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Gabriel Paletta, l’espoir déçu de Liverpool devenu l’icône du Milan AC

A l’aube du XXe siècle, des millions d’Italiens ont quitté leur pays pour tenter leur chance en Argentine. Parmi ces voyageurs en quête de fortune, Vincenzo, jeune homme de Crotone, décide de s’installer à Longchamps, dans la province de Buenos Aires. C’est là que, deux générations durant, sa famille s’enracine dans son pays d’accueil. Jusqu’à ce que le neveu de Vincenzo, un certain Gabriel, s’engage dans une odyssée qui le ramène à des milliers de kilomètres, là où l’histoire familiale a commencé : en Italie.

Une histoire de retour au pays comme des milliers d’autres, à l’exception près que celle-ci fut particulièrement brillante. En 2005, après avoir joué un rôle majeur dans la victoire de l’Argentine lors de la Coupe du monde des moins de 20 ans, Gabriel, Paletta de son nom, commence à être scruté par Liverpool, séduit par le profil de ce jeune défenseur central. Un an plus tard, dans l’euphorie du miracle d’Istanbul, Rafa Benitez décide d’accueillir Gabriel Paletta sur les bords de la Mersey. Tout s’annonçait bien pour lui, puisque le coach le compare à son arrivée à une référence locale, Jamie Carragher.

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Malheureusement pour lui, Gabriel Paletta ne connaît pas vraiment la même réussite que son aîné chez les Reds. Trois petits matches joués seulement, et le jeune homme est invité à faire ses valises. A 21 ans, Paletta est déjà de retour en Argentine, la queue entre les jambes.Cette incapacité à s’imposer dans les effectifs des plus grands clubs européens a signé la fin de la carrière de nombreux joueurs sud-américains. Parmi les coéquipiers de Paletta vainqueurs de la Coupe du monde des moins de 20 ans, beaucoup ont immédiatement rejoint l’Europe, Julio Barroso, Pablo Vitti, Rodrigo Archubi pour citer des noms. La plupart d’entre eux ont connu le même échec que Paletta, rentrant anonymement en Argentine.

Paletta devait devenir le nouveau Carragher

Mais les Gauchos Italianos, le surnom des italo-argentins, n’ont pas l’habitude de baisser les bras facilement. Gabriel Paletta honore cette réputation. Né dans une famille qui a connu les affres de l’expatriation, le bonhomme a patiemment attendu sa seconde chance pour revenir sur le Vieux Continent. Avec patience, puisqu’il s’écoule trois longues années avant que le défenseur ne fasse son retour, et encore, par la petite porte. Après s’être refait une santé sportive avec Boca Juniors, il s’engage avec Parme en 2010. En 2015, il est transféré au Milan AC, où il est aujourd’hui devenu un taulier d’une défense relativement imperméable (la sixième de Serie A cette saison, avec 28 buts encaissés en 24 matches). Costaud, dur sur l’homme et très à l’écoute de ses entraîneurs, à force de labeur et de volonté, Gabriel est devenu un symbole de ce foot besogneux, engagé et généreux, qui fait encore rêver les nostalgiques du foot d’avant la surmédiatisation et les transferts mirifiques. Dans un monde où les talents bruts dépérissent aussi vite qu’ils ont éclos, où la moindre contrariété et le moindre coup dur brisent une carrière toute tracée, Paletta est un exemple de constance, de ténacité, qui montre que la volonté compte parfois plus que les qualités naturelles.

Une chose est sûre, Gabriel n’a pas le dixième de talent d’un Cassano, d’un Balotelli, d’un Vitti ou d’un Barroso. C’est aussi la raison pour laquelle, tout au long de sa carrière, il n’a jamais eu l’opportunité de se reposer ne fut-ce qu’une seule seconde sur ses lauriers. Au fil des années, sa faiblesse est ainsi devenue sa meilleure arme. A l’inverse des autres gamins qui étaient convaincus que leur seul talent suffirait à les distinguer, Paletta a travaillé dur, muré dans un mutisme total. Et tandis que les stars de sa génération disparaissaient peu à peu des écrans radars, lui atteignait lentement mais sûrement le sommet de sa carrière. Une juste récompense pour les sacrifices consentis et l’irréprochable état d’esprit affiché pendant toutes ces années.Cette éthique d’anti-héros, si éloignée des conventions contemporaines, Paletta l’a construite à rebours du modèle dominant : ni sponsors mirobolants, ni shootings clinquants. Encore moins de groupes de fans hurlant son nom. Mais tout cela n’est rien pour un amoureux du foot comme Paletta. Taper dans un ballon n’a aucun sens pour lui s’il s’agit de gagner gloire et célébrité. Il s’agit d’un boulot, au sens noble du terme, une tâche qui exige d’être accomplie avec un maximum d’engagement et de sérieux.

Paletta et sa nouvelle coupe de cheveux face à Huguain

Ceux qui cèdent à la facilité auront beau jeu de se moquer de Gabriel : son âge (30 ans), son look, son relatif anonymat, tous ces éléments font de lui l’anti-héros absolu. Mais, dans le foot comme dans la vie, ceux qui encaissent les préjugés et les avanies pour mieux s’en inspirer et évoluer ont gain de cause in fine. C’est exactement le cas d’un mec comme Gabriel Paletta. Malgré les vannes et les critiques, Paletta n’a jamais été aussi constant que cette saison, Match après match, il s’est imposé comme le taulier de la défense centrale du Milan AC. En même temps qu’il atteint la trentaine, généralement considérée comme le début du déclin dans une carrière de footballeur, Gabriel Paletta, lui, gagne le respect qu’on lui a toujours injustement refusé.

A vrai dire, il avait déjà gagné sa bataille pour une reconnaissance en 2014, lorsque le sélectionneur italien Cesare Prandelli lui avait fait l’honneur d’une convocation pour la Coupe du monde. Réaction immédiate de la presse, toujours bonne pâte : « Il n’est même pas italien ! » ou « Regardez sa coupe de cheveux ». Stoïque, Paletta a encaissé les critiques avec la même humilité et le même professionnalisme qu’il avait accueilli son bannissement d’Anfield en 2006.

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Seule réponse de l’intéressé : « J’ai appris l’hymne national par coeur, et je le chanterai au Brésil. » L’opportunité d’honorer sa parole s’est vite présentée, puisqu’il est titularisé pour le premier match de la Squadra Azzura contre l’Angleterre, remporté 2-1. Sans surprise, Paletta ne manque pas à sa promesse et entonne à pleins poumons Inno di Mameli. Le début rêvé pour un conte de fées que je pourrais vous raconter si nous étions dans la fiction : Paletta, critiqué, guidant les siens vers une victoire en Coupe du monde inespérée sur des tacles salvateurs avant d’inscrire le but vainqueur en finale d’une tête rageuse. Le scénario idéal, non ?

Bien sûr, ce serait une histoire parfaite. Mais la vie n’est jamais parfaite. Paletta ne sera plus titularisé pendant cette Coupe du monde qui restera tristement connue, ou gaiement oubliée c’est selon, comme l’une des pires de l’histoire du foot italien. Ce fut non seulement un naufrage collectif, mais aussi un fiasco personnel pour Paletta, très critiqué dans la presse, La Gazzetta dello Sport lui accordant un 4,5/10 assassin, comparant ses prestations à celles réalisées à Liverpool. Dans ce contexte, difficile d’assurer que 2014 fut le début des récompenses pour Paletta ? Et pourtant.

Le seul et unique but de Paletta avec le Milan AC

En fait, Paletta a remporté cette bataille pour la reconnaissance lors de cet après-midi torride au Brésil. Avant de jouer pour un grand club, avant d’acquérir lentement mais sûrement le statut de défenseur de confiance, avec cette sélection en équipe nationale, Paletta avait déjà mis fin à sa crucifixion médiatique injustifiée. En posant le pied sur la pelouse, Paletta a dû ressentir une émotion qu’aucune critique, aussi assassine puisse-t-elle être, n’estompera jamais. et comme toujours, il n’en a rien laissé paraître, avec cette pudeur et cette touche de timidité qui lui est propre, et qui disparaît au moment où le coup d’envoi du match est donné.

Gabriel Paletta n’est peut-être pas le meilleur défenseur central du monde, et personne n’oserait le prétendre. Malgré tout, avoir su faire face à toutes ces critiques, toutes plus injustifiées les unes que les autres, n’a fait que renforcer la plus belle de ses qualités : ne pas répondre avec des morts, mais avec son coeur.