VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog « Migrants ».
L’épave, qui a été tirée de l’eau, gît aujourd’hui parmi des yachts de luxe, dans un chantier naval, près de la station balnéaire turque de Bodrum.
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Soutenue par des accores en bois, la coque longue de 20 mètres présente des fissures profondes. À vue d’œil, l’embarcation n’est plus en état de naviguer depuis déjà longtemps. Après avoir transporté des touristes pendant 40 ans lors de croisières le long du littoral pittoresque, le bateau avait récemment été mis hors-service.
Il est alors tombé entre les mains d’un trafiquant, qui a décidé de lui donner une nouvelle vie. Un soir de septembre 2015, le trafiquant a fait monter 270 migrants à bord du navire — dont une majorité de Syriens. Parmi les voyageurs se trouvaient des enfants, des femmes enceintes, des personnes malades et des personnes âgées. Tous étaient suffisamment désespérés pour tenter la traversée de la mer Méditerranée depuis la Turquie vers l’île grecque de Kos — la dernière étape pour rejoindre le continent européen.
Le plus jeune passager était né quelques jours seulement avant le départ. Le plus âgé avait 70 ans.
Au moins 22 personnes ont perdu la vie lors de ce voyage, mortes noyées lorsque le bateau a coulé dans la mer Égée, après avoir été intercepté par les garde-côtes turcs.
Le nom du bateau — l’Ariciogullari — est peint en lettres bleues sur l’étrave. Pour son dernier voyage, le bateau transportait quatre fois plus de passagers que prévu par les mesures de sécurité. Le bateau était tellement surchargé que le nom du bateau était en partie submergé. Seuls la partie supérieure de la coque et les hublots grossièrement recouverts de bois dépassaient de l’eau.
Des gilets de sauvetage et des bouées gonflables jonchent encore le pont supérieur — c’était la seule partie du bateau qui émergeait encore lorsque le bateau a pris l’eau. Quelques passagers s’agrippaient les uns aux autres, en attendant les secours, d’autres s’étaient déjà jetés à l’eau pour quitter le navire qui était en train de sombrer.
Parmi les passagers de l’Ariciogullari, il y avait des Syriens d’ethnies et de confessions différentes: des Sunnites, des Chiites, des Chrétiens, des Arabes, des Kurdes et des Syriens d’origine arménienne. Se trouvait également sur le navire un petit nombre d’Irakiens, d’Afghans et d’Iraniens.
Divers chemins les ont menés à Bodrum. Certains sont venus en Turquie par les voies légales, d’autres non. Certains sont venus directement depuis leur pays d’origine, d’autres ont passé quelque temps au Liban ou dans d’autres villes de Turquie, qui abrite aujourd’hui plus de réfugiés syriens que n’importe quel autre pays au monde.
Tous voulaient faire partie du million de réfugiés qui ont traversé la mer Méditerranée en 2015 — un nombre sans précédent. Cet afflux est en partie dû au conflit en Syrie, qui a été décrit comme la pire catastrophe humanitaire de notre génération. L’insoluble crise syrienne a déjà fait plus de 250 000 morts, 4,6 millions de réfugiés, et 6,5 millions de déplacés internes.
De nombreux Syriens ont fui Alep, y compris Asya — une enseignante kurde — qui a quitté le pays avec son mari et ses deux enfants. [Les noms des survivants ont été changés pour leur sécurité]. Alep, au nord de la Syrie, a été ravagée par les combats violents. Les avions du régime, épaulés par les forces aériennes russes, bombardent aveuglément les zones tenues par l’opposition.
D’autres, comme Rima, ont fui vers le Sud, où les positions rebelles ont été touchées par les frappes et assiégées, et où les zones contrôlées par le gouvernement sont bombardées en représailles. Déterminée et le sourire aux lèvres malgré ce qu’elle a vécu, Rima nous explique qu’elle a voyagé jusqu’à Istanbul avec ses deux enfants aujourd’hui adolescents, Nizar et Asil. Plusieurs mois auparavant, elle a vendu sa maison à Darayya, une banlieue de Damas où la guerre a provoqué une importante chute de la valeur immobilière.
Jusqu’à récemment, la Turquie ne délivrait pas de permis de travail aux réfugiés. Pour joindre les deux bouts, Rima travaillait comme couturière et s’est retrouvée exploitée sur le marché au noir. « On travaillait pendant une journée, et le reste du mois, on restait chez nous », nous a-t-elle expliqué, tirant sur sa cigarette et sirotant un thé en terrasse à Bodrum. « Les clients ne nous payaient pas assez, ou parfois ne nous payaient pas du tout ».
La traversée de Bodrum à Kos est rapide : environ 25 kilomètres d’un port à l’autre. Les compagnies de bateau proposent des traversées pour 17 euros — mais à condition d’avoir un passeport ou un visa.
Comme la route est courte, elle est très prisée par les migrants, ce qui alimente un vaste et lucratif trafic. Les réseaux de passeurs — souvent dirigés par des criminels turcs avec le soutien d’intermédiaires syriens — s’enrichissent sur le dos des migrants, qui paient parfois jusqu’à 1 000 dollars pour une place dans un canot pneumatique surchargé, conduit par les passagers eux-mêmes. Les magasins de la région profitent également du commerce juteux des gilets de sauvetage, vendant parfois, des gilets de contrefaçon qui finissent empilés du côté grec. Ceux qui ne peuvent pas se permettre d’acheter un gilet de sauvetage doivent se contenter d’une bouée ou d’autres objets gonflables.
Même s’il est court, le voyage est souvent dangereux. Parmi les 3 771 personnes qui sont mortes ou ont été portées disparues lors de la traversée de la mer Méditerranée en 2015, des dizaines étaient parties de Bodrum. Des milliers de migrants ont été arrêtés par les garde-côtes turcs en route pour l’Europe.
L’été, la population de Bodrum s’accroît, multipliée par l’arrivée des touristes turcs et étrangers. Le jour, les vacanciers bronzent sur les plages, et la nuit, les musiques s’échappant des boîtes de nuit se mélangent à la musique populaire traditionnelle anatolienne dans les rues étroites de la ville qui descendent vers le port, rempli de yachts.
Mais quand revient septembre les touristes sont rares, s’attardant près des remparts du château, dans les derniers rayons de soleil de la saison. Les réfugiés sont presque invisibles, Ils se déplacent avec leurs maigres bagages à la main, ou ils s’assoient sur les bancs qui longent la mer, dans l’attente d’une opportunité de départ vers la Grèce.
Lorsqu’ils sont arrivés à Bodrum, les futurs passagers de l’Ariciogullari savaient qu’il leur faudrait trouver un passeur. Ils ont tous fini par rentrer en contact avec un homme appelé ici « MC », qui fait actuellement l’objet de poursuites judiciaires en Turquie. D’après les survivants, MC dirigeait une grosse opération de trafic depuis un hôtel situé dans les collines qui surplombent Bodrum.
Murs blancs, petite piscine, drapeaux turcs et lions en bronze à l’entrée — l’hôtel de MC a tout d’un établissement ordinaire. MC lui-même n’a pas l’air d’un criminel endurci : un homme d’âge moyen à la carrure plutôt imposante, il se distingue par un début de calvitie, des cheveux grisonnants et des lunettes de lecture sur une chaîne autour du cou.
Il parle un peu l’arabe, en plus de sa langue natale, et sa page Facebook révèle qu’il est amateur du jeu en ligne Okey. On y trouve également des photos de sa famille aux côtés de policiers turcs, ainsi qu’une photo dédiée aux « martyrs » de la force. MC a également affiché sur sa page des vers écrits par le poète nationaliste Arif Nihat Asya, avec en toile de fond le drapeau turc et un loup — symbolique souvent associée a un groupe de militants néo-fascistes turc.
Apparemment, MC n’était pas particulièrement discret au sujet de ses activités. Les candidats au voyage se rassemblaient souvent près de l’hôtel en attendant leur départ. D’après Maya, une femme syrienne qui a passé une semaine dans l’hôtel avant de rejoindre l’Europe à bord d’une des embarcations de MC, le passeur recevait souvent ses amis du commissariat de police.
VICE News n’a trouvé aucune preuve de la collaboration de la police dans l’affaire de l’Ariciogullari, mais selon le président grec Prokopis Pavlopoulos, les trafiquants turcs bénéficient souvent du “soutien” des autorités turques. Pavlopoulos a également affirmé que les garde-frontières ferment les yeux sur ces activités, et que les autorités grecques ont des preuves de cette collaboration.
Les internautes décrivent l’hôtel de MC comme un endroit chaleureux. Mais pour les migrants syriens, l’accueil que leur réservait MC n’avait rien de chaleureux… Maya raconte que l’hôtelier n’autorisait les migrants à porter que 2 kilos de bagages, les forçant à jeter le reste de leurs effets dans des sacs-poubelles noirs. MC aimait apparemment rappeler aux migrants qu’ils étaient « des réfugiés, pas des touristes ».
Maya se souvient également d’une famille qui avait quitté l’hôtel bouées à la main pour embarquer à bord d’un petit canot pneumatique. MC leur a interdit d’amener leurs effets personnels, et leur a également demandé de laisser leurs bouées derrière eux. Le mari a refusé, expliquant que sa femme ne savait pas nager. MC a pris un couteau et a crevé leurs bouées.
Nizar était déjà à l’hôtel depuis un mois lorsque Rima et sa soeur Asil sont arrivées à Bodrum. Il était arrivé avant elles pour tenter d’organiser leur traversée, et avait finalement accepté de travailler gratuitement pour MC en échange de leur traversée à tous les trois. Rima et Asil partiraient en premier, lui les rejoindrait plus tard.
Rima connaissait les dangers de la traversée, et comme beaucoup des autres passagers de l’Ariciogullari, voulait éviter à tout prix de voyager dans un canot pneumatique. Mais MC leur avait promis un bateau de croisière, promettant à certains qu’il n’y aurait que 30 passagers à bord du navire. À d’autres il a expliqué qu’il n’y aurait aucun problème au niveau des autorités parce qu’il avait graissé la patte aux garde-côtes. Toutes ces garanties leur ont coûté plus — environ 2 000 euros chacun.
« On voulait y aller en bateau, pas en [canot] pneumatique, parce que c’est plus sûr », se souvient Rima. « On pensait qu’alors, même si les garde-côtes nous rattrapaient, ils nous ramèneraient au port, le bateau ne coulerait pas ».
Ce n’était pas la première fois qu’MC avait utilisé l’Ariciogullari pour tenter — en vain — de faire traverser la mer à des migrants. Maya, qui était du voyage, nous a décrit un capitaine qui sentait l’alcool et qui s’est enfui à bord d’un canot pneumatique après une dispute. Deux jeunes employés de MC avaient été forcés de prendre le contrôle du bateau.
Le moteur s’est éteint juste au large de la côte, et c’est le mari de Maya — qui n’avait pas assez d’argent pour l’accompagner — qui a finalement réussi à convaincre MC d’envoyer ses hommes tirer le bateau vers un débarcadère dans les rochers.
Kim Clausen, qui fait partie des opérations de recherche et de sauvetage de Médecins Sans Frontières (MSF) en Grèce, a expliqué à VICE News que les trafiquants ont de plus en plus souvent recours aux gros bateaux comme l’Ariciogullari. « En gros, ce que l’on remarque aujourd’hui, c’est que la qualité des navires qui font la traversée est extrêmement variée », nous a-t-il dit. « Et certains d’entre eux sont en si mauvais état que nous sommes surpris qu’ils puissent encore flotter. »
Clausen nous a dit qu’il avait vu un bateau arriver en feu, et un autre dont le pont était si pourri qu’il s’était effondré sous le poids des passagers. Un autre gros bateau, nous explique-t-il, s’est complètement désintégré en quelques heures après avoir échoué.
Pour Asya, Rima, Asil et les autres, l’annonce de la traversée a été fait le 14 septembre. Il faisait beau, il y avait une brise légère, et la température ne dépassait pas les 20 degrés. C’était une nuit sans nuage qui survenait trois jours après le début de la nouvelle lune. Par conséquent, une fois la nuit tombée, le ciel était entièrement noir.
MC a dit aux passagers de se rendre à divers points de rassemblement à Bodrum, y compris devant son hôtel, où ils ont été récupérés par des camionnettes. Ahmed, un Irakien de Bagdad, et 30 à 35 autres personnes sont montées à bord d’une Volkswagen à peine assez grande pour accueillir dix passagers.
Asya a voyagé dans un autre véhicule, tout aussi bondé. « On était debout dans l’obscurité totale… La camionnette était bondée, on n’avait aucune idée d’où ils nous amenaient. Je pensais que ça allait être une répétition de l’histoire de la camionnette autrichienne », nous a-t-elle dit, en référence aux 71 migrants retrouvés morts asphyxiés à l’arrière d’un camion réfrigéré, non loin de la frontière allemande.
Après deux heures de routes le long de routes montagneuses, ils sont enfin arrivés au pied des montagnes. Les passagers ne savaient toujours pas où ils étaient. Les hommes qui les accompagnaient leur avaient interdit de parler, de fumer ou d’allumer leurs téléphones portables en attendant que les autres arrivent. Ils n’avaient même pas le droit de bouger.
Il y avait sept ou huit camionnettes en tout, transportant chacune environ 30 personnes — beaucoup plus que ce que leur avait promis MCX. « Il y avait trop de monde », se souvient Asya. « Dix fois plus de [personnes] que ce à quoi on s’attendait.”
Les trafiquants les ont menés dans des chemins pentus, étroits et rocheux. Ils ont marché environ trois heures, sacs en plastique et valises en main. Les conditions étaient difficiles, mais Ahmed était optimiste. « On a marché », se souvient-il, « en espérant que ce serait la dernière fois qu’on serait opprimés. »
Pour les enfants, les personnes âgées et les malades, le chemin était particulièrement difficile. Vers une heure du matin, le groupe a enfin atteint le bord de l’eau.
L’Ariciogullari est arrivé environ trois heures plus tard. Même dans le noir, les passagers se sont vite aperçus que MC leur avait menti — le bateau était visiblement en mauvais état. Rima se souvient de gens qui criaient et demandaient à rebrousser chemin. Mais personne ne savait comment rejoindre la route. « Même si on songeait à rebrousser chemin, c’était impossible depuis cette montagne, » nous dit-elle.
Au bout d’un moment, les passagers sont montés à bord. Ils ont d’abord rempli la cale, puis le pont supérieur, et enfin le pont d’observation, à ciel ouvert. Rima a fait en sorte de monter en dernier avec sa fille, pensant qu’elles seraient plus en sécurité en haut du bateau.
Là, elles ont attaché leur gilet de sauvetage et se sont agrippées l’une à l’autre. « On ne voyait rien. On ne voyait pas le visage de la personne à côté de nous — juste des ombres », dit-elle. Ils n’avaient pas vu grand-chose au cours des six dernières heures, depuis qu’ils étaient descendus des camionnettes.
Le bateau a quitté la rive vers 4h30, tellement surchargé que le moteur peinait à faire avancer le bateau.
* * *
La mer était calme, et l’Ariciogullari avançait doucement dans la pénombre. Les passagers, qui jusqu’à présent étaient apeurés, ont commencé à se détendre. Aucun n’avait allumé son téléphone, par crainte d’alerter les autorités. Mais MC leur avait dit que le voyage durerait deux heures et demie. Ils comptaient les minutes, pensant qu’ils se rapprochaient à chaque instant de la Grèce.
Au bout d’une heure, une lueur est apparue à l’horizon, et a commencé à avancer vers le bateau. Les passagers sur le pont supérieur se sont vite aperçus qu’il s’agissait d’un patrouilleur de la garde côtière turque — un petit bateau rapide nommé le SG-11 — avec un équipage de quatre personnes.
Le patrouilleur a rapidement rattrapé l’ancien bateau de plaisance, fixant sur lui ses projecteurs. Surpris par les garde-côtes, les passagers se sont allongés dans le bateau, dans l’espoir de ne pas se faire remarquer. Mais les garde-côtes ont ordonné à l’Ariciogullari de s’arrêter. Le conducteur du bateau a ignoré leur demande pendant environ cinq minutes, continuant à avancer, avant de couper le moteur.
Les passagers ont supplié les garde-côtes de les laisser continuer vers la Grèce. Les gardes, eux, ont dit au capitaine du bateau de se rendre. Mais l’homme qui avait été à la barre s’était déjà caché dans la foule, et peu de gens l’auraient reconnu à cause de l’obscurité.
Le bateau patrouilleur a commencé à tourner en rond autour du bateau des migrants, qui a commencé à tanguer dans les remous. Certains des survivants prétendent que le bateau des garde-côtes avait eu l’intention de faire vaciller l’Ariciogullari.
Rima a pris la barre un instant pour tenter de stabiliser le navire, qui tanguait d’un côté à l’autre. Inquiète que sa mère soit poursuivie pour avoir conduit le bateau, Asil a pris la barre elle-même. Mineure, elle ne risquerait rien aux yeux de la loi.
D’après les survivants, c’est à ce moment-là que l’un des garde-côtes a levé son fusil et a tiré en direction du navire. Ce qui est arrivé ensuite reste flou.
Les survivants interviewés par VICE News disent avoir entendu ou vu des tirs, mais il faisait encore noir, et la peur et la confusion qui régnaient à bord du bateau rendent le tableau quelque peu confus.
Pour certains, les garde-côtes ont délibérément tiré sur le navire en détresse pour le faire couler. D’autres ont vu les tirs comme un avertissement — les garde-côtes ayant peut-être pensé que le bateau tentait de s’échapper.
Ahmed se souvient de sept coups tirés dans l’eau et trois autres dans le fond du bateau. D’autres se souviennent de tirs en l’air, puis quatre en direction du bateau. D’autres encore disent que le garde-côte a tiré en direction du moteur. Lorsque VICE News a inspecté le bateau quelques jours après, il n’y avait pas d’impacts de balles visibles sur la coque.
Les passagers effrayés ont supplié les garde-côtes de les aider. Asil, qui parle couramment turc, semblait être la seule capable de se faire comprendre par les garde-côtes. « Je leur demandais de venir et de sauver les enfants », dit-elle. « Mais ils ne répondaient pas à mes questions, ils me demandaient juste d’attendre qu’un plus gros bateau de sauvetage arrive. »
Une demi-heure plus tard, ceux qui étaient dans la cale ont commencé à crier que le bateau prenait l’eau. Haidar, un jeune irakien qui avait été parmi les premiers à monter à bord, était en bas, entassé avec des dizaines d’autres, y compris des enfants.
Selon Haidar, l’eau a commencé à pénétrer dans le bateau après les tirs, mais l’inondation a été accélérée par le vacillement du navire. « Lorsqu’on avançait tout droit, ça allait », a-t-il dit à VICE News. « Mais quand on bougeait sur les côtés, l’eau entrait des deux côtés. »
Le bateau patrouilleur continuait à tourner. Les garde-côtes prenaient des photos du bateau des migrants et filmaient la scène. « Ils tournaient autour de nous, faisant entrer plus d’eau dans le bateau », nous a dit Asya. « Et ils nous regardaient sombrer petit à petit. »
Dans la cale, les passagers ont d’abord essayé d’écoper l’eau, mais les remous étaient trop puissants. L’eau a continué à monter autour de leurs jambes, et beaucoup ont cédé à la panique. Des cris résonnaient dans la nuit noire.
Les gens ont commencé à faire monter les enfants, les tenant dans leurs bras pour qu’ils soient visibles dans les projecteurs des garde-côtes. D’autres ont commencé à s’amasser sur le pont supérieur déjà bondé.
« Il y avait un état de panique incroyable, c’était comme un autre Titanic », explique Ahmed. « L’eau montait et il faisait nuit. » Asil a de nouveau crié aux garde-côtes, leur demandant en vain quoi faire.
Lorsqu’il est devenu évident que l’Ariciogullari était en train de sombrer, le bateau patrouilleur s’est rapproché du navire et a commencé à sauver les enfants. Des hommes et des femmes faisaient passer leurs enfants vers le bateau patrouilleur.
Certains hésitaient à remettre leurs enfants à ceux qui avaient tiré sur leur bateau. Asya a refusé de laisser monter ses enfants et a été autorisée à monter sur le bateau avec eux, laissant derrière elle son mari.
Les garde-côtes ont pris autant de passagers qu’ils pouvaient à bord du bateau patrouilleur. Tous les autres sont restés sur l’Ariciogullari.
L’eau est soudain entrée en trombe dans le bateau, inondant la cale avec une telle force que ceux qui portaient des gilets de sauvetage ont été projetés contre le plafond. Dans la panique générale, certains ont réussi à remonter vers le pont supérieur. D’autres se sont retrouvés coincés.
Ceux qui avaient voyagé dans la cuisine du bateau n’avaient aucune chance de s’en sortir, nous dit Haider. « Ils étaient tous […] coincés dans la cuisine parce qu’elle était remplie d’eau et qu’il n’y avait qu’une petite sortie. »
Son cousin Mohammed était un peu plus haut dans le bateau. « En deux secondes, l’eau m’est arrivée au torse, et j’ai tout juste réussi à sortir ma tête pour respirer », se souvient-il. « Les autres ont été projetés contre le plafond et je ne les ai plus entendus parler.”
L’Ariciogullari a continué à sombrer, se balançant d’un côté à l’autre dans la houle. Sur le pont supérieur, Rima disait à ceux qui étaient encore sur le bateau de se ranger d’un côté ou de l’autre pour tenter d’équilibrer le bateau. « J’essayais d’équilibrer le bateau en disant aux gens d’aller à droite ou à gauche, et de calmer les gens… Ils étaient tous confus, ils ne savaient pas quoi faire », explique-t-elle, ajoutant que les garde-côtes ne leur avaient donné aucune aide ni instructions, mis à part leur dire d’attendre l’arrivée d’un autre bateau.
Un autre navire est apparu un loin. Mais l’Ariciogullari était déjà à moitié submergé et certains passagers avaient commencé à sauter du bateau avant qu’il ne coule.
Comme l’aube pointait, Asya regardait la scène, horrifiée, depuis le petit bateau patrouilleur. « J’ai vu des hommes jeter leurs enfants loin du bateau qui coulait et sauter dans la mer après eux », se souvient-elle. « Et de mes propres yeux, je les ai vus mourir. »
Son mari a également sauté dans l’eau et a commencé à nager en direction du bateau patrouilleur. Pensant qu’il allait lui aussi se noyer, Asya est restée tétanisée, comme dans « un cauchemar ». Il a finalement réussi à s’approcher suffisamment du bateau pour attraper la corde qu’elle lui tendait.
Un bateau plus gros est arrivé et a repêché les survivants. L’Ariciogullari, lui, était presque entièrement submergé, avec juste une poignée de passagers sur le pont supérieur.
D’après les données des garde-côtes, 205 Syriens, 26 Irakiens, 15 Afghans et trois Iraniens ont survécu au naufrage. Le bateau de sauvetage a ensuite attendu sous la chaleur écrasante que les plongeurs retrouvent les cadavres des personnes noyées. Ils ont découvert les corps de 8 enfants, 11 femmes et 3 hommes.
Mais de nombreux passagers de l’Ariciogullari prétendent que les victimes étaient bien plus nombreuses. D’autres bateaux patrouilleurs sont arrivés sur place, ainsi que la presse.
Certaines photos prises à ce moment-là se sont retrouvées dans les journaux, accompagnant des articles qui prétendaient à tort que le navire avait chaviré.
D’après Asya, les garde-côtes ne se sont pas montrés très sympathiques avec les survivants. Ils auraient même frappé un Irakien qui pleurait parce que ses deux enfants étaient morts noyés devant ses yeux. « Les garde-côtes lui ont dit de se taire, de ne pas les embêter avec ses pleurs. Mais il n’arrivait pas à garder le silence alors ils l’ont frappé, assez violemment ».
Vers midi, le SG-11 est enfin rentré au port. MC, lui, était déjà loin, ayant quitté la ville pour Istanbul avec le pactole soutiré aux voyageurs lorsque la nouvelle du naufrage s’est répandue.
Contacté par nos soins, le Commandement des Garde-Côtes Turc n’a pas souhaité faire de commentaires sur l’incident. Un communiqué publié après le naufrage explique que le bateau aurait été repéré par un aeronef, qui a ensuite largué un kit de recherche et de sauvetage, en attendant l’arrivée de cinq autres bateaux. D’après le communiqué, le gouverneur de Mugla Amir Cicek se serait lui-même rendu sur place pour gérer l’opération de sauvetage.
Aucun des survivants ne se souvient avoir vu ou entendu ni un hélicoptère, ni un avion, avant la rencontre avec le premier bateau des garde-côtes. Ils ont tous également décrit la présence de deux bateaux, et non cinq. Une photo aérienne de l’Ariciogullari en train de sombrer semble confirmer leur témoignage.
Le bateau est arrivé à Bodrum juste avant midi. Les survivants endeuillés et encore sous le choc ont été déposés sur un quai près du QG des garde-côtes. Ils se sont rassemblés là un instant, certains portant encore leur gilet de sauvetage. Ils ont commencé à faire le compte des disparus. Ceux qui n’avaient pas perdu leur téléphone lors du naufrage ont contacté les familles des victimes — ils étaient nombreux à avoir échangé ces informations avant le voyage en prévision d’une telle tragédie.
L’Ariciogullari à moitié submergé a été remorqué vers un chantier naval aux abords de Bodrum. Une fois le navire sorti de l’eau, la police a vérifié l’embarcation à nouveau pour voir s’il restait des victimes à bord.
L’après-midi du 15 septembre, la police a escorté le groupe de migrants vers un commissariat du coin. Certains ont dû donner leurs empreintes digitales, d’autres ont dû signer des documents rédigés en Turc.
Sans traducteur, les gens ne savaient pas ce qu’ils signaient, mais obéissaient la police dans l’espoir d’être bientôt libérés.
Le bâtiment de police n’avait pas été conçu pour accueillir autant de personnes. Rima et Asil se sont retrouvées avec 30 autres personnes dans une pièce remplie de lits superposés. La plupart des autres migrants ont passé la nuit dehors, à même le béton, dans le froid. Le lendemain, impossible de s’abriter du soleil. « Il faisait si froid, puis si chaud le lendemain matin », se souvient Haidar. « Mon lit, c’était mon gilet de sauvetage. »
Asya et sa famille avaient tout perdu, y compris leurs chaussures. Elle a supplié les gardes. « Mes enfants avaient froid alors j’ai supplié pour qu’ils me donnent des couvertures — j’ai même baisé la main de l’un des officiers, lui demandant de m’aider à les mettre au chaud, mais personne n’écoutait.”
Il n’y avait pas de lait pour les enfants en bas âge, et très peu de nourriture. Les gardes vendaient la plupart des provisions.
Mais la police semblait plus préoccupée par les interrogatoires que par le bien-être des survivants. Les interrogatoires ont commencé presque tout de suite. Comme ils n’avaient pas de traducteur arabe, les officiers ont fait appel à Asil, malgré le fait qu’elle soit mineure.
Les policiers semblaient particulièrement pressés d’identifier le trafiquant. Même si les survivants interrogés parlaient d’un homme turc, la police semblait vouloir inculper un Syrien ou un Irakien. Haidar et d’autres survivants nous ont dit qu’ils avaient été menacés de lourdes peines et de déportation vers la Syrie ou l’Afghanistan s’ils ne fournissaient pas aux officiers l’info qu’ils recherchaient
Depuis sa cellule, nous dit Rima, elle pouvait entendre les détenus en train d’être interrogés brutalement à l’étage. Certains des survivants prétendent avoir été maltraités.
La police a procédé à plusieurs arrestations, dont les clients et les employés de l’hôtel de MC. Nizar en faisait partie. D’après les survivants, la police a presque aussitôt relâché les Turcs, mais a détenu les Syriens et les Irakiens.
Nour, une femme syrienne qui avait survécu au naufrage avec son frère malade et sa mère âgée de 72 ans, a dit a VICE News que son beau-frère est venu au commissariat leur donner de l’argent pour acheter de la nourriture, et que lui aussi a été détenu, accusé d’être un trafiquant.
Les gardes ont refusé de donner des médicaments à son frère qui souffre d’hémiparésie, ce qui a entraîné des crises d’épilepsie. Son frère, dit-elle, a également été agressé par les policiers. « Ils l’amenaient à l’hôpital et en chemin il leur a crié dessus, alors ils l’ont frappé », nous dit Nour. « Il est malade et il peut difficilement se contrôler. Ils le savaient et ils l’ont quand même [frappé]. »
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Après deux jours passés au commissariat de Bodrum, la police a annoncé qu’elle relogerait un groupe de 150 Irakiens et Syriens. Certains, comme Asya, ont appris qu’ils seraient transportés vers un centre à une demi-heure de là et qu’ils seraient libérés.
D’autres n’ont reçu aucune information et ont refusé de monter dans les bus vides sans connaître leur destination. Des renforts de police sont arrivés, armés de bâtons.
« On ne voulait pas monter dans les bus… mais ils nous ont forcés, frappant même les femmes et les séparant de leurs enfants », nous a expliqué Ahmed. « Ils ont mis les enfants dans les bus pour que les femmes soient obligées de suivre. »
Le mari de Shayma, une femme syrienne, a été menotté par la police, qui a menacé de lui enlever son fils. Les policiers les ont forcés à monter dans le bus sous les coups. Elle nous a envoyé des photos prises avec son portable qui montrent son bras gonflé et recouvert de bleus.
L’un des hommes a essayé de résister, se souvient Rima. La police l’a frappé tellement violemment qu’il pouvait à peine marcher en direction du bus.
Pour des raisons qui demeurent nébuleuses, la police n’a pas embarqué tous les survivants. Les autres — dont faisaient partie Rima et Asil — sont restés trois jours de plus dans les cellules bondées avant d’apprendre qu’ils seraient envoyés par bus à Izmir (et ce, à leurs frais), puis relâchés.
Avant de partir, ils ont dû signer des documents indiquant qu’ils n’avaient pas souffert aux mains des autorités. Les documents étaient différents selon la nationalité. Après avoir signé les papiers, on leur a ordonné de monter à bord d’un minibus.
Au bout de dix minutes de voyage, Asil a réussi à convaincre le chauffeur du bus de les déposer juste à l’extérieur de Bodrum, où Nizar était resté en détention.
Asya, Ahmed et les 150 survivants qui étaient partis deux jours avant en bus n’ont reçu aucun document de décharge. Ils ont voyagé de nuit, sans nourriture, et sans savoir où le bus les emmenait. Il a fallu attendre l’évanouissement d’une femme pour que la police, qui accompagnait le convoi, autorise le bus à faire un arrêt.
Au bout de 19 heures de route, le convoi a atteint le camp de Duzici, dans la province reculée d’Osmaniye, au sud du pays. Le camp était composé de bâtiments préfabriqués blancs et austères, entourés d’une clôture de barbelés et surveillés par des gardes armés.
Géré par l’agence gouvernementale Disaster and Emergency Management Presidency of Turkey (AFAD), le camp avait été construit pour offrir un abri aux réfugiés. Mais d’après la police, les nouveaux venus n’auraient pas le droit de quitter les lieux. Cette règle s’appliquait également aux autres réfugiés syriens du camp, qui étaient déjà passés par d’autres camps de détention.
Équipé de deux matelas, d’oreillers et d’un coin salle de bains avec un approvisionnement en eau aléatoire, chaque abri logeait deux familles.
Malgré le froid et la pluie, les réfugiés n’avaient toujours pas accès à des couvertures. « Il pleuvait tellement et on avait très froid », nous a expliqué Asya. « Et mes enfants devaient se balader sans chaussures — ils étaient gelés. »
Malgré ses supplications, les gardes et le chef du camp ont refusé de lui donner de quoi garder ses enfants au chaud. D’autres migrants se sont plaints du manque de nourriture, estimant les rations insuffisantes pour nourrir les enfants. De nombreux migrants se sont retrouvés forcés d’acheter de l’eau et des biscuits à prix fort, pour compléter les deux repas servis par jour.
Les détenus passaient l’argent de l’autre côté de la clôture, et revenaient chercher leur commande le lendemain. Un père de famille, qui ne pouvait nourrir que deux de ses six enfants, a entamé une grève de la faim.
Parmi le groupe se trouvaient de nombreux enfants, des femmes enceintes, et des individus souffrant des maladies chroniques qui se seraient vus refuser l’accès aux médicaments.
L’un des habitants du camp est mort, apparemment de causes naturelles. Des réfugiés nous ont envoyé des photos de l’individu décédé, sous-alimenté et à moitié vêtu, allongé sur un drap décoré de fleurs roses et bleues.
Sur d’autres photos, on voit son cercueil vert en train d’être transporté vers une camionnette — le même drap dépassant du couvercle.
Ici aussi, les survivants de l’Ariciogullari ont été victimes de violences aux mains des forces de sécurité. D’après Haidar, si les réfugiés s’asseyaient en groupe de deux ou trois personnes, ils étaient dispersés à coups de bâton.
Craignant qu’ils ne soient détenus indéfiniment, les réfugiés ont alors essayé de contacter des journalistes et des organisations humanitaires pour leur envoyer des photos prises à l’intérieur du camp.
« Ils ne veulent pas nous laisser partir », nous a dit un Irakien, terrifié. « Ils nous ont dit qu’on resterait là et que personne n’en saurait rien, pas même les Nations Unies. »
Les gardes leur ont proposé deux options : soit la déportation, soit la détention pour une durée indéterminée. Les Irakiens seraient renvoyés vers Bagdad à leurs frais, et les Syriens munis de passeport et d’argent devraient s’acheter un billet d’avion à destination de Beyrouth.
Les Syriens sans passeport ni argent retourneraient en Syrie par le poste frontalier de Bab al-Salam ou par celui de Bab al-Hawa. Ces deux postes mènent directement à des zones contrôlées par les rebelles (y compris des rebelles islamistes), ravagées par les frappes aériennes et les combats.
Malgré les risques, de nombreux migrants détenus à Duzici ont commencé à perdre espoir et à songer sérieusement à rentrer en Syrie.
Asya et les autres ne pouvaient plus supporter les conditions de vie dans le camp. « Jamais je n’aurais cru que je ferai l’expérience de ce type d’humiliation”, nous a-t-elle dit. « Croyez-moi, les bombes à Alep sont beaucoup plus faciles que ça. » Asya et d’autres migrants ont décidé de retourner en Syrie du nord.
Sa famille a décidé de traverser la frontère à Bab al-Salam, qui relie la ville turque de Kilis à la ville d’Azaz, en Syrie. Avant de quitter la Turquie, elle a dû signer des papiers stipulant qu’elle quittait la Turquie de son plein gré et ne chercherait pas à refaire le voyage en sens inverse. Amnesty International a parlé à plusieurs individus qui n’étaient pas présents à bord de l’Ariciogullari, mais qui ont été traités de la même manière.
Après avoir traversé la frontière, ils se sont rendus à Alep en bus et en voiture. En temps de paix, le trajet aurait pris 45 minutes, mais aujourd’hui, le voyage prend presque une journée, parce qu’il faut passer par les nombreux checkpoints contrôlés par le Front Al-Nosra, un groupe syrien affilé à Al-Qaïda. Le mari d’Asya est rentré chez lui sans chaussure au pied — autre humiliation douloureuse.
Amnesty International a dénoncé le traitement des migrants détenus à Duzici, qui, selon l’ONG, enfreint les lois internationales. Le refoulement des réfugiés vers des pays où ils risquent la mort ou la perte de leur liberté est contraire à la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948 et à la Convention des Réfugiés de 1951, signées entre autres par la Turquie.
La loi interdit également aux autorités de contraindre les réfugiés à repartir vers leur pays d’origine, ou d’utiliser la menace d’une détention à durée indéterminée, explique Anna Shea, chercheuse et conseillère en matière de droits des réfugiés et des migrants auprès d’Amnesty International. Pour elle, le refoulement des réfugiés vers la Syrie est « une violation manifeste » de leurs droits.
Alors que l’Europe fait face à un afflux migratoire sans précédent et fait pression sur la Turquie pour fermer ses frontières, les mauvais traitements dont sont victimes certains réfugiés semblent de plus en plus répandus, avec davantage de détentions, de déportations et de refus d’entrée à l’encontre des migrants syriens. Pour Shea, c’est une situation sans précédent.
Un porte-parole du bureau du premier ministre turc a affirmé à VICE News que tous les migrants rescapés reçoivent un examen de santé et un soutien psychologique pour gérer le traumatisme lié au naufrage. Les autorités, nous a-t-il assurés, leur donnent ensuite l’option d’être hébergés dans un camp. Le porte-parole a nié les allégations de mauvais traitement ou de détention.
Ceux qui sont restés à Duzici ont finalement été libérés en octobre, sous la pression des organisations de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International et les Nations Unies.
Les survivants de cette tragédie sont aujourd’hui éparpillés. Asya est restée quelque temps à Alep, où elle a enduré le début des frappes de l’armée russe. Sa maison, ainsi que la clinique de son mari, ont été détruites dans les bombardements et ils se sont à nouveau enfuis. Ahmed, qui est retourné à Bagdad, vit aujourd’hui caché.
Certains ont réussi à rejoindre l’Europe, y compris Asil. Elle espère un jour pouvoir continuer ses études. La dernière fois que nous avons parlé à sa mère, elle avait comme projet de rejoindre son fils en Allemagne, mais n’avait plus d’argent et devait économiser pour le voyage.
MC, lui, a été arrêté et est aujourd’hui incarcéré dans la prison de Bursa, une ville au nord-ouest du pays. Mais MC est loin d’être le seul trafiquant à avoir profité de la vulnérabilité des migrants réfugiés en Turquie. Tant que la guerre continue de faire rage en Syrie, il y aura toujours des candidats au voyage.
Plus de 67 000 personnes ont déjà traversé la mer en 2016 — soit 20 fois plus qu’à la même époque en 2015. Au moins 410 personnes sont mortes ou ont été portées disparues lors de la traversée en 2016.
Naima Hammoud a participé à la rédaction de cet article.
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Cet article a d’abord été publié sur la version anglophone de VICE News.