Errorsmith : De beats et de fureur

Cet article a initialement été publié par Noisey France.

« J’aime énormément le disco. Ça ne s’entend pas forcément de manière évidente dans mes productions avec Errorsmith mais les influences sont là, indéniables. Ce que j’aime vraiment c’est que c’est un melting-pot de tout un tas d’influences, latines, européennes comme Kraftwerk ou Moroder, sans compter les références marquées à la musique black américaine et son importance au sein de la culture gaie. C’est certainement le genre le plus international au monde, j’aime ce mélange entre le côté énergique et le côté soul. C’est la musique qui était dans les palmarès quand j’étais enfant, ça doit être pour ça. »

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Depuis le milieu des années 90, l’allemand Erik Wiegand, connu sous ses différents projets – Errorsmith (qui vient d’une mauvaise blague sur le groupe Aerosmith) en solo, MMM (en duo avec le DJ Fidel résident au Berghain) ou Smith N Hack (avec le producteur Soundstream) – n’a cessé de secouer la notion de dance music dans tous les sens quitte à lui faire rendre l’âme. Dans la bonne quarantaine, originaire de Cassel en Allemagne, ville désormais célèbre pour sa Documenta, Errorsmith est un pur enfant de la club culture dans laquelle il met les pieds en s’installant à Berlin en 1991 pour suivre des études d’ingénieries sonores qu’il abandonnera rapidement, pris dans le tourbillon de l’électro berlinoise qui explose au même moment.

« J’ai commencé à écouter de la musique électronique au milieu des 80’s, de la new-wave principalement, des choses comme Human League, Cabaret Voltaire… J’appelle ça new-wave mais c’était déjà des sons très électroniques et j’écoutais aussi les premiers disques de techno venant de Detroit, je me souviens d’une compilation « The New Sound of Detroit » qui m’a beaucoup impressionnée. »

À Berlin il enquille les nuits blanches, découvre le Trésor et les soirées illégales, sans tomber non plus dans les délires des clubbers de l’extrême : « Je ne peux pas dire que je passais ma vie en club, que je sortais tous les week-ends non stop comme certains de mes amis de mon âge à l’époque. Disons que j’étais surtout très excité par l’idée de construire mon propre studio, de comprendre comment cette musique était faite. J’étais encore à l’université à l’époque, je bricolais de la musique dans ma chambre mais je n’avais aucune idée de comment faire pour la sortir quelque part. Et puis j’ai rencontré Fidel, on est devenus amis, il était DJ, il connaissait toute la bande du magasin de disques Hardwax [le magasin de disques mythiques de Berlin] et il m’a tout expliqué. »

https://youtu.be/rCDlUNE7_xo

Entre ses sorties solo sous le pseudo Errormith qui déroulent une électro obsédée par la synthèse digitale et les possibilités offertes par le beat et ses variations, son projet MMM obnubilé par l’énergie rave et qui pousse la techno maximale non sans humour dans ses pires retranchements en faisant des clins d’œil à Donna Summer ou Marc Cerrone ou en usant des gimmicks de la rave commerciale comme le « hoover » ou le « mentasm », avec son autre projet Smith N Hack, clairement orienté euro-disco, et qui a offert des remixes en or massif à Ricardo Villalobos ou Matthew Herbert, Erik Wiegand n’a de cesse de questionner cette énigme qu’est la dance music et d’essayer de comprendre comment ça marche.

« J’aime des styles de musique très différents, mais il est vrai que je suis passionné par la dance music et évidemment mon but est de composer de la dance music qui soit intéressante. Je ne sais pas bien pourquoi ça me fascine autant, mais j’aime la puissance de cette musique, son rapport direct au corps, sa force hypnotique, dès que tu en entends tu as envie de bouger et danser comme un enfant. »

Avec son nouvel album, Superlative Fatigue, qui tient son titre d’un article consacré à Donald Trump et sur lequel Erik a passé plus de six ans le composant essentiellement avec Razor – le synthé virtuel que le producteur a développé avec la compagnie Native Instrument – Errorsmith pousse un cran plus loin la réflexion quitte à perdre certains de ses fans au passage en mettant carrément les pieds dans le plat des rythmes exotiques – les Kuduro, Batida, Kizomba, Funaná & Tarrachinha – ceux syncopés du label lisboète Principe qui affolent la club culture, en les traitant comme une matière première prompte à accepter toutes ses expérimentations et en s’amusant à les pervertir à grands coups de synthés balancés comme les drippings d’un Pollock.

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« Ce sont des rythmes inspirés du dancehall, du kuduro, de la UK bass, ce sont des patterns très utilisés aujourd’hui dans la dance music mais ce n’est pas nouveau pour autant, c’est quelque chose que tu peux retrouver dans certains aspects de la musique arabe traditionnelle. J’aime beaucoup ces rythmiques, leur côté uplifting, ce côté très rapide, mais aussi un peu broken beat. » Tous rythmes devenus mainstream dans les clubs, usés jusqu’à la lie par l’EDM et les playlists dance de Spotify, mais que Erik, grand fan des machines bricolées devant l’éternel, s’amuse à pulvériser à grands coups de synthés déviants, de gimmicks computérisés, de vocodeurs poussés dans leurs ultimes retranchements, comme pour mieux disséquer à cœur ouvert la notion de dance music.

Tout en gardant du coin de l’œil et au bord du dancefloor un sens certain de l’humour, celui qui faisait toute la magie des productions de MMM, un pied dans le mainstream et l’autre dans l’underground comme de l’eurodance infiltrée dans un forum de Reddit. « C’est un équilibre complexe entre être drôle mais sans donner dans la stupidité non plus. Par exemple le track « Nous sommes MMM » peut paraître stupide avec ces gros sons rave et ce pitch qui n’arrête pas de varier, mais c’est aussi un titre très puissant, qui donne envie de danser. La difficulté est de trouver la juste balance. D’une certaine manière, je jongle entre le mainstream et l’underground, entre des morceaux qui peuvent paraître faciles ou même sucrés mais qui contiennent toujours une bonne dose d’étrangeté et d’expérimentations que tu ne retrouveras pas dans le Top 20 du chart dance.