La Reine de l’horreur

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Culture

La Reine de l’horreur

Perfume Genius chante des chansons terrifiantes pour les homosexuels.

Si Cat Power et Liza Minnelli avaient un père gay, il aurait donné naissance à un dieu du sexe blême et sensible tel que Perfume Genius, aka Mike Hadreas. Ce natif de Seattle joue des ballades tristes au piano et apparaît dans ses clips aux côtés de drag-queens et de mecs en combinaison. Contrairement aux autres artistes gays, Hadreas n'a jamais peur de se pailleter le visage pour ensuite aller raconter aux journalistes qu'il espère que la drag-queen de son clip « Queen » fera « peur » aux hétérosexuels. Et, plus important, quand il reprend « By Your Side » de Sade, il peut vous faire jouir et pleurer en même temps.

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Je devais passer un peu de temps avec Handreas avant son concert au Music-Hall de New York, mais il avait dû annuler à la dernière minute. Il m'a quand même promis que la prochaine fois qu'il passait en ville, nous irions ensemble bouffer un truc bien crade (les gays aimant autant la malbouffe que la mauvaise pop). J'ai donc retrouvé Hadreas dans un snack quelques semaines plus tard, et nous avons discuté de Madonna et de pourquoi il adorait faire peur aux gens normaux.

VICE : Comment vous êtes-vous mis à composer des chansons tristes pour les garçons ?
Mike Hadreas : J'ai toujours voulu faire ce genre de trucs. Je m'y suis mis au piano pour de bon il y a cinq ans. Avant, je n'aimais pas le son de ma voix. Jusqu'à récemment, je ne pensais pas être un bon chanteur. J'ai toujours pensé que la chanson et le sexe devaient être des trucs à la portée de tous, mais pour moi, ça a toujours été compliqué.

Comment vous est venue l'idée de « Queen » ?
J'étais fou – je ressassais mes vieux complexes et intériorisais toutes les choses que les gens me disaient. Je me sentais mal de toujours me trimballer ces trucs. Parfois, en tournée, je descendais à une station-service avec mes ongles manucurés, en robe, et je sentais que je faisais peur aux gens. Maintenant je m'en tape : « Allez vous faire foutre. Je veux acheter des Skittles – laissez-moi passer ! »

Vous bossiez où avant de chanter ?
Je travaillais dans un hypermarché, une sorte de Wallmart en mieux. Je fabriquais des clés.

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Vous aimez les États-Unis ?
J'aime l'Amérique parce qu'il y a des chaînes de restaurants et des malls ouverts 24 heures sur 24. En Europe, tu ne peux acheter des clopes que dans des tabacs, et tous ferment à sept heures. Tout le monde devrait avoir le droit d'acheter une couverture, des cigarettes, de la bouffe et un flingue au même endroit.

Quelle est votre chaîne de restaurants préférée ?
J'adore la Cheesecake Factory. Leurs menus ressemblent à des bouquins. Mais quand les gens me demandent « où aller manger à Seattle ? », je leur recommande plutôt l'Olive Garden.

Pourquoi aimez-vous ce que les hétéros appellent la « malbouffe » ?
Parce que c'est bon, voilà. Je ne sais pas. J'aime la bouffe sophistiquée aussi ; j'aime l'intensité dans la bouffe. Je déteste les saveurs fades.

Vous reprenez des morceaux de Madonna et Sade. Pourquoi couper systématiquement les refrains ?
C'est comme ça que je fais. Je reprends « Oh Father » de Madonna et j'en garde les passages les plus tristes et les paroles les plus bizarres.

C'est chiant d'être labellisé « chanteur gay » ?
Eh bien, je suis un chanteur gay donc bon, je ne peux pas trop être en colère contre ça. Je suis assez explicite dans ce que je chante, je le pense vraiment. Je me sens assez déterminé sur ces questions, mais je crois que, parfois, les gens parlent plus de ça que de musique. Mais, je ne sais pas – c'est mon devoir, si l'on veut.

Quel est le plus grand malentendu à propos de vous ?
Je suppose que les gens me considèrent comme quelqu'un de blessé, au bout du rouleau, car ma musique dégage énormément de vulnérabilité. Mais parler de ces choses, c'est une preuve de courage. J'ai vu qu'un mec avait écrit : « Il fait de la musique avec une sensibilité dramatique digne d'un acteur de théâtre. » Sérieux ? Si Jack White avait quelque chose de sensible, les gens n'iraient pas dire : « Oh, il est si théâtral. » Va te faire foutre ! Bien sûr que qu'il y a du drame dans tout ça, mais quiconque fait de la musique a besoin d'un certain sens du drame. Ne serait-ce que pour penser [qu'il est] à la hauteur.

Photos : Matthew Leifheit