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Culture

La fille qui aimait balancer ses amis communistes au FBI

« Undercover Girl » raconte l’histoire d’Angela Calomiris, une photographe prête à tout pour l’argent et la gloire, mais qui n'eut ni l’un ni l’autre.

Le dernier livre de Lisa E. Davis, intitulé Undercover Girl: The Lesbian Informant Who Helped the FBI Bring Down the Communist Party, relate l'une des histoires oubliées des années 1940 et 1950, quand les États-Unis livraient une véritable chasse aux sorcières à l'encontre des communistes. Le livre raconte l'histoire d'Angela Calomiris, une jeune photographe qui fut la seule femme à témoigner contre 11 membres du Parti Communiste américain lors des procès « Smith Act » de 1949, et évoque ses piètres tentatives pour surfer sur cette notoriété naissante.

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Davis, historienne et écrivaine new-yorkaise, a entendu parler de Calomiris pour la première fois en écoutant une émission de radio datée de 1983, présentée par un animateur connu sous le nom de Buddy Kent. Dans celle-ci, Kent parle « d'une lesbienne qui avait balancé ses potes au FBI », potes dont faisait partie Yetta Cohn, une policière de New York – la petite amie de l'actrice Judy Holliday. L'informatrice était Angela « Angie » Calomiris, une photographe installée à Greenwich Village.

C'est grâce à de nombreux documents conservés aux archives de New York après la mort de Calomiris en 1995 que Davis a pu tirer le portrait le plus juste possible d'une femme aux multiples facettes. En effet, prête à tout pour un peu de reconnaissance, Calomiris avait tout gardé : les correspondances avec le FBI, des journalistes, ses fans, mais aussi les articles de journaux qui faisaient mention de son nom. Bien avant sa collaboration avec le FBI, Calomiris était décrite comme quelqu'un de malhonnête, manipulateur, hypocrite et particulièrement avide de reconnaissance. C'est d'ailleurs ce qui aurait poussé l'agence gouvernementale à la contacter. Calomiris n'hésita pas à balancer Sid Grossman, un respectable professeur de photographie dépeint par la jeune femme comme étant un communiste sans cœur. Grossman n'a plus jamais travaillé à New York et a raconté plus tard à quel point elle avait ruiné sa vie.

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Lisa E. Davis, photo publiée avec l'autorisation de Charlesbridge.

Lisa E. Davis, photo publiée avec l'autorisation de Charlesbridge.

Un élément remarquable dans cette affaire repose sur le fait que Calomiris s'identifiait elle-même comme homosexuelle à une époque ou c'était pourtant illégal. La police n'hésitait pas à faire des descentes dans des bars gays et lesbiens pour arrêter des gens au hasard. L'homosexualité était au centre des délires de ce temps : en 1950, la Une du Washington Herald affirmait que les services secrets soviétiques ciblaient des femmes fonctionnaires et hétérosexuelles « pour les attirer progressivement vers les communautés homosexuelles ». Néanmoins, comme l'écrit Davis, les années 1940 et 1950 étaient « l'un de ces rares moments dans l'histoire américaine où il y avait quelque chose de pire que d'être homosexuel, c'était d'être communiste ». Le FBI connaissait l'orientation sexuelle de Calomiris mais a fait le choix de ne pas en tenir compte car cela leur permettait d'accéder à la New York Photo League – une association de photographes œuvrant pour des causes sociales et proche du Parti communiste. C'était la véritable cible.

Calomiris, taupe pour le FBI, devint membre du Parti communiste et de la New York Photo League de 1942 à 1949. Vers la fin de sa mission, on lui demanda de quitter le Parti à cause de son homosexualité. Elle refusa et exigea une confrontation au cours de laquelle elle aurait pu se défendre. Évidemment, on lui refuse cette opportunité, tout en annulant son exclusion. À la place, on la rétrograda.

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Sa décision de témoigner lors du procès – et donc de révéler sa véritable identité – était motivée par un profond désir de reconnaissance, d'argent et de prestige social. En lieu et place de tout cela, la New York Photo League fut anéantie – la plupart de ses membres furent arrêtés, dont Grossman, considéré comme le « cerveau » de l'organisation – et Angela Calomiris perdit le respect des autres photographes new-yorkais.

Sa soif de gloire ne fit qu'aggraver les choses. Pendant toute la durée du procès, alors que le FBI lui avait demandé de ne pas s'exprimer publiquement, Calomiris fit le tour des médias, enchaînant les émissions radios et les interviews dans les journaux. Elle alla jusqu'à publier un livre confession (rédigé avec l'aide d'un nègre) intitulé Red Masquerade: Undercover for the FBI. Ce dernier est bourré d'inexactitudes et d'exagérations, comme lorsque Calomiris affirme que son travail pour le FBI était pro bono, ce qui a littéralement rendu dingue le bureau. En vérité, Calomiris était très bien payée – environ 225 dollars par mois, ce qui représente aujourd'hui 40 000 dollars par an.

Par la suite, Calomiris espérait utiliser ses contacts au FBI pour se dégoter un boulot de photographe, et elle n'avait pas peur de viser très haut – à savoir LIFE. Si les fédéraux ont bien essayé de faire ce qu'ils pouvaient, ça n'a rien donné. Le magazine leur a répondu que « ses compétences ne correspondaient pas aux standards de LIFE ». Une interview donnée au Ladies' Home Journal fut un véritable désastre. On lui reprocha vertement d'avoir détruit la carrière de plusieurs photographes. Encore une fois, elle se tourna vers le FBI pour demander de l'aide, et donc un job. Sauf que le FBI n'avait à présent plus grand intérêt à l'aider, d'autant plus que son directeur, J. Edgar Hoover, était « dégoûté par cette femme ». Ce fut un choc pour Calomiris, elle qui rêvait toujours de devenir photographe. « Si vous êtes un informateur, vous êtes un héros pendant quelques années, mais une fois que la fumée s'est dissipée, plus personne ne veut de vous », rappelle Davis.

Effondrée et incapable de travailler dans le milieu de la photographie, Calomiris passa le reste de sa vie à Cape Cod, une ville côtière du Massachusetts, où elle devint propriétaire de nombreux logements, vivant dans l'opulence – sans toutefois se faire beaucoup d'amis, tant sa réputation de manipulatrice la précédait. Calomiris mourut en 1995 au Mexique, où elle avait déménagé en espérant que le climat plus chaud pourrait atténuer ses problèmes respiratoires, liés à ses nombreuses cigarettes quotidiennes.

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Undercover Girl: The Lesbian Informant Who Helped the FBI Bring Down the Communist Party sera disponible à partir du 1er mai chez Charlesbridge.