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Canada

Le Yukon traverse une longue crise du logement

Les logements à louer sont rares à Whitehorse, et chers.
Whitehorse, Yukon
Whitehorse. Photo : Gareth Sloan, Wikimedia Commons

Cet article a d'abord été publié sur VICE Canada.

Une pièce avec salle de bains. Pas d’animaux. 900 $ par mois.

Deux et demie. Pas d’animaux. Deux références requises. Premier et dernier paiements de loyer exigés à la signature du bail. 1200 $ par mois.

Yourte à louer. Sans électricité. Sans eau courante. À trente minutes de la ville. Pas de trajet d’autobus. Pas d’accès à internet. 600 $ par mois.

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Ce sont des extraits de vraies annonces affichées sur la page Facebook de Whitehorse Yukon Property Rentals. La rareté des logements locatifs dans le territoire depuis des années a entraîné une hausse des prix dans le marché, qui met de la pression sur les personnes à faibles revenus.

Le taux d’inoccupation en avril dernier, tous types de logements confondus, était de 3,4 %, indique le plus récent rapport du Bureau de la statistique du Yukon. D’après le même rapport, si l’on cherche un appartement avec une chambre fermée, le taux d’inoccupation est de 1,9 %, et on doit s’attendre à un loyer d’environ 950 $ par mois, excluant les autres frais comme l’électricité. Mais si l’on fait une brève recherche parmi les appartements à louer – et non les chambres dans des maisons – on s’aperçoit que la moyenne des prix affichés est proche de 1200 $ par mois.

La population du Yukon est d’environ 40 000 personnes, la plupart vivant à Whitehorse. À un taux d’inoccupation aussi faible, le nombre de logements disponibles est beaucoup plus bas que dans une autre ville plus populeuse où le taux serait le même. Concrètement, à Whitehorse, il n’y a que 37 logements disponibles dans tout le territoire, sur les 882 qu’il compte, selon le rapport.

En plus de la difficulté de trouver un logement, si beaucoup de Yukonais se butent à l’autre obstacle, le prix, c’est que le marché est faussé par la grande proportion de fonctionnaires dans le territoire. En septembre dernier, 41,3 % de la population active travaillaient dans l’un des quatre paliers de gouvernement (autochtone, municipal, territorial, fédéral). Le salaire moyen dans la fonction publique au Yukon est de 81 000 $ par année. En contraste, à 11,51 $ de l’heure, le salaire minimum y est parmi les plus bas au pays.

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Cette combinaison a créé un marché très concurrentiel donnant l’occasion aux propriétaires d’exiger un prix élevé, forçant ceux qui cherchent un logement à accepter ce qu’ils trouvent, quoi que ce soit. Une annonce sur la page Facebook de Yukon Whitehorse Property Rentals décrit une petite chambre avec un matelas sur le sol, une petite table de plastique, un petit placard et une salle de bain, à 700 $ par mois.

« La différence de revenus entre ceux qui travaillent pour le gouvernement et les autres continue de croître », dit Meg Grudeski de la Yukon Anti-Poverty Coalition (YAPC), en entrevue avec VICE. « Pourquoi est-ce que le logement est un si grand fardeau? C’est incroyable que la situation de l’habitation soit un si gros enjeu chaque décennie depuis 40 ans. »

Le Bureau de la statistique du Yukon note que, dans les dix dernières années, le loyer médian, tous types de logements confondus, a augmenté de 250 $. Sans compter que les autres frais représentent une grande dépense dans le Nord canadien, car on doit chauffer beaucoup plus longtemps dans l’année qu’au sud du pays, souvent de la fin d’août au début de mai.

Parallèlement, pour une maison avec trois chambres, le loyer moyen a presque doublé, passant de 850 $ en 2008 à 1600 $ en avril 2018. C’est le genre de maison dont Megan Breen, une Yukonaise, a besoin pour elle et son conjoint, ses trois jeunes enfants et leur chien. Elle a deux emplois de serveuse à Whitehorse et son conjoint travaille à plein temps pour le gouvernement. En juin 2017, le propriétaire de la maison qu’ils louaient depuis trois ans leur a dit qu’ils devaient déménager parce qu’il avait décidé de la vendre. Depuis, ils déménagent sans cesse parce qu’ils ne sont pas arrivés à trouver une maison adéquate à un loyer qu’ils peuvent se permettre.

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Megan et son conjoint ont d’abord cherché une autre maison pendant quatre mois, mais n’ont trouvé aucune maison où les animaux étaient acceptés à un prix accessible pour eux. Ils ont dû s’installer dans leur motorisé, en attendant de trouver une maison. Mais le propriétaire leur permettant en fin de compte de rester une année de plus dans la maison qu’ils louaient, ils y sont retournés.

« Le stress de ne pas avoir trouvé une maison est lourd, dit-elle. On a continué à chercher pendant un an et on a fait des visites, mais, quand on dit qu’on a des animaux, personne ne nous rappelle. On a été obligés d’entreposer nos affaires, et la grand-mère de mon conjoint est allée habiter chez sa sœur au sud pour qu’on s’installe chez elle. »

« C’est dur de vivre avec toutes nos affaires dans des boîtes quand on a trois enfants, et ça nuit à la relation de couple… Ne pas être capable d’avoir une routine normale, déménager sans arrêt, c’est épuisant. Mes enfants se plaignent tout le temps qu’ils sont fatigués et qu’ils veulent juste vivre dans une belle maison et y rester longtemps. »

Après quelques mois de plus, ils ont trouvé une maison en banlieue où les animaux étaient permis. Ils y sont restés pendant deux semaines avant de résilier le bail à cause d’un grave problème de moisissure. Ils ont emménagé chez la belle-mère de son conjoint, qui, elle, s’est temporairement installée dans un chalet pour leur laisser sa maison. Puis, ils ont emménagé dans une nouvelle maison quelques semaines plus tard. Mais ce n’est que pour quelques mois, la maison n’étant disponible que jusqu’en mai prochain.

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« Le marché est absurde. Il faut que les deux conjoints travaillent pour le gouvernement ou la municipalité. […] Aujourd’hui, toutes les maisons à louer coûtent de 2200 $ à 2500 $ par mois, et on exige même un dépôt supplémentaire. Plusieurs personnes m’ont proposé des maisons, mais à un prix tellement absurde… 2500 $, plus les autres frais, qui peut se permettre ça? » demande-t-elle.

« Les enfants appelaient notre dernière maison “la maison dégueu” à cause de l’odeur de moisissure. La maison où on habite en ce moment est la “maison triste” parce qu’elle est mieux, mais qu’on peut y habiter seulement jusqu’en mai. »

Elle dit qu’elle et son conjoint tentent actuellement d’acheter une maison, comme ils ne trouvent pas la maison adéquate parmi celles offertes en location. Ils ont d’abord tenté leur chance à la banque, mais sans succès.

« On ne pouvait pas avoir la somme nécessaire pour acheter une maison pour cinq personnes : 220 000 $. On ne peut même pas acheter une maison mobile assez grande pour ce montant, et la plupart des banques ne prêtent pas pour une maison mobile », dit-elle.

Ils ont ensuite fait une demande de prêt à la Société d'habitation du Yukon, qui offre plusieurs programmes. Ils sauront si leur demande est approuvée ou non d’ici la fin du mois.

Une maison à Whitehorse se vend actuellement en moyenne 479 000 $, en hausse de 10 % par rapport à la même période l’année dernière.

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Dans les dernières années, le gouvernement du Yukon a tenté de trouver des solutions au problème de logement dans le territoire, selon Meg Grudeski, par exemple en donnant le feu vert à un premier vrai projet immobilier pour réduire l’itinérance, mais il y a eu peu de progrès pour aider les personnes à revenus faibles ou moyens. Elle dit que les projets immobiliers sont souvent hauts de gamme, par exemple des condos, parce que ces types de propriétés donnent plus rapidement un rendement plus élevé, ce qui les rend plus attrayants pour les investisseurs.

Dans les dernières années, le gouvernement du Yukon, en collaboration avec les Premières Nations, les municipalités, des partenaires privés et le gouvernement fédéral, a œuvré à créer des incitations pour les entrepreneurs immobiliers afin qu’ils construisent de nouveaux immeubles à logements abordables, dit Pamela Hine, présidente de la Société d'habitation du Yukon. Concrètement, 3,6 millions de dollars ont été alloués à un fonds donnant « 50 000 $ par porte », jusqu’à un maximum de 500 logements.

Ce programme a déjà mené à la construction de nouveaux projets immobiliers dans le territoire et d’autres suivront, dit-elle. Le prochain appel de propositions s’ouvrira en janvier 2019, ce qui mènera à la construction de 120 nouvelles maisons abordables, estime le gouvernement du Yukon.

Les résidences construites dans le cadre de ce programme devront être louées « à un coût égal ou inférieur au coût médian du marché de la location » pendant les 20 ans suivant leur construction, dit la ministre responsable de la Société d'habitation du Yukon, Pauline Frost, en entrevue avec VICE.

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« C’est un défi complexe », a-t-elle admis.

Cependant, vu que le coût médian est déjà élevé au point d’être au-delà de ce que peut se permettre une partie de la population yukonaise, dit Meg Grudeski, la définition d’une « habitation abordable » pose problème.

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« S’il ne faut qu’un changement de politique, pourquoi le gouvernement n’arrive pas à résoudre le problème? demande-t-elle. C’est la grande question. »

Pauline Frost est heureuse du travail de son gouvernement au cours des deux dernières années et rappelle qu’en plus des initiatives gouvernementales, il faut tout simplement du temps pour bâtir des immeubles.

« Il y a deux ans, je regardais la situation de l’habitation et je me disais : “On a un fichu de gros problème sur les bras”, dit-elle. Avec le temps, de plus en plus de solutions apparaîtront. »

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