Gaming

J’ai passé deux jours sur des chaînes Twitch d’animaux

En 2022, vous pouvez regarder des loutres jouer dans leur bassin depuis votre canapé, entre deux parts de pizza.
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Crédits : Arthur Morris / Getty.

Des loutres qui jouent avec des frites dans leur bassin, des lamas au pelage soyeux perdus dans leur steppe enneigée, des fourmis affairées dans leurs tubes transparents, des lapins, des loups, des chats, des tigres et des koalas… Depuis quelques années, on ne compte plus le nombre d’animaux de basse-cour, créatures sauvages et saugrenues que l’on peut observer en direct sur Twitch, confortablement installé dans son canapé.

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Longtemps réservée à la culture gaming, la plate-forme entame tranquillement sa transition pour devenir un équivalent moderne de la télévision. Après ses émissions de plateau et ses programmes de téléréalité… voici maintenant les documentaires animaliers. Un phénomène qui n’a rien de totalement inédit sur la plate-forme qui accueille ce genre de vidéos depuis déjà plusieurs années de façon éparse. Depuis novembre dernier, ces streams animaliers ont toutefois eu droit à leur propre rubrique, entre League of Legends et Piscines, jacuzzi et plages : Animaux, Aquariums et Zoos. Tout un programme. 

« Il m’arrivait déjà de regarder des streams de chats ou celle avec les alpagas, alors je me suis dit que moi aussi je pouvais en faire profiter d’autres amoureux des animaux » – Doris

Naturellement, j’ai donc passé des heures devant mon écran à admirer de mignons petits chats qui s’agitent sur une musique guillerette qui tourne en boucle et à observer un vieux crocodile se prélasser sur de la musique country des années 50. Pour beaucoup, cette sous-culture émergente des streams d’animaux est un moyen comme un autre de se connecter à la demande avec la nature, à l’environnement et aux animaux qui y vivent, à n’importe quelle heure de la journée et de n’importe où. Pour les créateurs, c’est aussi une opportunité en or pour gagner en visibilité voire même de se faire un peu d’argent. 

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Des sacs, des bracelets et des pins de chat

Dans cet univers molletonné où la guerre et les maladies n’existent pas, la majorité des vidéos proposées le sont par des particuliers. Des passionnés de petites bestioles en tous genres qui partagent leur amour à l’aide de quelques caméras placées stratégiquement. Comme bien souvent, les japonais sont les champions incontestés de la discipline. Avec des salles remplies de chatons qui se jouent de la faiblesse des spectateurs sur une musique guillerette. Certains en profitent même pour vendre des petits goodies à l’effigie de leurs compagnons, connus depuis bien longtemps comme un outil marketing à la puissance inégalée. 

En France, les créateurs animaliers se font plus discrets. Pour l’instant, on n’en compte pas plus de trois enregistrés sur la plate-forme. « À l’origine j’avais installé des caméras pour surveiller que mes rats n’étaient pas embêtés par les autres animaux, raconte Doris, 57 ans et propriétaire de quatre rats appelés Kiwi, Pêche, Pomme et Prune. Comme ça je pouvais toujours garder un oeil sur eux depuis mon ordinateur. Il m’arrivait déjà de regarder des streams de chats ou celle avec les alpagas, alors je me suis dit que moi aussi je pouvais en faire profiter d’autres amoureux des animaux. »  

Ce qui semble plaire à beaucoup d’internautes, c’est principalement le bonheur d’observer ces petites boules de poil sans avoir peur de les déranger. Certains créateurs ajoutent même des bandes musicales ou sonores pour appuyer cet aspect ASMR. Un petit shot de tranquillité en regardant des loutres faire la planche dans leur bassin canadien. Une fenêtre sur la vie réelle des animaux dans un cadre apaisé et sans avoir besoin de se contorsionner pour apercevoir un bout de leur museau. Avant d’installer des caméras, Fred, 40 ans, avait du mal à voir ses crabes vampires ingénieusement cachés sous leurs rochers. Désormais, il sait exactement à quelle heure du jour et de la nuit, ses petites bêtes s’activent et offrent le plus beau spectacle. 

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Un abonnement pour une friandise

Malgré tout, les chaînes ne rencontrent pas toutes le même succès et la plupart de ces adorables bestioles s'animent encore devant une salle vide. Les quelques chaînes recevant le plus de spectateurs, entre 500 et 1500 en moyenne, viennent la plupart du temps du continent américain. Sur les différentes chaînes de l’américain Farmer Spencer, les internautes peuvent observer poules, canards et autres volailles d’une façon plus ludique encore. 

« Pour l’instant, les dons et abonnements générés par la plate-forme ne couvrent qu’une petite partie du coût lié à l’installation et la maintenance du stream » – Mark Ode

En payant des abonnements ou des dons, les spectateurs peuvent changer de point de vue de caméra et envoyer automatiquement de la nourriture aux vingt canards qui pataugent dans son lac. Un simple retweet sur leur chaîne peut également proposer le même genre de friandises. Une façon plutôt maligne d’inciter les internautes à soutenir la chaîne, que ce soit financièrement ou en visibilité.  

Car c’est avant tout pour cette raison que la majorité des chaînes sont présentes sur Twitch. Même si le nombre de spectateurs fait pâle figure à côté des stars de la plate-forme, cela relève malgré tout d’une aubaine pour les organisations et associations de protection des animaux, dont le business est tombé en berne en pleine épidémie. « L’objectif de cette chaîne était d’abord d’essayer de toucher une nouvelle audience, estime Mark Ode, le directeur adjoint du Wolf Conservation Center de New York. De nombreux organismes utilisent la plate-forme comme d’un outil d’éducation plus que comme une réelle source de revenus. » 

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Une opportunité financière pour les centres

Bien avant leur arrivée sur Twitch, le centre proposait déjà aux internautes de regarder des streams de leur trentaine de loups directement sur leur site. La démocratisation de Twitch ces dernières années et la création d’une rubrique spécialisée n’ont fait que renforcer leur envie d’investir dans ce dispositif. Même si pour l’instant, le streaming animalier offre principalement de la visibilité pour ces organismes, certains envisagent de pouvoir un jour en tirer des revenus. « Pour l’instant, les dons et abonnements générés par la plate-forme ne couvrent qu’une petite partie du coût lié à l’installation et la maintenance du stream, mais à terme, on aimerait bien pouvoir financer une partie de nos projets grâce à ces revenus », confie Mark Ode.

 Pour l’instant, le directeur adjoint du centre de loups estime que le stream n’a pas de réelle influence sur les entrées dans le parc, puisqu’il s’adresse plutôt à un public international. Malgré tout, le nombre de spectateurs sur leur chaîne ne fait qu’augmenter tous les mois. « Certains spectateurs passent plus de quinze heures sur le stream chaque jour, confie Mark Ode. C’est une façon pour eux de découvrir leurs habitudes et d’en apprendre davantage sur les espèces en danger. Le meilleur moment c’est probablement quand les loups se mettent à hurler, le chat est toujours très impressionné à ce moment-là. »

Qu’il s’agisse de loups, de loutres ou d’animaux marins, les animaux sont en train de devenir des stars comme les autres sur la plate-forme. « Le fait que Twitch soit investi par des organisations n’est pas étonnant, estime le chercheur Samuel Coavoux. C'est ce qui est arrivé à YouTube, etc., en devenant populaire, de passer de contenus produits par des amateurs à des contenus professionnalisés et ce qui se passe maintenant que les grandes entreprises ont découvert que Twitch permettait de toucher les jeunes qui ne regardent plus la télé. »

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