Lundi 17 janvier, Emmanuel Macron saluait en grande pompe le rebond de la natalité en France. Problème, le faire-part de naissance concernait la 25e société hexagonale valorisée à plus d’un milliard de dollars et pas un adorable bambin. Pour le président de la République, l’occasion était trop belle de renouer avec l’esprit poussiéreux de la « start-up nation », slogan brandi lors de sa campagne en 2017 en même temps que la promesse d’un pays prospère. Si la pandémie a été une aubaine pour les licornes de la French Tech, qui ont signé une levée de fonds historique en 2021, elle l’a été – sans surprise – encore plus pour les milliardaires.
« S’ils se sont enrichis, ce n’est pas grâce à la main invisible du marché, ni par les choix stratégiques brillants mais principalement en raison de l’argent public versé sans condition par les gouvernements et les banques centrales dont ils ont pu profiter grâce à une montée en flèche des cours des actions »
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Selon un rapport d’Oxfam, publié le même jour, la crise a bien profité aux plus riches. À partir des données du magazine Forbes, l’ONG britannique a calculé le gonflement spectaculaire de la fortune des milliardaires français qui, de mars 2020 à octobre 2021, a augmenté de 236 milliards d’euros pour atteindre les 510 milliards. Une hausse de 86 % et un enrichissement plus rapide sur les 19 mois de pandémie que lors de la dernière décennie – leur fortune n’avait augmenté que de 231 milliards entre 2009 et 2019.
Oxfam rappelle que la France compte actuellement 43 milliardaires, soit quatre fois plus qu’après la crise financière de 2009 – et parmi les petits nouveaux, Stéphane Bancel, PDG du laboratoire Moderna. Quant au Top 5, composé de Bernard Arnault (LVMH), Françoise-Meyers Bettencourt (L’Oréal), François Pinault (Kering) et des frères Alain et Gérard Wertheimer (Channel), il a vu son poids économique doubler. Il possède aujourd’hui autant que les 40 % des Français les plus précaires.
Dans un communiqué de presse, Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France souligne que si la pandémie a été fructueuse pour les milliardaires, rien n’aurait été possible sans un petit coup de pouce du destin : « S’ils se sont enrichis, ce n’est pas grâce à la main invisible du marché, ni par les choix stratégiques brillants mais principalement en raison de l’argent public versé sans condition par les gouvernements et les banques centrales dont ils ont pu profiter grâce à une montée en flèche des cours des actions. » Loin du storytelling savamment alimenté qui voudrait que les riches gagnent de l’argent à la sueur de leur front, Libération ajoute que les fortunes d’Arnault et consorts, assises sur la valeur des participations dans les entreprises qu’ils dirigent et/ou détiennent, ont été consolidées par les politiques publiques de soutien à l’économie – l’afflux d’argent ayant entraîné une ruée sur les marchés d’actions.
Le constat est le même pour les milliardaires à l’étranger. On en comptait 2 095 au début du Covid-19 ? Ils sont 2 755 fin 2021. Toutes les 26 heures, un nouveau milliardaire rejoint les rangs de Jeff Bezos, Elon Musk ou Gautam Adani. Avec son rapport, Oxfam anticipait le lancement de l’édition 2022 du Forum économique de Davos, finalement reportée, ce grand raout annuel des élites économiques mondiales qui réunit dirigeants d’entreprises et responsables politiques autour de slides finement ciselées par des experts de chez McKinsey.
Parmi les solutions invoquées pour limiter le fossé, l’ONG suggère une « taxe exceptionnelle de 99 % sur les revenus provenant de la pandémie des dix hommes les plus riches » qui « permettrait de produire assez de vaccins pour le monde, fournir une protection sociale et médicale universelle, financer l’adaptation au climat et réduire la violence liée au genre dans 80 pays ». Ce n’est pas la piste envisagée par le gouvernement à en croire Olivier Dussopt, ministre délégué en charge des Comptes publics, qui se félicitait d’avoir su protéger l’appareil productif et assurait en septembre dernier que l’impôt sur les sociétés continueraient de baisser en 2022 – il atteindra 25 % contre 33,3 % en 2017.
Même si l’ancien prix Nobel d’économie, Paul Krugman, encensait récemment le modèle économique français dans une de ses tribunes publiées par le New York Times, Oxfam rappelle qu’en France, la crise a provoqué une intensification de la pauvreté : sept millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire pour vivre, soit 10 % de la population française, et quatre millions de personnes supplémentaires sont en situation de vulnérabilité.
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