FYI.

This story is over 5 years old.

Stuff

Des moniteurs parlent des pires enfants qu’ils ont dû gérer en colonie de vacances

Les infamies que l'on voit lorsqu'on s'occupe de monstres en puissance.
Photo via Flickr.

En France, s'occuper d'adolescents en vacances est un job éreintant. Les animateurs ont la lourde tâche de les ramener tous vivants à leurs parents, malgré leurs tentatives répétées pour se mettre dans les pires situations possibles. Parce qu'ils veulent profiter de l'absence de leurs géniteurs pour assouvir des mois de frustration à l'école, ou simplement, parce qu'ils sont immatures et incapables de s'occuper d'eux-mêmes. Il s'agit d'un job qui nécessite donc de savoir garder son calme, de mener des enquêtes en suivant les odeurs de weed pour trouver les coupables, ou encore d'analyser des dessins réalisés au caca afin d'attraper l'auteur – et de le punir.

Publicité

De plus, réunir une centaine d'enfants et d'ados dans un même endroit, avec une dizaine de titulaires d'un BAFA payés au SMIC – entre 40 et 45 euros par jour, selon Animnet, site de recrutement de monos français –, fatigués par les rondes de nuit et la possible future disparition des colonies de vacances, est une bonne façon de fabriquer des situations infernales. Et les gosses, méchants et ingrats comme chacun le sait, sont inventifs dès qu'il s'agit de faire des conneries.

Selon mes différents interlocuteurs, les animateurs doivent assumer des cas difficiles. Jeunes tributaires de problèmes psychiatriques, gosses de riches qui estiment que les encadrants sont leurs domestiques ou autres gamins forcés de partir en colonie par leurs parents et qui n'ont aucune envie d'être là. Après leur saison, certains animateurs sont encore paniqués par les fugues incessantes d'un ado à problèmes ou par les alarmes incendie déclenchées chaque veille de fin de séjour. Je leur ai demandé de me raconter ce qu'ils ont vu de la France à travers ses ados irresponsables. À leur demande, j'ai modifié leurs prénoms.

Virgile, 24 ans, animateur, 6 années d'ancienneté

« Lors de mon stage pratique pour valider mon BAFA, j'ai travaillé deux mois dans un centre de loisirs. Les gamins et l'équipe étaient supers. Tout se serait bien passé si on n'avait pas eu affaire à un artiste scatophile qui étalait sa merde sur les murs et les portes des toilettes.

Au début, on a blâmé l'équipe de l'entretien, qui ne laissait jamais assez de papier toilette pour la journée. On s'est dit qu'un petit avait dû chercher un moyen de s'essuyer et qu'il avait un peu « déliré ». Sauf que ça a continué. C'était quasiment tous les jours – et ça devenait franchement dégueulasse. Avec l'équipe, on a mis en place des rondes. On ne devait plus jamais laisser les enfants seuls aux toilettes.

Publicité

Un jour, il a même dessiné une sorte de maison avec sa merde. J'ai cru que j'allais vomir. L'odeur était insupportable. La lubie de cet enfant a duré deux semaines. À la fin, on faisait même plus attention. C'était devenu une blague entre animateurs. Tous les jours, en fin de journée, on réalisait que le scatophile avait encore frappé.

Les enfants ont un rapport assez bizarre au caca. Dans une colonie d'ados à la montagne, lors de la dernière soirée – et donc de la traditionnelle boum –, on avait retrouvé une merde en plein milieu de la salle. On a dû tout arrêter. Évidemment, personne ne s'est dénoncé. Dégueulasse. Quant au petit artiste scatophile de la colo, on ne l'a jamais attrapé. »

––––

Photo via Flickr.

Marion, 23 ans, directrice adjointe, 5 années d'ancienneté

« C'était lors d'une colonie de surf. On avait un gosse de riche insupportable, qui à 12 ans, réussissait à boire de l'alcool et fumer de la beuh tous les soirs. Mais ça, on l'a appris au bout de quelques jours. Il était en classe de 5 e mais était déjà assez malin, avec une technique bien rodée. Il devait faire pareil chez lui.

Pour ce faire, il versait de l'alcool dans des petites bouteilles d'Ice Tea et les cachait ensuite dans le réservoir de la chasse d'eau, aux toilettes. Même stratagème pour la weed. Tous les matins, il se levait avec une sale tête ; vite, on a commencé à le soupçonner de se défoncer. On s'est donc mis à surveiller sa chambre et on a fini par le gauler au bout de quelques jours, en suivant les odeurs de weed qui émanaient des couloirs. En plus de ça, il insultait tout le monde. Et il cassait méthodiquement tout ce qu'il se trouvait autour de lui.

Publicité

Il avait une phrase préférée : "je t'emmerde et je t'encule". Je rappelle qu'il avait 12 ans. Tout ce qu'il avait réussi à nous dire pour expliquer son comportement, c'était "je suis précoce, je suis trop intelligent alors je m'ennuie et je dois faire des conneries". Ses parents, au téléphone, étaient effondrés, puisque leur fils s'était déjà fait virer du collège – à présent, il se faisait virer de la colo. Ils sont venus le récupérer et quand ils lui ont demandé de me dire au revoir, il a répondu : « je l'emmerde la directrice ». J'ai cru que sa mère allait fondre en larmes. »

––––

Il avait une phrase préférée : « je t'emmerde et je t'encule ». Je rappelle qu'il avait 12 ans.

Ahmed, 22 ans, animateur, 5 années d'ancienneté

« J'avais 18 ans à l'époque et j'étais en colonie pour valider mon stage BAFA. On avait un jeune de 10 ans, trimballé de colos en colos tout l'été – et de foyers en foyers le reste de l'année. Plutôt gentil, enthousiaste et visiblement heureux d'être avec nous pendant ces deux semaines, il était légèrement hyperactif et passionné par le poney, l'activité principale du séjour. Ses vacances avec nous se terminent, il part sur un autre centre.

Quelques jours après, un parent nous appelle, catastrophé. Son fils venait de lui raconter comment, toutes les nuits, un petit garçon de sa chambre lui demandait de le tripoter et le toucher. Après rapide enquête, on a compris que c'était le petit garçon mignon qui écumait les foyers. Personne n'avait rien vu. On prévient alors le centre où il se trouvait et l'équipe comprend, en demandant aux enfants, que là-bas aussi, il a fait la même chose. C'était déjà trop tard.

Publicité

Les parents ont porté plainte. Je me suis retrouvé au commissariat et j'ai appris qu'il y avait aussi eu masturbation. Je sais que le petit a été viré de son foyer et je ne sais pas ce qu'il est devenu. Apparemment, ce n'était pas la première fois qu'il faisait ça, mais personne n'a daigné nous prévenir. On l'avait donc traité comme un enfant lambda. »

––––

Anaëlle, 21 ans, animatrice, 2 années d'ancienneté

« C'était une de mes premières colonies, j'avais 19 ans. C'était un séjour avec des 4-10 ans en Normandie. On imagine que les petits sont plus calmes, mais ils ont déjà une imagination débordante quand il s'agit de faire des conneries.

Nous passions une super après-midi tous ensemble à la piscine et toujours aucun accident à déplorer. Je fais des jeux avec les gamins dans l'eau, jusqu'au moment où je distingue une merde flotter devant moi. Là : alerte générale.

On sort tout le monde de l'eau, on met tous les enfants face à nous et on tente de trouver le coupable. C'était crade mais tellement drôle qu'on avait du mal à garder notre sérieux. Là, on demande au responsable de se dénoncer et de s'excuser. Un petit lâche une énorme caisse. On avait eu notre réponse. Résultat, on a condamné la piscine pendant trois jours afin de désinfecter tout ça.

Ce petit qui avait avoué s'être lâché impunément dans notre piscine enchaînait les conneries. Un jour, avant le repas, il m'a dit qu'il allait aux toilettes. On commence à dîner, il n'était pas revenu. Je vais le chercher, il est introuvable. Là, je réalise qu'il manque un mini-quad. J'avais un collègue assez incompétent qui laissait toujours les clés sur le contact. Le petit n'était pas con, il l'avait remarqué et il s'était barré en balade dans l'immense jardin de la ferme. En me voyant arriver, hyper énervée, il a paniqué et s'est pris le talus de la piste de moto. Il a fait un énorme vol plané et le quad lui est retombé dessus. Heureusement, il n'a pas été blessé. »

Publicité

––––

Dès que l'animateur l'a lâché, le jeune type s'est barré en courant, en hurlant qu'il "fuguait" ; on l'a retrouvé une petite heure après, à 500 mètres du centre.

Photo via Flickr.

Marine, 23 ans, directrice, 6 années d'ancienneté

« J'étais pour la première fois directrice de séjour, pour tout l'été, au bord de l'océan. Comme tous les étés, on s'apprêtait à recevoir quelques enfants venus de foyers. Parmi eux est arrivé un ado de 16 ans. C'est un beau garçon aux yeux bleus, à qui l'on aurait donné le bon Dieu sans confession. J'apprends qu'il est en attente du verdict d'un juge pour enfants pour plusieurs faits de violence, et qu'il est, d'après ce que l'on m'en dit, "un peu chaud". Son éducateur ne lui avait pas laissé le choix : il devait partir en colo et surtout, être sage, car un renvoi aurait pu aggraver le jugement.

La première semaine, il a fracassé un animateur, qui était pourtant assez baraqué, parce qu'il ne voulait pas partir en activité. L'animateur a fini par arriver à le maîtriser au sol. Dès qu'il l'a lâché, il s'est barré en courant, en hurlant qu'il fuguait ; on l'a retrouvé une petite heure après, à 500 mètres du centre. J'ai réussi à le raisonner et à le ramener avec nous, même si toutes ses phrases se résumaient à : "j'emmerde le juge et j'emmerde la colo".

Il a discuté avec son éducateur spé, qui était en vacances, et qui est arrivé à le convaincre de bien vouloir rester. La semaine passe, sans trop d'embrouilles. Mais un soir, il pète un câble, se braque et menace une animatrice de la taper elle aussi. J'envoie donc un homme, qui arrive à le calmer mais le lendemain, il ne veut plus rien faire. À ce moment, il répète seulement : "je m'en fous, je voulais pas venir".

Publicité

Même en le menaçant de renvoi pour violence, ça ne changeait rien, il voulait juste rentrer chez lui. L'éducateur spé ne voulait pas le récupérer parce qu'il était en vacances. Il me suppliait de lui donner une autre chance. Pour moi, c'était hors de question. Il devenait de plus en plus incontrôlable et il allait se barrer de toute manière et finir écrasé quelque part sur le périphérique de Bordeaux.

Le gamin avait fait ses valises, il attendant juste qu'on baisse la garde pour fuguer. Et pendant ce temps, je le gardais dans mon bureau. Là, il s'était mis à répéter en boucle qu'il allait se barrer pour rejoindre un pote à Saint-Denis pour devenir djihadiste. « Il y a que ça de vrai la religion, je veux pas devenir un bouffon d'Arabe comme mon père – je vais faire le djihad ». J'ai réussi à trouver un terrain d'entente avec le foyer et ces derniers l'ont récupéré. Mais face à ce gamin perdu, qui voyait le djihad comme sa seule issue, je me sentais bien démunie. »

––––––

Julien, 27 ans, animateur, 10 ans d'ancienneté

« Une année, des collègues et moi avons monté une opération commando afin d'empêcher deux jeunes de baiser pendant la colonie. C'était à Lisbonne, au Portugal, et une gamine était ultra chaude. Ça n'avait pas échappé à l'un des jeunes mecs. Mais les conditions ne jouaient pas en leur faveur. On vivait dans une sorte d'auberge de jeunesse avec des caméras de surveillance un peu partout, et les filles et les garçons dormaient à deux étages différents.

On savait qu'ils allaient essayer de niquer. Et il fallait qu'on les en empêche – c'était de notre responsabilité. Alors on s'est mis en quête d'une taupe chez les garçons. Et on l'a trouvée. Pour le convaincre, il nous a suffi de favoriser son équipe lors d'un concours de cuisine afin qu'il gagne. Là, il a accepté de nous aider.

Tous les jours, notre indic nous donnait des infos. Un soir, il nous a avertis : c'était LE soir. À minuit, on se met à vérifier les vidéos des caméras de surveillance. Il ne se passe rien. On commence à croire que notre indic nous a trompés, quand, vers une heure, la lumière s'allume à l'étage des garçons. On voit un gamin prendre l'ascenseur, tranquillement. Puis, la lampe du niveau des filles s'allume. Là, j'ai donné le top intervention et une animatrice l'a chopé alors qu'il frappait à la porte du dortoir. Notre opération était réussie. Partout dans la colo, les gamins étaient dégoûtés. »

Cécilia est sur Twitter.