Comment se comporter avec les danseurs nus selon des danseurs nus
Illustration: Mathieu Rouland 

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Comment se comporter avec les danseurs nus selon des danseurs nus

Surtout, évitez de commenter la taille de leur pénis.

Je n’ai jamais été attirée par le striptease. D’ailleurs, je ne suis certainement pas la bonne copine qui va t’offrir Kevin à ton enterrement de vie de jeune fille. Non, ne compte pas sur moi. L’idée de voir Kevin débarquer dans ton salon, dans son costume de pompier avant de se retrouver en slip, tout ça, en cinq secondes top chrono, me laisse assez perplexe. Mais la cerise sur le gâteau, c’est le danseur nu qui fait onduler tout son corps comme un serpent. Là, je frise la syncope. Cela étant dit, je dois avouer que la mythique scène de Magic Mike sur la musique de Pony de Ginuwine ne m’a pas laissée totalement indifférente.

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C’est pour cette raison, et parce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, que, lorsque j’ai appris qu’il existait un cabaret de danseurs nus à Montréal, j’ai décidé de tenter l’expérience en franchissant ce grand rideau de velours rouge. Et ce que je peux vous dire, c’est qu’au grand jamais je n’aurais pu soupçonner ce qui s’y cache derrière.

Premièrement, j’ai tout de suite été frappée, non pas par la nudité totale des hommes, non, mais plutôt par l’ambiance qui était en toute honnêteté hystérique. J’ai vu des attitudes parfois douteuses et entendu des paroles déplacées. Si bien que j’ai eu envie de demander à des danseurs nus comment ils vivaient avec ces comportements. Trois danseurs ont accepté de révéler – sous le couvert de l’anonymat – les commandements à respecter quand on passe une soirée arrosée dans un club de danseurs.

« N’oublie pas que c’est avant tout un métier »

« Quand les filles viennent nous voir, c’est pour célébrer, elles viennent pour le party : un divorce, une promotion… elles sont donc surexcitées et dans un état euphorique, l’ambiance est littéralement électrisante dans le cabaret, l’alcool coule à flots. Tout ça entraîne forcément des dérapages. » Parmi ces dérapages, les plus difficiles à supporter, pour Sébastien*, danseur nu, c’est le manque de considération : « Je suis conscient de l’image que j’endosse pour satisfaire les clientes, mais je reste un être humain avec une sensibilité alors considère-moi en tant que tel. Ce qui serait plus agréable, c’est d’être valorisé et complimenté sur la qualité de notre travail y compris les performances sur scène, chose que les clientes ont tendance à oublier. »

« Ne me pogne pas la bite »

De son côté, Roberto* s’insurge contre les agressions physiques. « Il y a des gestes qui sont à proscrire, comme me pogner la bite par exemple. Ça s’est produit à plusieurs reprises et je suis toujours autant choqué à chaque fois. Il nous arrive de nous faire taper les fesses aussi. À ce moment-là, le geste est purement primaire. Les clientes ont le goût de fourrer. Pourtant, il est bien stipulé dans le règlement intérieur que le contact physique est interdit. Les clientes ne comprennent pas que nous risquons de perdre la job avec de tels gestes, elles s’en contrefichent. »

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Le règlement intérieur du cabaret interdit aussi l’usage d’un cellulaire dans l’enceinte de l’établissement. Pourtant, les clientes n’hésitent pas à immortaliser l’intimité des danseurs : « Être filmé, c’est un manque profond de respect, je me mets nu dans le club, mais avoir ma queue dans ton cell pour la montrer à ta mère, ta sœur, ta grand-mère ou whatever? Non, je n’accepte pas. »

Contrairement aux danseuses nues protégées par les portiers et la sécurité, les danseurs font le ménage eux-mêmes. En cas d’agression, ils ont la possibilité de se défendre seuls. Il n’est donc pas rare de voir un danseur confisquer le téléphone d’une cliente pour l’avoir filmé avant de la conduire gentiment à la porte.

« Arrête de croire que ma job se résume à bander sous ton nez »

Certains danseurs nus sont de véritables performeurs sur scène. On oublierait presque qu’on se trouve dans un club de striptease tellement on a l’impression d’assister à un show. Sauf que le clou du spectacle, c’est d’apercevoir sur scène des bijoux de famille l’espace d’un instant. Selon Matthieu*, il n’est pas rare qu’on lui en demande plus. « Les clientes nous reprochent de pas être en érection sur scène ou pendant les danses. Je cours partout sur la scène, mon sang n’est pas concentré dans mon entrejambe, mon sang est réparti dans tout mon corps, alors ne t’attends pas à ce que je bande comme un taureau sous ton nez. »

« Ne commente pas la taille de ma queue »

D’après Roberto, les danseurs nus n’échappent pas non plus aux agressions verbales. « Avant de commencer une danse, j’ai pour habitude de me présenter auprès de la cliente et de lui demander son prénom. À ce moment-là, il n’est pas rare que l’on me rétorque : “Arrête de parler, on ne te paye pas pour ça !” Mais il y a encore pire, comme entendre des groupes de copines faire leur sélection en précisant : “Non, ne prends pas celui-là, il a un petit pénis.” Aucun homme ne peut supporter un commentaire aussi désobligeant. Personnellement, j’arrive à gérer, mais j’ai déjà vu des collègues en être affectés et pleurer en fin de soirée. On pense que les danseurs nus sont confiants, mais c’est faux. Comme tous les gars, nous avons aussi un complexe à ce niveau-là et mettre le doigt dessus de cette manière, c’est simplement blessant et injuste. »

* Les noms des personnes citées ont été changés pour préserver leur anonymat.

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