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Gagner sa vie en jouant sur des navires de croisière

« J’ai l’impression d’être une rockstar, les passagers me considèrent comme un dieu » « Tout le monde s’attend à ce qu’un jour, un gros producteur dans le public te repère et veuille te signer. Mais ça n’arrive jamais. J’adorerai faire partie d’un vrai groupe -même Nickelback- mais ça n’arrivera pas. Tous ceux qui assisteront à ton concert t’auront oublié dès la fin de la croisière, et pour l’éternité. »

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Brandon, à la basse, avec son groupe Blue Avenue
musicien de croisière « c’est le job le plus peinard qui existe. La plupart du temps, on est planqué dans un salon à l’arrière, et on joue pour des vieux. On ne joue que les reprises qu’on veut. » « D’une certaine manière, les artistes sont traités comme les clients »
« Tu manges là où les clients mangent, tu peux même trinquer avec eux. Tu peux rencontrer des gens vraiment intéressants et traîner avec eux, comme ça, ils ont un peu l’impression de faire partie du truc « Je suis sortie avec un cuisinier sur le bateau » « il travaillait toute la journée, avait une pause de deux heures durant laquelle il pouvait sortir prendre l’air, puis il retournait bosser. C’est une bien triste vie. »
attaqué par des pirates Lindsey (au centre) à bord de l’Oceania Regatta « Je ne pouvais même pas prendre l’ascenseur parce qu’il n’était pas équipé de caméras »
« mon contrat stipulait que je ne pouvais avoir ni interactions ni contacts physiques avec les clients sur le bateau. Toutes ces filles friquées venaient me tourner autour, complètement ivres, ‘ ‘ et je devais me contenter de leur dire ‘ ‘. »
« tu n’as rien à payer, la nourriture, la chambre et la pension sont gratuites. Et toutes les deux semaines, on te file une liasse de billets de 100 $. » « Ces mecs viennent des Philippines, ils me parlaient de leurs familles, de leurs copines ou de leurs femmes, qu’ils travaillaient sur le bateau pour se faire de l’argent afin de rentrer ensuite six mois chez eux au cours desquels ils n’auront pas à travailler. Ça doit être bizarre. Tous ces gens qui travaillent dans la salle des moteurs vivent en fait dans des palaces chez eux ».

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En mer, il n’y a ni wi-fi, ni réseau, toutes les connexions avec la terre sont coupées. « Tu te sens vraiment seul » nous confie Omar. « Tu n’as rien à faire de la journée. Tu te contentes d’attendre ton prochain concert, ou d’attendre que le bateau fasse escale pour profiter un peu du soleil ». Non-fumeur à la base, Omar a commencé à prendre l’habitude de fumer, « quand tu es sur un navire de croisière, tu ne peux pas t’empêcher de fumer, il faut combler l’ennui. »

Les souvenirs d’escales se confondent. Lindsey raconte : « Nous étions à Monte Carlo, le port préféré des types de l’équipage qui étaient devenus mes amis. Je leur ai demandé pourquoi ils aimaient ce coin en particulier et ils m’ont répondu ‘parce qu’il y a un McDo‘. C’est l’une des choses les plus tristes que j’ai jamais entendues ».

Vu la taille des locaux, l’intimité dont bénéficie les employés est vraiment minimum. « Tout devenait très envahissant » raconte Lindsey, « tu ne pouvais pas te cacher. Tout le monde savait quand tu étais à la salle de sport, au bar ou en concert. Quand tu rentrais dans ta cabine le soir, le mec bizarre qui t’avait scruté toute la soirée savait dans quelle chambre tu allais dormir. »

Malgré l’isolement – ou peut-être grace à l’isolement – beaucoup de gens sur le bateau considèrent la croisière comme un passeport pour la liberté. Lindsey se souvient : « J’étais devenu pote avec ce type sur le navire, un mec complètement fou. C’était un directeur artistique, et je crois qu’il essayait d’échapper au fisc. Il avait détourné de l’argent et cherchait à se faire oublier pendant quelques mois ».


Brandon et sa guitare

Pour Greg, « c’est une toute autre vie. Tout le monde me demandait ce que je cherchais à fuir. Parce que la plupart des gens sur ces navires fuient des problèmes auxquels ils ne peuvent faire face chez eux. Moi, j’en avais juste marre d’être coincé à Chapel Hill. Mais pour d’autres, ça allait bien au-delà. On m’a quand même sorti des trucs du genre : ‘Je suis fiancé, je déteste les gays, mais j’ai envie de te sucer dans les toilettes‘. »

Brandon a un paquet d’anecdotes, comme la fois où son groupe finissait de jouer pour le nouvel an, et qu’un passager a « baissé son pantalon et fait l’hélicoptère avec sa bite sur la piste ». Après quoi, la sécurité est arrivée et a tabassé le type. Ou cette fois où il s’est travesti pour Halloween et qu’un Bulgare d’une cinquantaine d’années a tenté de lui attraper le sexe.

Brandon m’a plus tard confié : « c’est exactement comme la fac : le boulot est toujours le même, mais il se passe tout le temps des trucs débiles. »


Drew Millard en est déjà à sa cinquième croisière. Il est sur Twitter – @drewmillard