Petrol Anvers club
Photos : Fille Roelant
Culture

Des habitué·es du Petrol nous racontent leurs meilleurs souvenirs

« Si on levait les yeux, on pouvait voir les champignons qui poussaient sur le plafond. Ce club, c’était le vrai rock and roll. »
Deborah Seymus
Antwerp, BE

Fermés définitivement ou temporairement à cause du Covid, ces légendaires clubs belges et leurs soirées sans fin nous manquent terriblement. La série NIGHTS TO REMEMBER nous en rappelle de bons souvenirs, principalement flous.

Il y a fort, fort longtemps, l'ASBL derrière Petrol, 5 voor 12, se résumait en un concept itinérant. Jusqu'à ce que ses fondateurs Eric Smout et Philip Liser tombent sur un ancien site d'élimination des déchets. Ça faisait un moment qu'ils cherchaient un endroit pour organiser des teufs solides, et ce lieu s'est avéré être parfait. En 2004, le Club Petrol ouvre donc ses portes et pour respecter l’intégrité du lieu, Eric et Philip choisissent de conserver le style un peu lugubre et industriel, de sorte à ce que dès l’arrivée sur le parking, les gens soient complètement immergés dans l'ambiance glauque et dark. Concerts live, drum & bass percutante ou reggae : au Petrol, on y passait de tout, et à fond.

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Lors de l'âge d'or du Petrol, ça arrivait souvent qu'on ne puisse même pas à se frayer un chemin pour se commander une pinte. Le succès était principalement dû à l’originalité de cet endroit. On pouvait assister à un concert de rock en début de soirée puis enchaîner dans la foulée en s’éclatant sur des sets de DJs alors inconnu·es, des noms insignifiants dans le passé qui sont devenus beaucoup plus lourds entre-temps : Monica Electronica, Daan, Felix da Housecat, Fredo & Thang, Romy de The XX, etc.

VICE a parlé avec des habitué·es du Petrol et son personnel à propos de leurs meilleurs souvenirs de ce club excentrique et légendaire.

Celine (32 ans), barmaid

« Quand j'avais 20 ans, je travaillais au bar tous les week-ends. Et si je devais pas bosser un week-end, j'y allais quand même en tant que cliente. Ce que Petrol a osé faire en termes d'organisation, aucun club ne l'a jamais refait. C'est dommage pour les jeunes qui sortent maintenant, parce que franchement lors des premières années, on était vraiment gâté·es. Les meilleurs artistes se produisaient en live sous nos yeux : Mos Def, Madlib, Barrington Levy, Beres Hammond, Miss Kittin, The Hacker... Je sais pas comment les organisateurs ont réussi à faire en sorte que ça puisse marcher à chaque fois. Quel que soit le genre de musique, c’était toujours le feu. Les concerts ne commençaient jamais à l'heure, mais la soirée en valait vraiment le coup.

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Photo: Jan Steylemans

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Mon meilleur souvenir au Petrol, c’est la performance d’Eek-A-Mousse. Le club était bondé, mais Eek-A-Mousse c’est un gars super qui arrive à faire profiter tout le monde. Donc, même en étant tout au fond, on pouvait encore voir une bonne partie du live. Quand je suis entrée, mon meilleur ami m'a dit : "J'ai même pas besoin de fumer, je suis déjà def avec la quantité stratosphérique de vapeur de weed qu’il y a ici". »

Jeroen (39 ans), DJ

« J'ai commencé officiellement comme chargée de communication pour l'asbl 5 voor 12. On travaillait en petite équipe, donc ça m'arrivait de faire des shifts derrière le bar ou d'aller chercher des artistes à l'aéroport. Quand j'amenais ces artistes au Petrol et que je roulais sur le parking de la zone industrielle, c'était toujours cool de voir leur réaction. Certain·es sont direct devenu·es fans et me disaient : "Ah ouais, c'est underground, j'adore l’endroit". Après une réaction comme ça, on savait qu’on allait passer un moment très fort.

L’extase, c'était avec Paul Kalkbrenner, bien avant qu'il ne devienne célèbre. Son concert était combiné avec l'avant-première de Berlin Calling, le film dans lequel il joue le rôle principal. On avait fait en sorte que toute personne qui détenait un ticket pour la soirée puisse d'abord regarder le film dans un cinéma de la ville. Ensuite, tu pouvais aller voir Paul Kalkbrenner se produire en live au Petrol, ce qui était vraiment fou à l’époque. Quand j'y repense maintenant, je me dis que c'est plutôt cool qu’on ait réussi à organiser un concert comme ça.

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Photo: Fille Roelants

Je me souviens aussi de certain·es artistes de reggae qui voulaient être payé·es davantage pour leurs prestations. Philip, le programmateur, a dû apporter plus d’une fois un sac avec des milliers d'euros dans des chambres d'hôtel. 

L'une de mes nuits préférées au Petrol reste la prestation de The XX. Maintenant ça ferait un carton, mais à l’époque seulement 150 personnes étaient au concert. Quelques années plus tard, une fête du Nouvel An a été organisée au Petrol, où je mixais également. Ce soir-là, j'ai rencontré par le plus grand des hasards Romy de The XX. Apparemment, elle s'était fait des potes à Anvers et elle se disait que le Petrol était un endroit méga cool. Elle était juste là pour faire la fête. »

Bart (45 ans), ingé son

« J'étais ingénieur du son et j'ai connu le Petrol par l'intermédiaire de collègues de la scène rock et pop. À l'apogée du Petrol, je commençais à travailler à 13 heures et je m’arrêtais pas jusqu'à 11 heures du matin. Ensuite, je dormais pendant deux ou trois heures et je revenais pour la suite. Une soirée avec DJ était souvent précédée de concerts live, et les réglages devaient être effectués pendant la journée. Si le programmateur, Philip, était d'humeur à prolonger la fête, les soirées pouvaient facilement durer jusqu'à 10 heures du matin. Il savait repérer les DJ comme personne d'autre et accordait une grande importance à l’ambiance. Les artistes qui ont fait leur première scène au Petrol ont souvent été invité·es à se produire à Pukkelpop l’année d’après. 

« Les artistes qui ont fait leur première scène au Petrol ont souvent été invité·es à se produire à Pukkelpop l’année d’après. »

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Je me souviens toujours de soirées où la salle était bondée. Au Petrol, 1 000 personnes étaient autorisées à entrer, mais ce nombre passait souvent à 2 000 quand tout le monde était en forme. Le plafond était complètement couvert de condensation de sueur, avec de temps en temps une goutte qui finissait malencontreusement dans ta pinte. Si on levait les yeux, on pouvait voir les champignons qui poussaient sur le plafond. Ce club c’était le vrai rock and roll.

Mon meilleur souvenir au Petrol c’est le soir où le fils de Sting est venu se produire avec son groupe de rock Fiction Plane. Il joue de la basse et chante comme son père. Ils étaient en tournée mais n'avaient pas de preneur de son avec eux, alors j'ai proposé mes services cette nuit-là et je me suis occupé du son. Le lendemain, ils faisaient la première partie de Sting au Sportpaleis. Une telle expérience ne pouvait se vivre qu’au Petrol. »

Floor (35 ans), habituée du club

« Quand on parle du Petrol avec mes potes, on repense toujours à une nuit en particulier. L'un de mes potes, Tom, a souvent les yeux assez clos naturellement, ce qui lui donne l'air défoncé et lui vaut d'être souvent refoulé à la porte des clubs. En fait, un de ses yeux est un peu plus bas que l'autre.

Au Petrol, heureusement, ça n'a jamais été un problème. Mais comme ça dérangeait beaucoup Tom ce soir-là, on a décidé avec un autre ami de le taquiner un peu. On lui avait donné une bouteille de Minavis (gouttes pour les yeux rouges, NDLR) et on lui a fait mettre dans son meilleur œil. Puis on l'a repris. Tom a passé toute la soirée avec un œil complètement ouvert et l'autre complètement fermé. C'était hilarant. Tout le monde pensait qu'il avait perdu la tête ou qu'il s’était fait défoncer. »

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Patrick (38 ans), promoteur

« Je me souviens bien de la nuit où on a organisé le Humo's Rock Rally. Après le concours, un DJ de drum & bass était prévu sur la line-up, ce qui a vraiment créé un clash des styles. D'abord, la salle était pleine de rockers purs et durs et à 23 heures, elle était remplie de jeunes gens ivres qui titubaient avec leurs sacs à dos. Après l'annonce du finaliste, le DJ a immédiatement commencé à jouer de la drum & bass super lourde. En une demi-heure, le public avait complètement switché.

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Photo: Fille Roelants

Quand je repense au soir où le groupe de post-punk Killing Joke s'est produit, j'ai encore envie de rire. C’est un groupe anglais qui fait l'objet d'un culte dans le domaine du rock. Ils partaient en tournée et leur première date était prévue au Petrol. Normalement, les artistes qui doivent encore donner de nombreux concerts dans les semaines à venir restent relativement calmes pour une première, mais ils commençaient déjà à beaucoup boire pendant les balances. À l'heure du repas, avant le spectacle, ils étaient complètement torchés. Vers le fond de l'arrière-scène se trouvait une porte qui menait à la scène. Au moment où ils devaient se produire, ils se sont battus et le frontman ne voulait plus jouer. La salle était comble et le reste du groupe prêt à monter sur scène. Avec quelques collègues, j'ai cherché le chanteur et l'ai traîné sur scène. On a tous dû bloquer la porte des coulisses pour qu'il ne puisse pas descendre et s’échapper de la scène. »

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Photo: Fille Roelants

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