Football : la folle histoire des cheveux de l’équipe de Roumanie

En Roumanie, un dicton qui dit que « tout le monde est bon en foot et en politique ». Clairement, et voir l’état actuel du football et de la politique dans le pays, c’est totalement faux. Au cours des trois dernières décennies, la seule réussite locale sur le plan politique a été de renverser un dictateur et de rejoindre l’Union européenne et l’OTAN. Mais depuis que les sociaux-démocrates ont remporté les législatives en 2016, la Roumanie est empêtrée dans une profonde crise politique.

Côté ballon rond, ce n’est guère mieux. Il y a bien eu un âge d’or, dans les années 90, quand les Tricolorii, surnom de la sélection, ont participé à trois Coupes du monde consécutives – l’Italie en 90, les États-Unis en 94 et la France en 98 – montrant qu’ils pouvaient rivaliser avec les meilleurs. La presse parlait de génération dorée pour qualifier cette équipe emmenée par le « Maradona des Carpathes », un certain Gheorghe Hagi, une équipe qui a laissé une trace indélébile dans la mémoire du peuple roumain. Mais ça, c’était avant. Car cela fait vingt ans que la Roumanie n’a pas disputé une Coupe du monde.

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Malgré l’élimination en huitième de finale face à la Croatie (0-1), les joueurs roumains ont fait sensation lors du Mondial 1998. Après leurs victoires contre la Colombie et l’Angleterre, les joueurs se sont teints les cheveux en blond avant leur dernier match de poules face à la Tunisie. Ce relooking était censé célébrer ce début de tournoi réussi et renforcer la cohésion de l’équipe. Au moment d’affronter les Aigles de Carthage, les Roumains sont donc entrés sur la pelouse avec les cheveux blond platine, sauf le gardien Bogdan Stelea qui était chauve, et l’entraîneur, Anghel Iordănescu, en désaccord total avec ses joueurs sur la question capillaire. « Nous avons mis Dieu en colère », avait déclaré l’intéresse en conférence de presse après le match nul face à la Tunisie (1-1).

Gheorghe Hagi après le match face à la Tunisie. Photo de ERIC CABANIS/AFP/Getty Images.

« Lors d’une réunion deux jours avant notre premier match contre la Colombie, nous avions demandé à Monsieur Iordănescu s’il était prêt à se raser la tête en cas de qualification après les deux premiers matches, se souvient le milieu offensif Adrian Ilie. Quand il a accepté, nous avons décidé que s’il le faisait, nous nous teindrions les cheveux, mais nous devions d’abord battre la Colombie et l’Angleterre. »

Et c’est exactement ce qu’il s’est passé. « Après avoir battu l’Angleterre, nous devions d tenir notre promesse, ajoute Adrian Ilie. Au début, certains joueurs ne voulaient pas le faire, mais on a finalement convenu de tous le faire, en tant qu’équipe. Le personnel de l’hôtel nous a trouvé deux coiffeurs pour nous faire la coloration. »

L’opération était top secrète, les joueurs n’en parlaient même pas à leurs familles. « Nous l’avons fait après notre dernière séance d’entraînement, personne ne nous a vus », explique Ilie. À notre retour, les gens de l’hôtel pensaient que nous n’étions pas l’équipe de Roumanie et nos familles étaient sous le choc. »

L’équipe célébrant le but marqué contre la Tunisie. Photo de Alexander Hassenstein/Bongarts/Getty Images.

Dans une interview qu’il a donnée il y a huit ans, l’attaquant Gheorghe Craioveanu se souvenait de l’eau de Javel qui brûlait son cuir chevelu et des touffes de cheveux qu’il perdait. « Ils nous ont massacré le crâne », expliquait-il avant d’ajouter : « C’était si douloureux que je ne pouvais dormir que d’un côté pendant trois jours. Je pense que quelque chose d’étrange s’est passé après que le coiffeur ait enveloppé nos têtes avec du papier d’aluminium. »

« J’ai eu de la chance, parce que j’avais les cheveux courts à ce moment-là, ce n’était pas si moche, mais cette étrange couleur n’allait pas du tout à ceux qui avait les cheveux longs », poursuit Craioveanu. Cette teinture a été difficile à encaisser pour le sélectionneur, les familles, mais aussi pour les commentateurs qui éprouvaient les pires difficultés à différencier les onze joueurs roumains sur le terrain. « On ne pouvait pas vraiment dire qui était qui sur la pelouse », se remémore Emil Grădinescu, qui a commenté les matchs du Mondial 98 pour la télévision nationale roumaine. J’avais entendu une rumeur selon laquelle les joueurs avaient décidé de se teindre les cheveux, mais je n’y croyais pas vraiment. Je n’étais pas prêt à voir toutes ces têtes blondes sortir du vestiaire. Les commentateurs étrangers venaient me demander ce qu’il se passait, et je n’en avais aucune idée. »

Le coach roumain Anghel Iordănescu avait accepté de se raser la tete si l’équipe remportait ses deux premiers matches. Photo de Alexander Hassenstein/Bongarts/Getty Images.

Comme Iordănescu, Grădinescu estime que la teinture a desservi les Tricolorii. « Les joueurs se croyaient en vacances. Nous avons eu un peu de chance face à la Tunisie, avant de nous ridiculiser contre la Croatie. » Il est possible que ce soit une certaine forme de suffisance, ou de détachement, qui ait engendré cette décoloration collective. Même le grand Michel Platini a prévenu les jeunes footballeurs roumains de ne pas prendre exemple sur l’équipe de 1998 si jamais ils voulaient gagner.

Depuis, les internationaux roumains ne se sont plus décolorés les cheveux. Pourtant la sélection n’a plus participé à une Coupe du monde. Preuve que ce n’est finalement pas une question capillaire, mais bien de talent.

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