir, certains étaient là depuis 18 mois. Ils n’osaient presque plus espérer que l’évacuation ait effectivement lieu aujourd’hui, » nous explique-t-elle devant les bus.
Le collectif a négocié avec la ville de Paris pour obtenir le droit d’accompagner les migrants dans les bus qui partaient jeudi matin du quai d’Austerlitz. « Nous avons fait des assemblées générales avec [les migrants] sur le quai, et c’est eux qui nous ont demandé qu’on puisse les accompagner dans les bus, » nous explique Valérie Thomas. « Nous voulons voir où ils sont emmenés et ne pas perdre le contact avec eux. »
Également obtenu par le collectif : la prise en charge par les bénévoles de l’organisation pratique de l’évacuation. Ce sont eux qui font monter les migrants dans les bus. « La police doit être présente, car il s’agit d’un ordre d’évacuation, et nous avons expliqué aux personnes de ce camp que s’ils refusaient de partir les policiers pourraient les y obliger, » confie Valérie Thomas. « Mais nous voulions qu’ils interviennent le moins possible. » De fait, si le quartier est bloqué, la police n’est pas déployée en grand nombre. Plusieurs camionnettes de CRS attendent, mais loin du campement.
L’évacuation se passe dans le calme. Le seul problème qui se pose parfois est que certains groupes de migrants, qui ont tissé des liens ou sont arrivés ensemble, ne veulent pas se séparer. Alors qu’il ne reste que dix places dans l’un des derniers bus qui part près de la gare, un groupe d’une douzaine de migrants refuse de monter et souhaite attendre le prochain bus afin de pouvoir être tous emmenés dans le même centre d’hébergement. « Les mineurs sont partis tous ensemble par le premier bus, » ajoute Valérie Thomas.
Le directeur de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) Pascal Brice est venu voir les migrants tôt jeudi matin et a tenu un discours devant eux. Selon certains médias présents, les migrants auraient applaudi à la fin de son discours.
La préfecture a distribué un tract aux migrants du camp installés sous le pont, disponible en français, en anglais et en Arabe. « Il vous est proposé d’être accompagné(e) vers un centre d’hébergement confié à une association, » explique le papier. « Cet hébergement sera assuré le temps nécessaire à votre information, à l’évaluation de votre situation, (…) et à la réalisation de vos démarches si vous demandez l’asile. (…) Ce centre vous procurera un hébergement et 3 repas par jour, » poursuit le document.
Les médias étaient venus en très grand nombre, visiblement prévenus très tôt, ils ont pu largement s’installer. À quelques mètres du camp, l’homme politique français Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne et fondateur du parti Debout la République (droite), répondait par exemple aux questions d’un journaliste sur un plateau monté pour l’émission Complément d’enquête ,devant le camp en train d’être évacué. Il aurait quitté le tournage après avoir été pris à partie par des militants présents.
Au même moment, devant la mairie du XVIIIe arrondissement, l’évacuation d’un campement d’environ 150 personnes avait lieu dans des conditions similaires.
La veille, le 16 septembre, le Premier ministre français Manuel Valls a annoncé lors d’un débat à l’Assemblée nationale qu’il “n’hésiterait pas” à rétablir temporairement les contrôles aux frontières de la France, alors même que l’Allemagne a, depuis ce dimanche, déjà mis en place une mesure de ce genre.
Ce jeudi matin, le Parlement européen a voté à une très large majorité en faveur d’un plan présenté par la Commission européenne, qui prévoit de répartir 120 000 migrants actuellement présents en Italie, en Grèce et en Hongrie dans les autres pays de l’Union européenne.
Ce vote a été convoqué en urgence après que les ministres européens de l’Intérieur ont échoué à se mettre d’accord ce lundi sur un système de quotas. Ils doivent à nouveau se réunir le 22 septembre prochain, alors que ce vote du Parlement les enjoint à « entrer dans le temps de l’action » , selon les termes d’un communiqué de la Commission européenne publié ce jeudi.
À lire, notre reportage : Sous une boîte de nuit parisienne, un bidonville de migrants
Suivez Lucie Aubourg sur Twitter @LucieAbrg