L’augmentation du taux de suicide pendant les Fêtes est un mythe

Cet article a initialement été publié par Tonic.

Le mythe de la hausse des suicides dans le temps des Fêtes a quelque chose de sombrement fascinant. Les gens seraient davantage angoissés pendant cette période, certains parce qu’ils passent du temps en famille, d’autres parce qu’ils n’ont personne. Il est facile d’imaginer que cette fatigue psychologique se termine tragiquement.

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Mais cette hypothèse est fausse : en fait, moins de gens s’enlèvent la vie en décembre que dans les autres mois. Pourtant, d’après un nouveau rapport du Centre de politique publique d’Annenberg (APPC) à l’Université de Pennsylvanie, le mythe de la hausse des suicides autour des Fêtes persiste. Les médias, en particulier les journaux, en sont un des principaux coupables.

Selon les données des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les mois de novembre et de décembre ont été les deux dans lesquels le nombre de suicides par jour en 2015 a été le plus bas, se classant respectivement aux 12e et 11e rangs, tandis que janvier était neuvième. Plutôt que vers la fin de l’année, c’est au printemps et en été que tendent à culminer le taux de suicide : mai, juillet et mars ont connu les taux quotidiens moyens les plus élevés en 2015. (L’année la plus récente pour laquelle on dispose de données.)

Tableau : Centre de politique publique d’Annenberg

Ce sont des faits. Les CDC ont d’ailleurs créé une page web dans laquelle ils déboulonnent le mythe. En parallèle, l’APPC a examiné la couverture médiatique de ce mythe depuis 1999, comparant le nombre d’articles de journaux qui le perpétuent à ceux qui le déconstruisent dans la base de données Nexis. L’année dernière, pendant les Fêtes, 64 % des articles de presse rapportaient une incidence des Fêtes sur le suicide, tandis que 36 % rétablissaient les faits.

En d’autres mots, près des deux tiers des articles ont colporté une affirmation factuellement incorrecte. Les organes de presse analysés ne comprenaient pas les sources d’information uniquement sur internet, mais une recherche par mots-clés sur Google pour trouver des articles publiés au cours de la même période permet de constater que la tendance en ce qui les concerne est semblable.

Et l’année dernière n’était pas une anomalie. Pendant les 18 années analysées par l’APPC, au cours de deux seulement plus de 60 % des articles dénonçaient le mythe. Au cours des deux années précédant le dernier rapport, les articles rétablissant les faits ont été plus nombreux (même si les proportions sont presque égales), puis les articles perpétuant le mythe ont rebondi en 2016 et 2017.

« C’est décevant de voir que ce mythe n’a pas disparu », se désole Dan Romer, directeur de recherche de l’APPC, dans un communiqué.

Selon l’APPC, le mythe est souvent perpétué par des affirmations qui ne sont pas remises en question. Le rapport donne en exemple un article du Philadelphia Tribune qui contient une citation d’un homme expliquant pourquoi il s’habille en père Noël : « J’utilise Community Claus comme moyen de rencontrer des gens et d’échanger avec eux parce qu’à ce moment de l’année, les suicides sont en hausses. Les gens sont seuls… »

Non, les suicides ne sont pas en hausse à cette période de l’année. Répéter le mythe, ce n’est pas seulement de la désinformation : cela peut avoir des effets négatifs réels sur des personnes qui pensent au suicide. « Les chroniqueurs et journalistes ne sont pas nécessairement mal intentionnés quand ils perpétuent le mythe du suicide, explique M. Romer, mais ça n’aide pas ceux qui peuvent avoir des pensées suicidaires de leur répéter que c’est le moment de l’année où les autres mettent fin à leurs jours. La recherche a montré que ce type d’information peut avoir des conséquences négatives, et la recommandation aux journalistes est précisément d’éviter de présenter des statistiques sur le suicide non fondées ou fausses. »

Le mythe de l’augmentation du taux de suicide pendant les Fêtes est une vraie #faussenouvelle à bannir.

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