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Escape from Tarkov va finir par me filer une crise cardiaque

escape from tarkov

J’ai beaucoup joué à Call of Duty ces derniers mois. Et puis, sur un coup de tête, j’ai tout désinstallé. La licence gargantuesque d’Activision ne m’apportait plus aucune satisfaction. Au moment de la rupture, je concevais mal les raisons de mon ras-le-bol. Il a fallu que je découvre un nouveau jeu totalement différent pour identifier les racines de mon ire, mais aussi renouer avec les plaisir du gaming. Ce jeu, c’est Escape from Tarkov.

Escape from Tarkov ou EFT est souvent décrit comme un FPS tactique hardcore. Son action se déroule dans la région fictive de Norvinsk, au nord-est de la Russie. Pour résumer, cet environnement sert de zone d’affrontement entre une milice privée chargée de couvrir les activités illégales d’une entreprise étrangère implantée sur place, l’USEC, et un groupe paramilitaire créé par Moscou pour remettre de l’ordre dans ce foutoir, le BEAR.

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Ce scénario me semble bien manichéen : les impérialistes occidentaux contre les slaves soucieux de la souveraineté de la mère patrie. Après tout, Escape From Tarkov est développé par Battlestate Games, un studio brutalement russe. Et au fond, pourquoi pas ? Les licences maîtresses du jeu de tir nous font le coup de la caricature propagandiste « America Good – Russia Bad » depuis des décennies. Un compagnon de jeu me garantit néanmoins que Raid, la mini-série officielle d’EFT, dévoile un univers plus complexe : « C’est plutôt America bad – Russia pas beaucoup mieux. »

Au début de son aventure, sans doute bien inconscient (voire inintéressé) par ces questions scénaristiques, le joueur est sommé de choisir entre le BEAR ou l’USEC. Ce choix conditionne seulement son apparence, ses voicelines et ses armes de départ : plutôt Kalashnikov pour les premiers, Colt pour les seconds. Ces choix cosmétiques ne changent quasiment rien au niveau du gameplay : pour la quasi-totalité des joueurs, les premiers pas sur Escape from Tarkov seront douloureux et empreints d’un profond sentiment de perdition.

Pour le moment, Escape from Tarkov propose sept cartes plus ou moins vastes : une usine délabrée, un centre commercial abandonné, des bois gigantesques, une base militaire détruite et son bunker souterrain, un laboratoire tortueux… Quelque soit leur niveau et la teneur de leur équipement, les joueurs sont balancés sans match-making dans ces environnements menaçants. Autrement dit, les petits niveaux qui ne disposent pas de carte ni même de boussole font face à des vétérans qui connaissent la map par cœur. 

Vous êtes libre de mener chaque partie comme vous l’entendez. Allez-vous accomplir les missions dispensées par les huit marchands du jeu pour gagner en niveau ? Looter sans chercher la bagarre pour devenir riche ? Foncer dans le tas pour épancher votre soif de sang ? Quelle que soit votre approche, votre seul véritable objectif est de vous en tirer vivant. Pour ce faire, vous allez devoir trouver une sortie avant la fin du compte à rebours qui encadre chaque partie. Cela suppose de survivre aux autres joueurs, mais aussi aux scavs, ces bots que Battlestate Games dissémine sur chaque map.

Dans ces conditions, la première partie d’Escape from Tarkov se déroule souvent ainsi : vous lancez Customs, la carte de référence pour les noobs. Vous spawnez au milieu de nulle part. Les arbres bruissent dans le vent. Votre arme pourrie dans les mains, vous faites cinq pas en avant et dix en arrière. Vous ne savez pas où aller ni même où se trouvent les sorties. Des coups de feu claquent au loin. Le buisson derrière vous dit « сука » et tire. Vous vous effondrez en toussant du sang. Notes de piano dramatiques, retour au menu, récapitulatif de la partie : félicitations, votre assassin est un scav avec une arme de poing de merde. 

EFT repose sur une idée diabolique : quand vous mourez, tout ce qui ne se trouve pas dans votre « conteneur sécurisé » est perdu. À moins que vous n’ayez contracté une assurance auprès d’un marchand, ce que vous n’avez pas fait car vous êtes un noob, vos armes, votre armure, votre casque, votre cagoule, vos lunettes, votre gilet tactique et votre sac à dos et tout ce qu’ils contiennent ne vous reviendront jamais. Votre seule chance de les garder était de survivre au combat et de trouver une sortie. Vous étiez perdu sur la map, vous voici perdu dans votre inventaire. Vous allez devoir trouver un nouvel équipement.

À cet instant, l’énorme quantité de contenu dans Escape from Tarkov devient votre nouvelle source de perdition. Les armes déjà pléthoriques peuvent être modifiées avec une foule de gadgets différents : des lunettes, des lasers, des silencieux, des poignées… Le système de personnalisation offre une liberté telle que certains joueurs montent six ou sept lampes sur leur fusil à pompe. Se familiariser avec une telle profondeur prend du temps. Vous devrez aussi choisir des munitions adaptées, mais la variété des calibres et des ogives est telle que des passionnés les ont classés dans des tableurs selon leur effet sur les équipements de protection. 

La légende raconte que les joueurs d’Escape from Tarkov peuvent être classés en deux catégories : les chads et les rats. Les chads sprintent vers les endroits les plus dangereux avec des armes de luxe et découpent votre visage avec des munitions perforantes à 3000 roubles la cartouche. En bon rat, vous avez rempli deux chargeurs de Kalashnikov de balles de merde pour le même prix. Même les bots restent debout après avoir reçu cinq de vos balles en plein torse. Terrorisé au moindre bruit car vous savez que vos chances de survie au combat sont minces, vous marchez sur la pointe des pieds dans les endroits les moins lucratifs de la carte.

Escape from Tarkov propose six classes de protection pour les armures et les casques : le niveau un vaut un tee-shirt de chez Goëland, le niveau six vous transforme en genre de tank biologique. Cependant, et c’est ce qui fait tout le sel de ce jeu infernal, même les débutants en jogging ont leur chance contre les fous furieux qui cavalent avec un équipement complet à 500 000 roubles. Une seule balle moisie de Mosin-Nagant, le fusil des pauvres par excellence dans EFT, a largement qu’il faut pour détruire le crâne de CumL0rd420 sous son casque avec visière blindée. Encore faut-il la mettre. 

La connaissance des environnements, des armes et des équipements prend beaucoup de place dans l’expérience Escape from Tarkov. Cependant, tous ces éléments convergent vers le même but : engendrer des fusillades extrêmement intenses. Imaginez : vous avez passé toute la partie à looter sans croiser personne. Votre sac à dos est rempli de bibelots coûteux. Fatigué de vous faire botter, vous êtes parti avec la meilleure arme de votre inventaire, des munitions coûteuses et une armure potable. Le compte à rebours passe dans le rouge : il vous reste dix minutes pour trouver une sortie. Vous êtes sur le point de vous extraire quand une balle vous frôle en bourdonnant.

Votre petit cœur de gamer explose alors que vous vous jetez dans les hautes herbes. D’autres balles sifflent au-dessus de vous. Les détonations sont énormes et proches, votre agresseur tire du gros calibre comme un millionaire. Un laser bleu cherche le sol alentour. Vous percevez un mouvement entre les arbres. Bêtement, vous vous relevez et ouvrez le feu sur la silhouette. Impossible de savoir si vous touchez ou pas : pas de hit marker dans Escape from Tarkov. Une nouvelle rafale vous casse un bras et perfore votre armure, le sang vous monte aux yeux, votre réticule tremble et vos poumons chuintent. Vous percutez votre dernière balle et quelque chose tombe. Votre plaie au thorax réparée, vous allez dépouiller votre adversaire. C’est un niveau 50 blindé de matériel de luxe. Vous avez gagné, vous êtes vivant et riche. 

Bien sûr, un scav débile vous débarrassera de tout cet équipement rutilant dès la prochaine partie. Mais sur le moment, votre émotion est grande. Contrairement aux titres américains qui dominent le marché du FPS, Escape from Tarkov ne cherche pas à vous rendre dépendant en noyant votre cerveau reptilien dans une cuve de stimuli clinquants. C’est une expérience de boue et de goudron, plus proche par les sensations des surival horror que de Call of Duty. (Nikita Buyanov, le créateur du jeu, cite d’ailleurs S.T.A.L.K.E.R comme une référence.) Ou comme le dit AquaFPS, youtubeur rigolo de son état : « Il faut le reconnaître : ce jeu est fait pour les personnes âgées. » Ce qui est une bonne nouvelle pour les vieux qui sont fatigués de se faire soulever par des adolescents aux réflexes sur-aiguisés sur Warzone.

Arrêtons-nous un instant sur une autre mécanique remarquable. Escape from Tarkov complique les gunfights et la survie à l’aide d’un système de répartition des dégâts relativement complexe. Votre corps est divisé en sept parties : la tête, le thorax, le ventre et les membres. Chacune de ces zones peut être endommagée et soignée de diverses façons. Si vous avez lancé votre raid sans emporter de garrot ou de coagulants, un saignement important vous tuera à coup sûr. De la même façon, un membre brisé ou détruit par un projectile gênera vos mouvements tant qu’il ne sera pas soigné avec une attelle ou un kit de chirurgie de campagne.

En dépit de tous ces mécanismes raffinés, Escape from Tarkov est encore en beta. Cela signifie que le jeu va encore gagner en épaisseur, mais aussi qu’il ne manque pas de défauts, surtout techniques : le netcode est parfois chaotique et le comportement des scavs peut être troublant. Quand certains de ces bots sont presque incapables de vous mettre une balle dans le thorax, d’autres vous collent un headshot à 50 mètres en courant de côté. Mais comme les bugs de S.T.A.L.K.E.R, ces couacs renforcent presque la personnalité du jeu. Ils rappellent aussi sa nature : Escape from Tarkov est une œuvre de passion de développeurs dont personne n’avait jamais entendu parler auparavant. On peut leur passer ces petits défauts et saluer leur travail : leur jeu est unique, et bizarrement addictif malgré sa difficulté.

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