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Sports

La suppression de la task force contre le racisme de la FIFA n'est pas si grave, pour l'instant

Avec les prochains Mondiaux en Russie et au Qatar, la FIFA va devoir affronter des tests grandeur nature sur les questions de discrimination et de racisme.
Wikimedia commons

Vendredi dernier, la FIFA a envoyé une lettre aux membres de son groupe de travail contre le racisme pour les informer que leur mission était "accomplie" et que le groupe de travail était donc dissout, selon Associated Press qui a rapporté l'information dimanche.

Mais alors que l'extrême droite, les suprémacistes blancs et la xénophobie gagnent du terrain aux Etats-Unis et en Europe, le fait que la FIFA déclare que le combat contre le racisme est gagné semble parfaitement inconscient ou ignorant.

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La FIFA a pourtant beaucoup de craintes à avoir sur des problèmes de discrimination au sein du monde du football. Dans neuf mois débute la Coupe des confédérations 2017 en Russie, pays qui a fait les gros titres ces derniers mois pour avoir donné des exemples récents de racisme flagrant. La Russie accueillera la Coupe du monde un an plus tard.

Difficile de faire pire au niveau timing concernant cette décision de la FIFA.

Pour Piara Powar, directeur exécutif du réseau Fare (Football against racism in Europe), qui combat les discriminations dans le football à travers la planète et qui travaille avec la FIFA sur ces questions-là, le démantèlement de cette task force est juste un peu plus qu'un mauvais coup de com', en tout cas pour le moment. L'info n'était pas vraiment surprenante pour lui, vu que le groupe de travail ne s'était pas réuni depuis un an. Il était évident que la FIFA, pour quelque raison que ce soit, ne pensait pas qu'il s'agissait du meilleur moyen de combattre le racisme. Il y a une hypothèse qui circule par ailleurs autour de cette dissolution : elle a été décidée par la FIFA pour prendre ses distances avec son créateur et ancien président, Jeffrey Webb, qui fait partie des dirigeants de la FIFA arrêtés pour corruption l'an dernier.

« La question pour moi n'est pas l'existence ou non de ce groupe de travail, a expliqué Powar à VICE Sports. Ce n'est pas du tout cela. La FIFA doit répondre à ce malentendu qui veut que tout le monde pense qu'ils n'en ont rien à faire de ces questions. »

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La FIFA a, en réalité, suivi pas mal des recommandations prônées par ce groupe de travail, notamment en mettant en place un système de surveillance anti-discrimination lors des matches éliminatoires de la Coupe du monde, en partenariat avec l'organisation Fare. Cela a eu pour résultat des sanctions "historiques" selon Powar, notamment à l'encontre de chants homophobes entendus en mai dernier dans six pays d'Amérique centrale et d'Amérique du sud. Les sanctions étaient légères - de 15 000 à 35 000 dollars par fédération - mais punir des chants homophobes était déjà en soi un acte réellement historique.

La principale préoccupation de Powar, c'est le signal que la décision de la FIFA envoie à ses membres avant les Coupes du monde 2018 et 2022. « On se fait bien plus de soucis quant aux problèmes en Russie et comment on va y faire face, et comment on va combattre les discriminations au Qatar », explique-t-il en faisant référence aux pays hôtes de ces deux événements.

Il reste pas mal de travail à faire en Russie, où les dirigeants ne se préoccupent presque pas de lutter contre le racisme. Dernièrement, l'ancien international et joueur de Bordeaux Alexeï Smertine, désormais ambassadeur de la Coupe du monde 2018, a battu le record du monde de la tautologie en disant à la BBC qu'il n'y avait « pas de racisme en Russie parce que cela n'existe pas », alors que des joueurs noirs se font régulièrement provoquer et insulter à cause de leur couleur de peau.

Et puis il y a le Qatar, qui accueille la Coupe du monde 2022, et où l'homosexualité est illégale. Une question à laquelle l'ancien président de la FIFA Sepp Blatter avait répondu en conseillant aux spectateurs homosexuels de ce Mondial de ne pas avoir de relations sexuelles durant l'événement.

Quand on lui demande si résoudre ces problèmes devient plus difficile avec la dissolution du groupe de travail, Powar est d'un optimisme prudent : « Je ne crois pas que cela rende les choses plus difficiles. On va devoir faire le bilan. Mais cela envoie tout de même un message contradictoire. » Il pense que cela va donner des arguments aux personnes au sein de la FIFA qui veulent ignorer ces problèmes de discrimination ou qui ne les comprennent pas.

Powar attend tout de même de la FIFA qu'elle continue d'être "proactive" sur les questions de discrimination et du racisme dans le sport. « Pour nous, l'enjeu est d'oublier la maladresse de cette lettre et la dissolution de cette task force et de parler des choses qui doivent être faites. » Toute la question est de savoir si le démantèlement de ce groupe de travail est une anomalie passagère ou un signe de ce qui attend le monde du football.