Waikiki perd quelque chose d’incommensurable avec la fermeture du Wailana. Voici quelques histoires qui nous ont été racontées par ceux qui connaissent le mieux cet endroit :Ian Stanley (perceur professionnel et transformiste) :Après avoir choisi une école, ma mère s’est rendue au Wailana pour un entretien universitaire, ce qui lui a donné un tout autre point de vue sur ce qu’elle voulait faire. Du coup, elle a rencontré mon père à la fac. On peut dire que, sans le Wailana, je n’existerais pas.« On portait des perruques et des costumes qui partaient en lambeaux. Le temps de finir le repas, on était quasiment nus et on essayait de se rhabiller avec des morceaux de fringues. Parce qu’on n’était pas là pour se changer. On voulait juste manger. »
« Une fois, un type est venu et il a donné les clés de sa voiture à la serveuse en guise de pourboire. La caisse était garée juste devant, et c’était un cabriolet. Elle a accepté. »
Je me suis installé à cette place tous les mardis et les jeudis des trois dernières années pour écouter la musique. Les gens peuvent venir et s’y asseoir, mais à 17 heures pétantes, le barman vient et leur demande de se lever, parce que c’est ma place.« Regardez cette carapace de tortue sur le mur. On ne voit plus ce genre de chose dans les lieux plus modernes. J’ai grandi près de l’île du Chinaman’s Hat, à côté de Kaneohe, sur l’île de Oahu, et je me souviens de l’époque où les gens capturaient des tortues et en faisaient des steaks au barbecue. »
On allait au Wailana en sortant de boîtes comme le Pink Cadillac, le Fusion ou le Wave Waikiki. Le mardi soir, c’était la soirée gothique, ou un truc comme ça. Un soir, c’était la soirée des groupes de musiciens de la fac. Mais le lundi, c’était du lourd. On avait l’habitude d’aller à un concours de danse au Wave. Et, peu importe qui gagnait le concours, on allait tous manger dehors, et le gagnant payait le petit-dej’ ou un truc comme ça, parce que le prix du vainqueur était de 100 à 500 dollars. Et on finissait toujours au Wailana. Jamais chez Zippy.Jade et l’autre serveuse étaient toujours contentes de nous voir débarquer, parce qu’elles nous connaissaient, moi et quelques autres filles, en drag. Et il y avait une serveuse. Mary. En langue mahu, « mary » est un terme local très utilisé pour manifester de la tendresse. Du coup, cette serveuse, Mary, pensait qu’on était constamment en train de l’appeler, alors que pas du tout.Pour mes 30 ans, on est allés au Wailana vers 8 heures du matin, et on a commencé avec les pancakes à volonté. On avait deux caddies garés devant la porte qui étaient prêts à nous emmener pour une balade. Après la balade, on est revenus au Wailana et on a fait un karaoké dans le bar à cocktail, vers 21 heures. Une autre fois, je me souviens être venue la veille de la Grande Course Aloha. Tous les touristes japonais étaient là, et mangeaient des spaghettis pour la course du lendemain. Au Wailana, il y a toujours eu des militaires, des drag queens et des personnes en tout genre. Tout le monde était toujours très ouvert et avenant. On avait parfois quelques bastons, mais rien d’excessif. L’ambiance était bonne.Kenton Tom (copropriétaire de Wailana) :Lorsqu’on a annoncé que le Wailana allait fermer, le restaurant a commencé à recevoir des tas de lettres et d’appels téléphoniques de personnes qui voulaient me dire combien ils aimaient cet endroit, combien ils se souvenaient des débuts du Wailana et des vacances qu’ils avaient passées ici. C’est fou. Je pense qu’on ne se rendait pas vraiment compte de la popularité de l’endroit.Je crois que l’une des raisons du succès du Wailana est sa localisation, dans ce qu’on considère comme les limites de Waikiki. Le centre de Waikiki est plus près de Sheraton, du Royal Hawaiian, du Outrigger. Donc on est assez proches des touristes, mais assez loin pour éviter la congestion, et que les locaux puissent tout de même y trouver leur place. Les touristes se trompent parfois parce que notre enseigne dit « coffee house » [café], et ils s’attendent à trouver un truc dans le style Starbucks. Alors qu’on est tout le contraire. On n’a pas de gros budget consacré à la publicité comme Denny’s ou IHOP. Mais les visiteurs voient beaucoup de locaux entrer chez nous, et c’est clairement la meilleure publicité.Nombre de nos employés ont travaillé avec nous pendant très longtemps. Certains pendant 20 ou 25 ans. Moi, j’ai commencé ici en 1977, mais je n’ai jamais pensé à reprendre tout seul le restaurant familial. Mon frère et ma sœur avaient chacun sa carrière, et après, ils sont venus me rejoindre au Wailana. J’ai été major de promo en école de commerce, et j’ai un diplôme en compta. Au début, je pensais aller travailler à New York. Mais je suis heureux d’être resté ici.Francis J. Tom (cofondateur de Wailana, extrait d'une lettre du menu) :Cher client :Je suis heureux que vous soyez ici. Merci d’être venu. Nous voulons que vous vous sentiez bien accueilli et nous allons nous occuper au mieux de vous, de votre arrivée jusqu’à votre départ. Chaque personne qui entre au Wailana est spéciale. Notre responsabilité est de nous assurer que votre repas sera agréable et que vous profiterez de tout le confort que nous pouvons vous offrir. Nous serons attentifs et ne lésinerons pas sur les efforts pour que vous puissiez savourer un bon repas, accompagné d’un service personnel de qualité, et nous nous montrerons à la hauteur du prix.Notre premier restaurant Wailana a ouvert en 1970 sur Ala Moana, et le succès qu’il a connu nous encourage à persévérer dans cette ligne. Ainsi, nous continuons de travailler dur afin de garder votre confiance. Revenez quand vous voulez. Merci.* Propos rapportés par James Charisma (sauf la lettre). Les entretiens ont été édités pour plus de clarté.« Au Wailana, il y a toujours eu des militaires, des drag queens et des personnes en tout genre. Tout le monde était toujours très ouvert et avenant. »
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